VUCA est désormais utilisé comme une introduction aux transformations technologiques, économiques, sociales et sociétales auxquelles les entreprises doivent s’adapter.
Après avoir introduit le sujet avec une expérience personnelle (lien) et présenté le premier acronyme de Volatilité (lien), passons au concept suivant, celui qui a été le sujet du plus grand nombre de publications (juste devant le sujet de la complexité) : l’incertitude.
Cet article est la suite de la partie 2/6 : VUCA et le management de la volatilité.
DÉFINITION DE L’INCERTITUDE DE VUCA
L’incertitude : l’incapacité de tout savoir sur une situation et la difficulté de prévoir la nature et l’effet des changements (au croisement entre l’incertitude et la volatilité). L’incertitude retarde souvent les processus décisionnels et augmente la probabilité d’avoir des opinions très divergentes sur l’avenir. Elle rend nécessaire une gestion intelligente des risques et des stratégies de couverture (Hedging strategy).
Selon cette définition de l’incertitude dans le cadre de VUCA, l’incertitude se rapporte à 1/ l’impossibilité de connaître toutes les informations d’une situation donnée et 2/ la difficulté de prévoir la nature et les effets de ces changements à venir.
1. Concernant l’impossibilité de connaître toutes les informations nécessaires
Cette impossibilité peut être expliquée de deux raisons :
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Il devient difficile de connaître un sujet de fond en comble. Beaucoup ont déjà noté « la fin des experts », que se soit par la commoditisation du savoir, la montée de l’ignorance ou la complexité croissante des domaines à connaître. Ce qui fait d’ailleurs le lien avec le prochain acronyme de VUCA : la complexité. À ce sujet, j’aime bien citer les recherches de Robert E. Kelley, professeur de management à Carnegie-Mellon University qui a demandé à des travailleurs de la connaissance (Knowledge Workers) en 1985 puis en 2006 : « Quel pourcentage de connaissances devez-vous connaître par cœur pour tenir votre emploi ? ». Réponse : 75 % en 1985 et 10 % en 2006.
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Il devient difficile de trouver des informations objectives, stables, fiables et compréhensibles. Si la notion d’incertitude est débattue depuis de nombreuses années, elle se trouve exacerbée depuis l’arrivée des fake news et autres «informations alternatives». À ce sujet, attention, l’incertitude ne vient pas du trop-plein d’informations. Ce qui est lié plutôt lié à la complexité. Il s’agit ici du fait que l’on ne peut pas toujours croire ce qu’on lit, voit ou entend. Le nombre de politiques ayant pris des informations du Gorafi en est un exemple parmi d’autres. En plus, la multiplication des sources d’information apporte encore une couche de complexité et d’ambiguïté à notre quête d’information. Au passage, ce qui expliquerait l’ordre des lettres de VUCA. Nokia surveille Ericsson et arrive Apple et l’iphone. Accor surveille Best Western et arrive Airbnb. Garmin surveille Tom Tom et arrive Google et Google maps. Comme le disent les surfeurs australiens : cela ne sert à rien de s’inquiéter si vous voyez un requin parce que celui qui vous attrapera…vous ne le verrez pas venir !
En résumé, l’incertitude indique un manque de connaissance et de l’identification de sources fiables d’informations. En plus, dans un environnement incertain, les causes et les effets d’un changement peuvent être connus, mais son ampleur et sa durée ne le sont pas toujours.
Pour illustration, prenons un exemple récent lié au management et au recrutement et concernant un mouvement mondial : les changements d’attentes générationnelles.
Dès 2003 en Australie et 2005 en France, des recruteurs puis des managers m’ont fait par de leur incompréhension du comportement de certains candidats et collaborateurs qui refusaient des CDI, posaient leurs conditions, parlaient argent et temps de travail en préambule de l’entretien, choisissaient leur emploi en fonction des avantages offerts et pas de l’intérêt du job. Bref, des candidats qui se comportaient comme des consommateurs devant l’incompréhension de recruteurs qui n’auraient jamais pensé (ou osé) se comporter de cette manière lorsqu’ils étaient eux-mêmes candidats. Les recruteurs se retrouvaient face à une incertitude car ce qu’ils pensaient être immuable : à savoir, le recruteur étant en position de force, ne l’était plus.
Face à ces changements de comportement, les managers et recruteurs, qui pensaient connaître leur sujet en profondeur, ont commencé par rejeter ces changements de comportement sur un manque d’éducation et le fait que l’économie était favorable. Plus facile que de se remettre en question. Malheureusement pour eux, pour en venir à l’ampleur et la signification, ils étaient à coté de la plaque ! Ils refusaient (en tout cas au début) de comprendre que ce changement d’attitude correspondait à un bouleversement mondial de valeurs qui se traduisait par le « travailler pour vivre et ne pas vivre pour travailler ». Les managers restant sur leur valeur de performance et d’excellence, ne pouvaient pas répondre à ce changement immédiat et donc encore moins prévoir les bouleversements qui restaient encore venir.
En plus, bien que l’incertitude s’accélère, elle n’affecte pas toutes les industries en même temps ni de la même manière ! Ce qui explique que lorsque les jeunes candidats en IT prenaient leur temps pour trouver le meilleur job possible, les recruteurs du luxe ne vivaient pas du tout la même expérience. Ils recevaient toujours des candidats dociles cherchant à faire carrière dans une entreprise renommée et sérieuse.
Ce qui nous amène à deux dangers du traitement de l’incertitude : la sous-estimation et la sur-estimation de l’incertitude.
La sous-estimation de l’incertitude
La sous-estimation de l’incertitude peut conduire à des stratégies qui ne permettent ni de se défendre contre les menaces ni de tirer profit des opportunités que des niveaux d’incertitude plus élevés peuvent offrir. Dans l’une des sous-estimations les plus colossales de l’histoire des affaires, Kenneth H. Olsen, alors président de Digital Equipment Corporation, a annoncé en 1977 qu' »il n’y a aucune raison pour qu’un individu ait un ordinateur chez lui ». L’explosion du marché des ordinateurs personnels n’était pas inévitable en 1977, mais elle était certainement dans la gamme des possibilités dont les experts de l’industrie discutaient à l’époque.
La sur-estimation de l’incertitude
À l’autre extrême, le fait de supposer que le monde est entièrement imprévisible peut amener les dirigeants à abandonner complètement la rigueur analytique de leurs processus de planification traditionnels et à fonder leurs décisions stratégiques principalement sur leur instinct. Cette approche de la stratégie « just do it* » peut amener les dirigeants à parier de manière mal informée sur des produits ou des marchés émergents, ce qui se traduit par des amortissements record. Ceux qui ont fait le grand saut et investi dans la banque à domicile au début des années 1980 viennent immédiatement à l’esprit.
* Vous aurez, bien sur, reconnu les derniers mots de Gary Gilmore avant son exécution
2. la difficulté de prévoir les effets des changements en cours et à venir
L’incertitude se démontre aussi dans la difficulté de prévoir les conséquences d’une action donnée, ce qui créé une indétermination fondamentale du futur. Pour paraphraser, il est de plus en plus difficile de prévoir les événements à venir avant d’y être confronté et de plus en plus facile d’être surpris par des événements inattendus. Notre expérience acquise par le passé n’est donc plus suffisante pour affronter le présent, et prévoir le futur. Je dirai même que cette expérience peut-être contre productif ! Cette difficulté de prévoir signifie que :
On devine plus que l’on prévoit
Il est difficile de prévoir les événements futurs – même en utilisant des scénario alternatifs – avant d’y être confronté et l’apprentissage se fait à posteriori. Les futurologues sont devenus les nouveaux astrologues. Demandez à Ray Kurzweil qui avait prévu qu’en 2009 la majorité du texte écrit le serait grâce à la reconnaissance vocale, que les véhicules seraient autonomes sur autoroute, que les ordinateurs ferraient la taille d’une bague et que la plupart des achats se feraient via un bot. Ses prévisions ne sont pas déconnantes, elles sont simplement en retard.
Les conséquences d’une action ou d’un événement sont imprévisibles.
Jusqu’à la pandémie, je n’avais pas d’exemple précis d’effet papillon à utiliser. La raison est qu’il n’y en avait pas de réellement crédible et utile. Puis est arrivé 2019 et cet histoire d’animal sauvage acheté au marché de Wuhan… Répondre à l’incertitude ne demande pas de chercher à rechercher des informations certaines et rassurantes, mais de réduire la routine pour que l’incertitude et la surprise face parties de votre culture d’entreprise. Pour cela, vous devrez investir dans des méthodes de recherche, de collecte, d’interprétation et de partage d’informations ne provenant pas des réseaux habituels et des processus existants. Vous devrez sortir de votre fonctionnement et vos raisonnements habituels pour acquérir des connaissances auprès de nouvelles ressources et développer une nouvelle vision du monde qui vous entoure.
Nous devons nous méfier de nos connaissances et de notre expérience.
Il s’agit d’aller plus loin que le désapprentissage dont j’ai parlé dans le chapitre sur la volatilité. Il s’agit d’être conscient du biais de confirmation. C’est le biais cognitif qui fait que nous privilégions que les informations qui corroborent et confortent nos croyances. En plus, nous ne sommes pas à l’abri d’être victime d’arrogance épistémique qui nous pousse à surestimer ce que nous savons et sous-estimer l’incertitude. Demandez à Areva au sujet de l’EPR de OLKILUOTO qui devait ouvrir en 2014)
les approches traditionnelles de la planification stratégique peuvent être dangereuses.
L’un des dangers est que cette approche conduit les dirigeants à considérer l’incertitude de manière binaire, c’est-à-dire à supposer que le monde est soit certain et donc ouvert à des prédictions précises sur l’avenir, soit incertain et donc totalement imprévisible. Les processus de planification ou de budgétisation qui nécessitent des prévisions ponctuelles obligent les dirigeants à enterrer les incertitudes sous-jacentes dans leurs flux de trésorerie. De tels systèmes poussent clairement les dirigeants à sous-estimer l’incertitude afin de justifier leur stratégie de manière convaincante.
LES AUTEURS DE L’INCERTITUDE
Parmi les centaines d’auteurs, chercheurs et écrivains qui travaillés sur le thème de l’incertitude j’aurais pu commencer par vous parler de Blaise Pascal pour lequel « l’homme n’est qu’un cloaque d’incertitudes et d’erreurs » mais je vous le réserve pour la complexité. J’aurai pu aussi vous trouver une citation adaptée de Socrate ou de Einstein. Ce qui n’est pas difficile à trouver quel que soit le sujet. En fait je me suis concentré sur deux auteurs (dont un qui ne l’a pas fait exprès)qui nous rapproche de l’entreprise et du management de l’incertitude.
Frank Knight et les probabilités
Le premier auteur à nous intéresser pour comprendre le concept d’incertitude dans le cadre du management de VUCA est l’économiste Frank Knight (1885-1972) qui a écrit en 1921 « Risk, Uncertainty and Profit » que vous pouvez lire ici ou acheter là.
Knight distingue plusieurs types d’incertitudes en fonction de son type de probabilité :
La probabilité « statistique », ou risque incertain
Le premier type se situe sur le même plan logique que les propositions des mathématiques. Ce type d’incertitude intervient lorsque nous connaissons à l’avance les résultats potentiels grace aux statistiques et aux mathématiques. Un exemple de risque incertain est de lancer une paire de dés. Avant de lancer le dé, nous connaissons à l’avance les chances de chaque résultat possible.
La probabilité « a priori », ou incertitude réelle
Cette probabilité est marquée par l’absence de toute connaissance quantifiable à priori qui permettrait d’avoir la moindre idée du résultat. Il s’agit de la véritable incertitude, celle qui survient lorsque nous ne connaissons pas à l’avance les résultats possibles de nos actions, ni leurs probabilités. Cette incertitude réelle se produit dans les systèmes complexes (nous arrivons au 3e acronyme de VUCA : complexité), où de nombreux acteurs interagissent au fil du temps – l’économie, par exemple. Ce concept reconnaît un certain degré fondamental d’ignorance, une limite à la connaissance et une imprévisibilité essentielle des événements futurs.
En résumé, un risque est prévisible alors que l’incertitude ne l’est pas. Selon Frank Knight, les véritables possibilités de profit n’existent que face à une véritable incertitude, ce qui signifie que si nous voulons innover avec succès, nous ne devons pas seulement faire face à l’incertitude, nous devons la rechercher.
En poussant l’incertitude à son maximum, mais sans tomber dans le chaos, vous trouverez aussi l’auteur Nassim Taieb (que vous allez retrouver comme auteur dans l’article sur l’ambiguïté) et ses cygnes noirs. Il s’agit selon lui d’événements importants et intrinsèquement imprévisibles qui, une fois survenus, sont rationalisés avec le bénéfice du recul.
Pour Taieb, le risque de Knight n’existe pas dans le monde réel, et un échec imprévisible prend ses racines dans :
- Le fait d’avoir pensé connaître tous les risques et exagéré sa capacité à les comprendre
- La dégradation dans le temps des risques qui étaient calculables à l’origine.
Donald Rumsfeld, on ne sait pas qu’on ne sait pas, ou le contraire
Nous arrivons maintenant à un personnage incontournable sur le sujet et dont la carrière est devenue synonyme d’incertitude (en version clown) à tel point qu’il intitulera ses mémoires : « Known and unknown : A Memoir».
Pour lui, l’incertitude est devenue un sujet d’actualité quand le 12 février 2002, Donald Rumsfeld, alors secrétaire de la défense, a du se justifier devant le département de la défense de l’absence d’armes de destruction massive en Iraq après l’action militaire dans le pays qui aura non seulement divisé les alliés entre eux (y va, y va pas) et, nous l’apprendrons plus tard, permis aux dirigeants de Daech de se rencontrer dans un camp américain.
Lors de son audience, Rumsfeld s’est défendu en disant » Je trouve toujours intéressants les rapports qui disent que quelque chose n’est pas arrivé parce que comme on le sait, il y a les connus-connus (known knowns), les choses que nous savons savoir. Nous avons aussi les (known unknowns) connus-inconnus, les choses que l’on sait ne pas connaître. Mais il y aussi les inconnus-inconnus (unknown unknowns), ces choses que nous ignorons ne pas savoir. Et si nous regardons à travers l’histoire de notre pays et d’autres pays libres, ce sont ces dernières catégories qui sont les plus difficiles. »
Selon cette approche des unknown unknowns :
- Known Known : les informations connues que vous connaissez. Combien font 1+1 ?
- Known Unknowns : les informations que vous savez ne pas savoir. Combien font 1645X37 ?
- Unknown knowns : les choses que vous ignorez savoir. Combien de planète dans le système solaire ?
- UnKnown Unknowns : les choses inconnues que vous ne savez pas ne pas savoir. Selon le principe d’incertitude de Heisenberg, peut-on connaître avec précision la position et la qualité de mouvement d’une particule ?
S’il a popularisé cette approche de « Unknown unknowns » au point de faire l’objet d’un documentaire en 2014 (dans lequel lui-même se mélange les pinceaux entre les knowns et les unknows, c’est la raison pour laquelle il se marre), il se base en fait sur la fenêtre de Johari créée en 1955 par les psychologues Joseph Luft et Harrington Ingham qui l’utilisaient pour aider leurs patients à comprendre leur relation avec les autres.
La fenêtre de Johari en bref :
- La zone publique, ou zone ouverte, désigne ce dont la personne a connaissance sur elle-même et partage avec autrui (identité, poste occupé, apparence, parcours professionnel, etc.). C’est le connu (par la personne) et connu de tous.
- La zone aveugle regroupe ce que la personne ignore, mais que les autres connaissent quant à elle (rancœurs, admiration, perception qu’ont les autres de la personne, vos manies, tics de langage, etc.). C’est l’innonu connu.
- La zone cachée représente l’ensemble des informations connues de l’individu, mais cachées à autrui (ambitions, secrets quelconques, situation familiale, salaire, maladie, etc.). C’est le connu inconnu.
- La zone inconnue, matérialise ce dont l’individu n’a pas connaissance quant à lui-même et que les autres ignorent également (talents cachés, limites inconscientes, projections futures, etc.). C’est l’inconnu inconnu.
L’ENTREPRISE FACE À L’INCERTITUDE
En temps normal, les organisations sont confrontées à de nombreuses incertitudes aux conséquences variables. C’est le mode normal. Les managers et dirigeants font face à ces défis en s’appuyant sur des structures et des processus spécifiquement conçus pour réduire l’incertitude comme des études, des focus-groupes, des analyses de tendances et tutti quanti. Cependant, en cas de crise grave et instantanée comme le COVID-19, l’incertitude peut atteindre des niveaux d’incertitude extrême. À ce moment-là, les modèles de protection contre l’incertitude « normale » sont dépassés comme une digue qui cède et l’entreprise peut se trouver confrontée à une menace existentielle.
Les lignes de faille entre les industries et les modèles d’affaires que nous connaissions avant la crise COVID-19 sont devenues des fissures géantes, séparant la vieille réalité de la nouvelle. Tout comme un tremblement de terre produit une libération soudaine de force refoulée, le choc économique déclenché par la pandémie a accéléré et intensifié les tendances qui étaient déjà en cours. Il en résulte un élargissement spectaculaire de l’écart entre ceux qui se trouvent en haut et en bas de la courbe de puissance du profit économique – les gagnants et les perdants dans la course mondiale aux performances des entreprises. En d’autres mots, les industries qui connaissaient une baisse de leurs bénéfices économiques avant la crise ont subi des baisses encore plus importantes à cause de celle-ci, tandis que celles qui augmentaient leurs bénéfices ont vu leurs gains augmenter de façon considérable.
Il n’est donc pas surprenant que les organisations aient besoin d’un nouveau modèle de management, car elles ne peuvent plus faire sens de l’incertitude avant de la réduire autant que possible avant d’agir. L’ampleur de l’incertitude à laquelle nous sommes confronté actuellement signifie qu’elles doivent apprendre et s’adapter au fil de l’eau pendant que la situation continue d’évoluer. Elles n’ont plus le temps d’organiser un comité stratégique pour comprendre et choisir ! Et nous arrivons ici au cœur de l’approche militaire de VUCA : plus d’états-majors qui planifient, que des petites équipes de terrains qui décident en fonction des événements !
Intéressons-nous maintenant aux effets concrets de l’incertitude sur l’entreprise et le monde.
Concurrence
La concurrence devient de plus en plus incertaine. Pour preuve, de petites structures peuvent menacer des entreprises établies selon la théorie de la disruption (Airbnb / Accord, Uber / G7, etc.) et même des startups en phase de lancement peuvent se retrouver concurrencées, voir même coiffées au poteau. Comme c’est arrivé par exemple à Zappos (et beaucoup d’autres) qui se sont fait copié avant de pouvoir s’établir dans d’autres pays.
Attentes clients
L’incertitude de la demande découle des inconnues associées aux attentes des clients qui eux-mêmes ne savent pas toujours ce qu’ils veulent. Plus il y a d’inconnues sur celles-ci, plus l’incertitude de la demande est grande. Par exemple, lorsque à Sydney, j’ai commencé à proposer de recruter sur les valeurs et plus seulement sur l’expérience, l’incertitude de la demande était colossale puisque personne, mondialement, ne proposait ce type de service. En revanche, lorsque j’ai commencé à proposer aux clients de Technoraid de vendre leur véhicule de compétition vieillissant pour notre véhicule maison l’incertitude était moindre puisqu’ils étaient déjà clients et souhaitaient changer de voiture.
Talents
Quand je vous parlais dans l’article sur la volatilité d’obsolescence et commoditisation des compétences. Celles-ci sont, évidemment, directement liées à l’incertitude. Pour preuve, êtes-vous capable de me dire quelles seront vos compétences actuelles qui seront les premières obsolètes et quand ? Si vous le savez, laissez un message en commentaire, je suis impatiemment curieux de savoir lesquelles.
Technologie
L’incertitude technologique résulte des inconnues concernant les technologies qui pourraient émerger ou être combinées pour créer de nouvelles solutions. Par exemple, une grande variété de technologies propres (notamment l’énergie éolienne, la méthanisation, le solaire ou l’hydrogène) rivalisent pour alimenter les véhicules et les villes, alors qu’une grande variété de technologies médicales (chimiques, biotechnologiques, génomiques et robotiques) sont développées pour traiter les maladies. L’incertitude technologique augmente avec le taux global d’invention dans les différents secteurs.
Parties prenantes
Les dirigeants peu enclins au risque qui se croient dans un environnement très incertain ne font pas confiance à leur instinct et souffrent d’une paralysie décisionnelle. Ils évitent de prendre des décisions stratégiques cruciales sur les produits, les marchés et les technologies qu’ils devraient développer. Ils se concentrent plutôt sur la réingénierie, la gestion de la qualité ou les programmes internes de réduction des coûts. Bien que précieux, ces programmes ne remplacent pas la stratégie.
Prendre systématiquement de bonnes décisions stratégiques dans l’incertitude exige une approche différente, qui évite cette dangereuse vision binaire. Il est rare que les managers ne sachent absolument rien de l’importance stratégique, même dans les environnements les plus incertains. En fait, ils peuvent généralement identifier une série de résultats potentiels ou même un ensemble discret de scénarios. Cette simple intuition est extrêmement puissante, car la détermination de la meilleure stratégie et du processus à utiliser pour l’élaborer dépend de façon vitale du niveau d’incertitude auquel une entreprise est confrontée.
Ce qui suit est donc un cadre permettant de déterminer le niveau d’incertitude entourant les décisions stratégiques et d’adapter la stratégie à cette incertitude. Aucune approche ne peut faire disparaître les défis de l’incertitude, mais celle-ci offre des conseils pratiques qui conduiront à des décisions stratégiques plus éclairées et plus confiantes. Plus concrètement, pour naviguer en temps incertains, la première étape est de maîtriser la notion de Volatilité dont nous avons parlé dans l’article précédent consacré au management dans VUCA. Si c’est déjà le cas, et que vous utilisez déjà votre curiosité personnelle et organisationnelle pour explorer proactivement votre environnement, vous allez pouvoir éliminer l’incertitude due à un manque de connaissances. Ce qui vous permettra de vous intéresser à « l’incertitude réelle » dans laquelle réside des opportunités.
Économie
L’incertitude de l’environnement, qui comme je l’ai précisé dans l’introduction, peut favoriser ou détruire un business model. Savoir que les attentes de ses collaborateurs peuvent changer aussi rapidement que celles de ses clients est une chose, savoir y répondre en est une autre. Une annulation de Dakar à cause de la situation internationale, une campagne des verts sur la pollution des 4×4 et quelques départs à la retraite plus tard, mon affaire incertaine de recrutement est devenue exponentielle, mon affaire certaine de 4X4 a fait faillite. $àç »§’ d’incertitude.
Toutes ces sources d’incertitudes expliquent que la définition de l’incertitude de VUCA s’achève en rappelant qu’il est « nécessaire d’avoir une gestion intelligente des risques et des stratégies de couverture (Hedging strategy) ». Il s’agit d’une pratique de la finance qui consiste donc à couvrir une position ouverte par une autre position opposée. Pour ce faire, les deux positions concernées doivent bien entendu avoir le même montant. Il suffit alors d’attendre le début d’une tendance fiable pour revendre la position qui est devenue obsolète et ainsi pouvoir conserver ouverte la position qui évolue dans le bon sens.
LE MANAGEMENT DE l’INCERTITUDE
Avant de proposer quelques pistes pour manager l’incertitude, commençons par identifier les risques auxquels s’exposent les managers de l’ignorer.
Les dangers d’ignorer l’incertitude pendant la crise sanitaire du COVID-19
L’environnement opérationnel de COVID-19 exige que les managers réexaminent leurs processus de pensée collective et remettent en question leurs propres hypothèses. S’ils ne le font pas, ils risquent de commettre de graves erreurs. Voici quelques-uns des pièges que les gestionnaires rencontreront probablement :
Le Biais d’optimisme
Étant donné que les managers et leur entreprise n’ont jamais rien vécu de similaire à la crise du Coronavirus, les automatismes existants ne s’appliquent plus. Un problème commun est que les managers font l’expérience du biais d’optimisme, à la fois individuellement et collectivement. Ils seront enclins à avancer la date du retour aux affaires ou à minimiser la durée de la fermeture de l’entreprise. Nous sommes d’accord, ce n’est pas comme si le gouvernement les y aidait. Simplement, les managers ne peuvent pas ou ne veulent pas croire à quel point la situation pourrait être mauvaise, et l’organisation finit par planifier un scénario beaucoup plus doux que ce qui se passe en réalité.
L’instabilité informationnelle
L’information est instable dans le cadre de la pandémie COVID-19. Les données épidémiologiques sont en constante évolution : taux d’infection et de mortalité, proportion de cas asymptomatiques, intensité et efficacité des tests, durée de la période infectieuse, étendue et durée de l’immunité après l’infection. Le problème s’étend aux données économiques médiocres ou manquantes dont la fiabilité a été affectée par la rapidité et la gravité des changements. La stratégie commerciale conventionnelle est le plus souvent basée sur des hypothèses concernant un déroulement probable des événements. Dans la crise actuelle, un seul scénario de planification « le plus probable » est irréalisable. La sensibilité des modèles statistiques à des changements relativement faibles dans les hypothèses sur les variables clés crée un risque encore plus grand. Par exemple, les projections du taux de transmission de la COVID-19 sont essentielles pour se faire une idée de l’impact probable de la maladie : même une augmentation minime du taux de reproduction peut entraîner une hausse spectaculaire des taux d’infection et de mortalité prévus et modifier radicalement les attentes concernant les mesures gouvernementales probables et le comportement des consommateurs.
Donner une mauvaise réponse
Outre l’instabilité de l’information, les dirigeants doivent également être sensibles à la possibilité que des informations qu’ils pensaient claires et certaines se révèlent fausses. Les dirigeants ne peuvent pas considérer leurs propres hypothèses comme des faits, car de nouvelles informations pourraient apparaître et les invalider. Les hypothèses et la compréhension doivent être régulièrement réexaminées et révisées si nécessaire, dans le cadre de la pratique d’apprentissage continu de l’organisation. Le modèle de fonctionnement doit être capable d’absorber les mauvaises réponses initiales et d’y remédier rapidement ; les organisations peuvent même encourager les gestionnaires à chercher des occasions d’actualiser les hypothèses.
Se retrouver paralyser par l’analyse
Des données confuses et en constante évolution peuvent amener les gestionnaires à retarder les décisions alors qu’ils recherchent une plus grande rigueur analytique. Ils risquent de ne jamais la trouver, étant donné l’ampleur de la crise dans laquelle nous sommes. Il n’est pas conseillé de retarder la prise de décision dans une crise aussi rapide et grave que la pandémie COVID-19. Le retard est en soi une décision, car l’absence d’action a des conséquences – par exemple, une propagation continue et incontrôlée du virus. Les responsables doivent plutôt agir en fonction de ce qu’ils savent et adapter leur stratégie à mesure que de nouvelles informations sont disponibles.
Oublier que l’entreprise peut être épuisée de tant d’incertitude
En cas d’incertitude extrême, les organisations sont généralement incapables de reprendre leurs activités habituelles pendant longtemps, parfois des années. Cela expose les gestionnaires et leurs équipes au risque d’épuisement face à des changements constants et apparemment sans fin. Une crise peut galvaniser les cadres supérieurs et les employés d’une entreprise dans sa phase initiale. Mais une fois que l’adrénaline s’estompe, l’incertitude permanente devient exaltante. Au pire, elle peut nuire à la santé mentale et physique des cadres, et causer un préjudice majeur à l’efficacité de l’organisation, allant d’une baisse de la réactivité à une détérioration de la qualité générale du travail.
Manager l’incertitude avec créativité, expérimentation et résilience
Cette incertitude réelle, comme l’appelle Knight, et composée des » unknown-unkowns » de Rumsfeld, vous demanderont de développer une capacité organisationnelle d’expérimentation et de résilience.
Ce qui est remis en cause
En quelques mots, toute prévision ferme et définitive sur moyen terme et les plans stratégiques qui les accompagnent. Vous pouvez prévoir plusieurs scénarios sur lesquels rebondir en fonction des événements, nous y reviendront, mais vous ne pouvez plus vous fiez à un plan unique, à une prévision chiffrée précise ou à environnement prévisible. Même Apple qui est devenu extrêmement prévisible réussis à nous surprendre alors n’attendez pas que votre plan se déroule sans accroc ! Au-delà de la prévision, oubliez aussi, dans une certain mesure, votre volonté de contrôle. Je l’ai appris à mes dépens, ce n’est pas un hasard s’il y a de plus en plus de formations au lâcher prise sur le marché.
Réponse émotionnelle
L’incertitude touche tout le monde ! Même les fonctionnaires qui eux aussi doivent passer par des entretiens dévaluation et prouver leur utilité à la cause. Si vous ne l’avez pas compris et que personne n’est pas pour vous épauler, vous ne pouvez pas vous en vouloir de vous sentir stressé, anxieux ou angoissé à cause de l’inconnu face auquel vous êtes impuissant. L’incertitude n’est pas un problème qui n’a pas de solution, c’est un contexte !
Pour cela, vous devez comprendre les 3 niveaux, leur cause et en parler :
- Le stress qui est le premier degré et se caractérise par le sentiment d’être sous tension permanente. Ce qui est considéré comme une maladie sociétale vous demandera de comprendre le contexte de ce stress pour chercher à l’éliminer.
- Ensuite l’anxiété qui est un sentiment inexplicable d’insécurité permanent. Ce qui arrive quand vous faites face dans la durée à une situation que vous n’avez jamais rencontré avant et pour laquelle vous n’avez pas reçu de formation pour la surmonter
- Et enfin, le troisième niveau, l’angoisse qui se caractérise par un vécu douloureux et peut déclencher des crises touchant à la respiration ou une peur irraisonnée qu’il n’y ai plus d’avenir. Espérons que nous n’en arrivions pas là.
Ce qui ne fonctionne plus
Résultat direct de ce qui est remis en cause : plus de prévision sure donc plus de planification certaine. Ce n’est pas un hasard si le mot « agilité » est le plus souvent associé à VUCA ! Nous allons y revenir plus en détail dans la conclusion sur l’utilisation de VUCA en entreprise.
Ce qu’il faut arrêter
Déjà, pensez que ce que vous prévoyez va arriver et que ce que vous n’avez pas prévu n’arrivera pas. Ensuite, il faut arrêter de se mettre des œillères en ne regardant que l’objectif en ligne de mire tout en rejetant les déviations sur le manque de motivation ou l’incompétence de ses collaborateurs ! Le monde bouge, le contexte évolue et les objectifs n’ont de valeurs que pour ceux qui y croient encore. Je ne vous donne pas de nom ici, mais en conférence je cite cette entreprise (que vous pouvez deviner de laquelle il s’agit via cet article sur le travail à distance) qui face aux pertes essuyées pendant le premier confinement a simplement reporté ce montant sur le résultat à faire sur l’été. Cette entreprise commercialisant des produits de maquillage qui a connu une chute de -53,4 % pendant le confinement et qui est resté à -47 % durant l’été ! Imaginez le niveau de stress imposé sur les collaborateurs par leur direction !
Ce qu’il faut faire à la place
Rester à l’écoute et rester ouvert à tout changement imprévu qui ne correspond pas à vos attentes en se méfiant à tout prix du biais de confirmation ! Vous savez, ce biais cognitif qui fait que l’on ne relève que les informations qui confortent ce que l’on croit déjà. Vous devez avoir une culture de la curiosité pour rester le plus au contact possible avec les tendances avant d’utiliser la créativité de votre équipe pour y faire face.
C’est ce que propose Jeff Bezos dans sa lettre aux actionnaires de 2016 :
« […] Si vous résistez à la nouveauté, vous résistez au futur. Choisissez l’innovation et vous aurez le vent dans le dos. Les grandes innovations ne sont pas si difficiles que ça à identifier (on en parle et on écrit généralement beaucoup à leur sujet.), mais étrangement, les grandes entreprises ont beaucoup de mal à les adopter. Ainsi, il existe aujourd’hui un mouvement d’innovation évident dans le domaine de l’intelligence artificielle et du machine learning. Au cours des décennies précédentes, les ordinateurs ont permis d’automatiser des tâches que les programmeurs étaient en mesure de décrire avec des règles simples et des algorithmes. Les techniques actuelles du machine learning nous permettent de faire la même chose pour des tâches qu’il est beaucoup difficile de réduire à des règles précises. Chez Amazon, cela fait plusieurs années maintenant que nous avons mis en application les technologies de machine learning. Une partie de ce travail est extrêmement visible : nos drones Prime Air pour des livraisons autonomes ; nos épiceries Amazon Go qui grâce à des technologies d’apprentissage visuel permettent de supprimer les files d’attente en caisse ; et Alexa, notre assistant virtuel intelligent. Mais la plupart des domaines où nous employons les technologies de machine learning ne sont pas visibles. Ainsi, ce sont des technologies de machine learning qui pilotent nos algorithmes de prévision de la demande, de recherche et de recommandation produits, de détection de la fraude, de traduction, et bien d’autres encore. Bien que moins visibles, la majorité des applications de machine learning seront de ce type. Discrètement, mais de façon puissante, elles participent à l’amélioration de nos opérations fondamentales.[…] » |
Écoutez les signaux faibles et agissez dès que l’un d’eux se confirme en tendance !
Compétences managériales à développer
La créativité
Grand sujet de ce blog qui demande déjà de comprendre les différences entre créativité et innovation avant de faciliter la transition d’un management (de moins en moins) descendant pour un management favorisant l’émergence des idées et leur prise au sérieux.
Je vais faire simple, car cet article commence à traîner en longueur : la créativité est la qualité de leadership la plus importante à acquérir dans le cadre de l’incertitude. Point final.
Les dirigeants créatifs ont la capacité de regarder les choses d’une manière nouvelle et de résoudre les problèmes en voyant des choses que les autres ne voient pas. Les synonymes de créativité comprennent des mots comme inventivité, imagination, innovation, vision, progressivité, originalité et ingéniosité, pour n’en citer que quelques-uns. Le rôle de la créativité dans le leadership est vital pour la survie de toute organisation dans le climat commercial et culturel en constante évolution qui existe aujourd’hui.
En 2010, IBM a interrogé 1 500 chefs d’entreprise et dirigeants du secteur public sur ce qui les pousse à gérer leur entreprise dans le monde d’aujourd’hui. Ils ont constaté que la créativité était classée comme la qualité de leadership la plus importante pour le succès en affaires, l’emportant sur l’intégrité et la pensée globale. En 2010 !!! Imaginez ce qu’il en est aujourd’hui !

Enquête IBM, source Fast Company
Face à l’incertitude, le leadership créatif au sein des entreprises présente de nombreux avantages, notamment :
Nouveaux types de résolution de problèmes
Le leadership créatif aide les entreprises en leur ouvrant de nouvelles possibilités de résolution des problèmes et de croissance que les méthodes plus conventionnelles ne permettraient pas. De nouvelles perspectives sur les problèmes grâce à une approche créative peuvent conduire à des solutions nouvelles et peut-être inédites.
Atteindre les objectifs et la croissance
Lorsque les dirigeants abordent les objectifs d’un point de vue créatif, ils acquièrent la capacité d’atteindre plus facilement les objectifs. Un dirigeant créatif voit des voies uniques pour atteindre ces objectifs. Qu’il s’agisse d’augmenter les bénéfices ou d’élargir l’offre de produits, le leader créatif a la capacité de tracer un chemin pour atteindre de nouveaux niveaux de réussite que les autres leaders de l’entreprise ne peuvent pas voir.
Favoriser une mentalité positive sur le lieu de travail
Au fur et à mesure que les entreprises se développent et que les processus évoluent, le personnel de niveau inférieur peut souvent se sentir ostracisé ou oublié. Le leadership créatif offre un certain nombre d’opportunités pour remédier à cet état d’esprit en mettant en œuvre des techniques et des idées non-traditionnelles afin d’inclure les personnes et les équipes dans le succès de l’entreprise.
Un manager créatif peut suggérer aux employés de faire un brainstorming sur les idées de leur point de vue, au lieu de prendre les idées au sommet. Les employés n’ont pas toujours les mêmes informations que la direction, de sorte que le fait de voir les problèmes ou d’innover de l’intérieur pourrait déboucher sur des idées et des informations nouvelles ou profondes pour aider à trouver des solutions aux problèmes.
Trouver des perspectives improbables
Pour prospérer, une entreprise doit se développer, s’adapter et créer son propre chemin vers le succès. Les leaders créatifs adoptent des points de vue improbables et impopulaires. Les perspectives improbables permettent de révéler des avenues nouvelles et passionnantes, qui peuvent être utilisées pour concevoir des changements nouveaux et passionnants afin d’aider l’entreprise à prospérer et à se développer.
Par exemple, Fidji Simo (née à Sète, youhou) est à la tête du développement de l’application Facebook et responsable du développement de « Facebook Live ». Elle a trouvé une perspective improbable en demandant à ses équipes « Quels sont les sentiments que les gens veulent avoir ? » et en concevant le produit autour de ce qui fait que les gens se sentent bien. Selon ce magazine de la haute finance : Fidji Simo veut que vous ayez de nouveau confiance en Facebook.
L’expérimentation
On pense que pour agir il faut savoir et que savoir c’est prévoir, mais ce n’est plus possible de penser aussi simplement. Contrairement aux environnements stables dans lesquels les organisations s’appuient pour renforcer leur expérience et maintenir une routine, l’incertitude ne vous laisse pas de temps pour développer un produit parfait avant de le vendre à des clients impatients ! L’incertitude de l’environnement VUCA oblige les organisations à se rapprocher de leurs parties prenantes (collaborateurs, clients, chercheurs, etc.) pour les engager dans un processus d’innovation impliquant l’extérieur comme par l’open innovation (l’innovation ouverte) ou la co-création qui permet d’avancer sans faire d’hypothèses vaines.
Nous ne pouvons pas prédire l’avenir, mais nous pouvons au moins l’influencer en mettant en question les modèles actuels par le biais d’expériences. Pour ce faire, je vous invite à vous pencher sur les pratiques du Lean, notamment sur la notion de « Produit Minimum Viable ». Il s’agit de « prototyper » de nouvelles offres, pratiques ou processus en les proposant rapidement à vos clients (internes et externes) de façon itérative, plutôt que de les développer en interne et de les présenter à vos clients quand vous pensez que c’est prêt. Cette approche de « PMV », ou « MVP » en anglais, popularisée dans le monde des startups par l’ouvrage « Lean startup » de Eric Reyes, repose sur plusieurs postulats liés à l’incertitude :
- Une startup n’a pas de business Model stable et récurent. Elle doit expérimenter pour tester ses hypothèses qui permettront de trouver et valider son modèle d’affaire.
- Un client ne sait pas toujours ce qu’il veut sans l’avoir vu et doit être consulté fréquemment pour rester au centre de la création de l’offre qui le concerne.
- Il est désormais possible de vendre avant de fabriquer grâce par exemple aux sites de crowdfunding – financement participatif. Un proto, une vidéo et voilààà vous payez avant la fabrication du produit.
Voici quelques idées pour vous aider créer une culture de l’expérimentation :
Faire plus de paris
Comme le disent les ingénieurs de General Electric, « nous ne rêvons pas seulement en couleur, nous rêvons aussi en échelle. » Cela signifie que lorsqu’ils planifient l’avenir, ils mettent temps et argent sur beaucoup de petits paris, et pas seulement sur quelques-uns. Ce que Google a arrêté de faire en 2011 lorsque que Larry Page a reprit les choses en mais, mais passons. Nous revenons à la stratégie de couverture citée dans la définition « officielle » de l’incertitude de VUCA. Ce qui revient à évaluer constamment chaque pari en étant prêts à augmenter la mise sur ceux qui fonctionnent. Comme les paris sont petits, ils sont plus libres de tuer les projets qui mènent nulle part pour mettre leurs ressources ailleurs. C’est une méthode de travail agile et efficace à condition de ne pas tomber dans le biais cognitif des coûts irrécupérables. Si au cinéma vous restez jusqu’à la fin d’un film nul parce que le billet était cher, cherchez plus, vous y êtes.
Les paris de GE sur la fabrication d’additifs, les énergies renouvelables et les nouvelles thérapies cellulaires ont tous commencé à petite échelle. Dans un monde incertain, le chemin du succès ressemble à de petites équipes composées des bonnes personnes travaillant par étapes. Il n’est plus nécessaire de lancer une nouvelle entreprise pour faire de plus petits paris. Il suffit de commencer par supprimer la pression de trouver LA grande idée, la remplacer par une recherche continue de plus petites idées, de la plus sage à la plus radicale. Testez et apprenez. C’est la même chose pour les projets et les initiatives. Soyez clair sur le résultat escompté, lancez un groupe de petits projets pilotes, puis voyez lesquels ont le plus de chances de fonctionner.
Avoir des fenêtres de tir plus courtes
Dans un monde incertain, si vous prenez trop de temps pour planifier la manière dont votre offre sera proposée, elle pourrait devenir obsolète au cours de son développement.
Cela signifie que vous devez planifier la fourniture de services dans des délais plus courts, avec davantage de boucles de retour d’information. Il faut aussi prévoir une flexibilité qui vous permette d’augmenter, de diminuer, d’activer, de simplifier, de transformer ou de désactiver, voire de déployer les services dans des directions totalement nouvelles en fonction des réactions que vous recevrez. Pour cela, la première étape consiste à se demander « Que faut-il faire pour passer à l’étape suivante ? » puis « Comment devons nous ajuster nos dépenses. »
Les conditions commerciales et les contrats sont d’autres domaines où les fenêtres d’exploitation doivent être plus courtes. Les contrats peuvent prendre trop de temps à finaliser lorsque les deux parties tentent de résoudre toutes les éventualités. Une approche plus réaliste consistera à établir un ensemble de règles de fonctionnement pour une relation de travail et à convenir des conditions d’une réévaluation régulière, déclenchée par les changements futurs. (qui arriveront, soyez en sur).
Faire moins de suppositions, proposer plus d’hypothèses
Le mot « hypothèse » semble faire autorité, mais il signifie en fait le contraire. En science, une hypothèse est une conclusion formée à partir de preuves limitées, à utiliser jusqu’à ce que vous trouviez quelque chose de mieux. C’est un point de départ, pas un point d’arrivée.
Dans notre monde accéléré, nous sommes mieux servis en faisant l’inventaire de nos hypothèses et en en transformant autant que possible en hypothèses.
Dans mes équipes, les deux questions que j’essaie de poser le plus souvent sont « Quelle est l’hypothèse » et « Comment saurons-nous si elle est vraie ? Penser de cette façon permet de se libérer de la pression, car nous n’avons pas l’impression de devoir savoir quelque chose qui n’est pas encore connu. Nous sommes libres de laisser l’avenir être l’avenir.
Ce qui est improbable ou même impossible aujourd’hui pourrait bien être la nouvelle norme dans six mois. Lorsque nous considérons la majeure partie de notre vision du monde comme un point de départ, la nouvelle normalité est forcément moins choquante. Les surprises et les perturbations qui se produisent à chaque coin de rue nous rappellent que la meilleure façon d’avancer est de rester en mouvement.
La résilience
La Résilience est la capacité à absorber le stress, se remettre d’un coup dur ou d’un échec et à se développer dans des circonstances inhabituelles. La gestion de la résilience nécessite plus que la simple greffe de nouvelles idées ou de nouveaux outils sur les approches actuelles. Elle exige un état d’esprit d’entreprise fondamentalement différent, qui englobe la complexité, l’incertitude, l’interdépendance, la pensée systémique et une perspective à plusieurs échelles de temps. Oui, complexité, on retrouve de nouveau la prochaine lettre de VUCA et la raison que VUCA est VUCA et pas CAVU ou VAUC.
Et cette résilience demande…devinez… de l’adaptabilité qui demande… de l’expérimentation. L’adaptabilité est la capacité à évoluer par tâtonnements. Elle requiert un certain niveau de diversité et d’inclusion, obtenu par une expérimentation naturelle ou planifiée, en combinaison avec un mécanisme de sélection itératif pour déployer les idées qui fonctionnent le mieux. Les processus et les structures des organisations adaptatives sont conçus pour la flexibilité et l’apprentissage plutôt que pour la stabilité et les changements minimaux.
Ces deux actions reposent toutes les deux sur votre capacité de curiosité pour écouter votre environnement, votre industrie et vos clients pour détecter l’événement dès qu’il se passe même s’ils ne confortent pas vos croyances et d’empathie pour vos clients, car si vous êtes en pleine incertitude n’oubliez pas que vos clients aussi. Ce qui signifie que dans l’incertitude, la Relation client et l’empathie deviennent plus important que la marge.
Pour instaurer et maintenir une culture de l’expérimentation et de la résilience vous avez de nombreuses options managériales que vous pouvez implémentez l’une après l’autre.
Investissez dans la collecte et le partage en interne d’informations
J’enfonce le clou de la curiosité dont nous avons parlé lors de l’épisode précédent. Encouragez vos collaborateurs à partager toute information client/marché/secteur/tendance et punissez impitoyablement ceux qui ne jouent pas le jeu et pensent encore que l’information, c’est le pouvoir. Vous devez être sur le qui-vive pour identifier les tendances et les dangers qui peuvent être autant d’opportunités pour les digérer rapidement.
Faites entrez des compétences qui vous semblent inutiles aujourd’hui
Vous pouvez aussi inverser la logique de la formation en acceptant toute demande de formation de vos collaborateurs avant de leur demander à leur retour de partager ce qu’ils ont appris en atelier. Si le monde est imprévisible, les compétences dont vous aurez besoin le sont aussi donc ne cherchez plus à limiter le type de connaissance ou le genre de compétence qui entre dans votre entreprise ! Il ne suffit plus d’acquérir de nouvelles compétences, mais des compétences différentes et apprendre le plus vite possible sur un maximum de sujet !
Créez des formations à la volatilité, imprévisibilité, incertitude et à l’ambiguïté !
Comme le propose par exemple l’école de la prévision de Twitch, une filiale d’Amazon qui est un youtube uniquement consacré aux jeux videos, https://hbr.org/2017/05/how-our-company-learned-to-make-better-predictions-about-everything qui a créé une formation à la prévision basé sur l’idée popularisée par Philip Tetlock dans superforcasting. Selon lui, les meilleurs prévisionnistes sont ceux qui sont le plus capable de se remettre en question, d’apprendre rapidement de leurs erreurs et de continuellement mettre à jour leur vision du monde. Il arrive donc que chez Twitch, pour rassembler les troupes autour d’un projet d’amélioration ou d’innovation le porteur du projet motive son idée et créé un groupe autour de celui-ci en disant : «Si nous lançons ce produit, je suis confiant à 70 % que sous 8 semaines 15 % de nos clients l’utiliseront !». Vous pouvez aussi commencer par une conférence sur VUCA par Benjamin Chaminade bien sur !
Valorisez les échecs et les erreurs.
Pour soutenir une culture de l’expérimentation, il est logique de ne pas tomber à bras raccourci sur le premier collaborateur qui fait une erreur. Si l’erreur ne doit pas être encouragée évidemment elle doit cependant être valorisée et partagée. Toute erreur qui n’a pas encore été faite par un concurrent est un avantage concurrentiel !
C’est cette approche que nous avons utilisé pour développer notre véhicule de compétition. Ce qui a changé ma façon de penser à propos des plans complexes à long terme. Nous en en reparlerons dans la partie sur l’ambiguïté mais il faut bel et bien une vision à long terme pour continuer à avancer ensemble dans la même direction, tout en étant aussi être prêt à faire évoluer cette vision ou à faire marche arrière si le contexte l’exige !
L’INCERTITUDE AU NIVEAU PERSONNEL
Au niveau personnel, il va falloir déjà dépasser la grande incertitude du moment ( la grande inquiétude du moment plutôt ) : « Aurais-je encore un emploi demain ? »
La crise économique mondiale liée au corona-covid a remplacé la peur de voir son emploi automatisé. Peur qui avait déjà remplacé celle de voir son emploi envoyé à l’étranger.
Mais alors que tous les regards sont tournés sur la crise, est ce que l’on peut classer l’automatisation de masse des emplois dans la boite des prédictions non réalisées comme le papy-boom et le bug de l’an 2000 ? À voir avec l’épisode de la pandémie qui a soit remis les pendules à zéro, soit stoppé momentanément le compte à rebours.
Surveillez votre culture d’entreprise.
Même si vous n’êtes pas manager. En fait, surtout si vous n’êtes pas manager, soyez attentif aux signes montrant que votre culture d’entreprise devient léthargique et complaisante. Ce qui peut facilement se produire en période de prospérité. Faites de votre mieux pour tirer le signal d’alarme si vous vous apercevez que l’apathie et la sécurité deviennent plus récompensées que la prise de risque et la recherche d’innovation.
Utilisez votre empathie.
La faiblesse de l’incertitude est qu’elle touche tout le monde, vous, votre manager, vos collègues, vos clients et vos fournisseurs. Prenez des nouvelles de vos fournisseurs, même si ce n’est pas pour leur passer commande. Parlez à vos clients pour savoir comment ils traversent cette période difficile sans en avoir à leur portefeuille. Si vous êtes manager, rencontrez, ou appelez, vos collaborateurs pour les aider à exprimer leurs doutes et leurs appréhensions sans être sur la défensive. Dans l’incertitude, l’empathie est plus importante que le résultat financier de cours terme.
Rendez vous utile et apprenez
Si l’entreprise n’est pas en mesure d’allouer des fonds à votre formation, augmentez votre valeur en investissant personnellement dans votre propre formation. Trouvez un domaine de votre service ou de votre organisation où il existe un manque de compétences, de talents ou de connaissances et efforcez-vous d’acquérir ce dont vous avez besoin pour combler ce manque. Augmentez sa valeur pour son entreprise est une stratégie saine, même si vous ne craignez pas de changements imminents. C’est simplement une chose intelligente à faire. Nous devons nous attendre à l’inattendu et être prêts non seulement à y survivre, mais aussi à saisir des opportunités inattendues. Pour cela, l’apprentissage est le moyen de contourner ce problème. Si nous courtisons activement l’incertitude, alors nous nous mettons en position d’apprendre.
Soyez visible
« Personal branding » nous voilà. Augmentez votre visibilité en vous portant volontaire pour travailler dans des groupes de travail, coalitions ou autre comité. Si aucun groupe ne peut vous recevoir, lancer un projet lié à l’incertitude qui attirera d’autres collègues souhaitant participer. Cette visibilité productive est primordiale en période de changement. Ce sont ceux qui regardent le changement en face et y participent qui sont les moins susceptibles de le subir. l’attention positive de tous.
Faites attention à vos propres réactions
Renforcer sa capacité à résister émotionnellement à l’incertitude demande de renforcer des capacités adaptées à l’incertitude. Soyez conscient de votre comportement en période d’annonces ou de périodes stressantes. Sortez-vous immédiatement de la réunion en partageant vos interprétations de tous les aspects négatifs possibles de la situation ou donnez-vous le bénéfice du doute aux dirigeants de l’entreprise – en adoptant une approche positive d’attentisme ? Préférez-vous être celui qui est considéré comme le saboteur de toute volonté de changement ou êtes vous celui par qui le changement arrive. Selon moi, la question est vite répondue.
Restez engagé.
Aussi troublante et inquiétante que soit l’incertitude, n’abandonnez pas votre engagement dans votre travail et votre entreprise-, ce qui signifie de ne pas démissionner dans sa tête avant de réellement démissionner. Il y a quelque chose de nuisible lorsque nous perdons le sens et le but de ce que nous faisons et que nous nous contentons d’attendre que l’épée de Damoclès tombe. Faites tout ce qu’il faut pour retrouver une source d’engagement. Parlez-en autour de vous et retrouver du sens si vous le pouvez encore.
Devenez un agent du changement.
Soyez conscient que l’une des compétences clé de l’intelligence émotionnelle aujourd’hui est d’être capable de gérer le changement :
- Au premier niveau, cela signifie avoir la capacité de définir le besoin général de changement dans le cadre de votre responsabilité
- Au second niveau, agir pour soutenir le changement
- Au troisième niveau diriger personnellement le changement
- Et au quatrième niveau, défendre le changement et à être un catalyseur de changement ou agent du changement comme j’en parle dans ma formation Udemy
Envisagez de passer un test de compétence émotionnelle pour déterminer votre niveau dans cette compétence. Avec un peu d’effort, de formation, d’accompagnement et un état d’esprit approprié, nous pouvons tous être doués pour le changement qu’implique l’incertitude.
CONCLUSION – VUCA, EXPÉRIMENTATION ET RÉSILIENCE
L’incertitude n’est pas toujours mauvaise et est même parfois souhaitable. Souhaitez-vous que l’on vous donne la fin du film que vous souhaitez aller voir ? Souhaitez-vous connaître l’heure précise de votre mort et savoir de quelle façon elle se produira ?
De nombreux domaines de la technologie créent délibérément des quantités contrôlées d’incertitude, afin d’améliorer le fonctionnement des appareils et des processus. Les techniques mathématiques pour trouver la meilleure solution à un problème industriel utilisent des perturbations aléatoires pour éviter de s’enliser dans des stratégies qui sont les meilleures par rapport aux voisins proches, mais pas aussi bonnes que celles des voisins plus éloignés. Les modifications aléatoires des données enregistrées améliorent la précision des prévisions météorologiques. Les missions spatiales exploitent le chaos pour économiser du carburant coûteux.
La vie est une loterie, et même si l’incertitude engendre le doute, et que le doute nous met mal à l’aise, c’est pourquoi nous voulons réduire, ou mieux encore, éliminer l’incertitude. Nous nous inquiétons de ce qui va se passer.
L’incertitude demande de se préparer mentalement au changement pour pouvoir agir rapidement dès que vous avez identifié qu’une incertitude est en train de devenir une vraie transformation. Vous devez être prêt à remettre en cause en permanence ce que vous savez et ne pas laisser les informations qui vont dans votre sens détruire votre esprit critique !
La théorie du chaos nous dit que même lorsque quelque chose obéit à des règles rigides, il peut toujours être imprévisible. La théorie quantique nous dit qu’au fond, à ses plus petits niveaux, l’univers est intrinsèquement imprévisible. Par expérience et à cause du biais de confirmation, je crois que lorsque quelqu’un dit qu’un événement n’arrivera « jamais » celui-ci se produit dans les 5 ans.
La suite avec l’explication en détail de VUCA et du management de la Complexité : Partie 4/6 : VUCA et le management de la complexité.
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