Co-construire une conférence avec 400 personnes

Fév 28, 2018 | Expertise | 2 commentaires

Co-construire une conférence répond à la question : comment sortir des standards habituels des conférences selon lesquels « L’expert parle, l’audience écoute » ? Voici comment j’adapte mes interventions à l’expérience et aux attentes de l’audience au lieu de les enfermer dans un déroulé linaire de slides. 

Le constat

C’est juste une évidence, les clients ne demandent plus seulement une « expertise » mais désormais, ils veulent également un « format » de conférence qui devient de plus en plus court et de plus en plus « interactif ». IL ets temps de passer de la conférence interactive après sa création à co-construire la conférence dès sa conception. Ou laisser l’audience choisir dans quel ordre elle souhaite voir se dérouler l’intervention ? 

Il n’y a pas de raison unique à cette demande croissante, je pense que vous pouvez piocher dans cette liste :
a) Ils ont été déjà pris en otage par une intervention chiante et interminable.
b) Ils ont découvert récemment le format TED et trouvent ça moderne.
c) Ils ont le temps d’attention d’un poisson rouge. (ou vert ou bleu)
d) Ils cherchent un « intervenant intermède » qui égaie l’assistance entre la présentation des résultats trimestriels et le groupe de travail sur la concurrence chinoise. (ou entre la poire et le dessert)
e) All of the above.

On veut du court, on veut du spectacle, on veut du fond, on veut l’expert à la mode, mais surtout, on ne veut pas se faire ch..

Les conférenciers professionnels…

Je ne parle pas ici de ceux et celles qui ont parlé devant l’amicale des anciens élèves de leur école ou qui ont fait une présentation devant leur directeur des ventes. Je parle des pros qui gagnent une partie non-négligeable de leur salaire avec leurs interventions.

Je ne parle pas ici des « experts minutes » – ces généralistes (voir opportunistes) qui animent une intervention sur un sujet pour une seule représentation – et qui sont en train de disparaître pour être remplacés par des conférenciers-experts qui traitent de très peu de sujets, mais qu’ils connaissent à fond depuis longtemps.

Les clients privilégient aujourd’hui ces experts qui ne parlent que d’un sujet et d’un seul ! Ce qui rend de plus en plus compliqué de vendre une multi-expertise. Ça ne m’arrange pas du tout, mais c’est comme ça.

Bref, revenons au sujet. La scène appartient désormais à ces conférenciers professionnels qui respirent leur sujet à force de pratique et d’expérience. Ils maîtrisent tellement leur sujet que – même si ça n’empêche pas le coup au cœur avant de se lancer – ne se mettent plus en danger et suivent leur petit train-train habituel avec leurs slides en guise de rails.

Leur présentation est bien ficelée, leurs blagues bien ajustées et leurs réponses aux questions bien calibrées. Aucun problème bien sûr, sauf que si vous assistez à plusieurs interventions du même expert, et bien…c’est la même chose. Je pense à Luc Ferry, Jacques Attali, bref, les stars que vous pouvez être amené à écouter plusieurs fois.

Bien sûr que j’admire ces experts, mais cependant 2 choses me chiffonnent :

  • Où est le challenge intellectuel de répéter la même chose quand on n’est pas un acteur (cf l’intervention de David Bitton à Creative-Day).
  • Et comment faire quand on est incapable de répéter la même chose. Je pense notamment à mon souci d’iconoclaste dont j’ai eu la chance de parler pour la première fois en public sur la scène de TEDxAlsace. Bon, ce n’est pas une condition médicale, n’exagérons pas.

Mon expérimentation de co-construction d’une conférence

J’expérimente désormais la co-construction de mes conférences avec l’audience jusqu’à 500 personnes (pour l’instant) à la condition d’avoir 45 minutes d’intervention minimum.

L’idée ou le challenge est de rester en déséquilibre sur des sujets que je maîtrise et de me rapprocher du format d’intervention qui sera demandé le jour où les clients seront sortis de leur phase TED : les interventions majoritairement en Q & A !! Ce qui explique pourquoi je réalise de plus en plus de vidéos en mode Q & A pour répondre aux questions de ma communauté.

Nous n’en sommes pas encore là, car nous avons en France une approche encore trop scolaire de la conférence, mais je vous promets, nous y arrivons. Les clients commencent à comprendre qu’il a beaucoup plus de valeurs à capter en demandant aux intervenants de répondre à leurs questions et à leurs inquiétudes qu’à les écouter comme des veaux !

Ce jour-là, il se passera 2 choses :
Le ménage : les mauvais, les plagiaires et les fumistes vont dégager violemment.
L’inflation : les honoraires des bons vont augmenter radicalement.

Comment faire pour co-construire une conférence ?

1 – Construire les slides – Beaucoup de slides

co-construire une conférence avec benjamin chaminade

Dans l’attente du jour où tous les conférenciers seront devenus des maîtres es-storytelling (Pensée à Michael Aguilar) les clients aiment encore les slides (surtout les slides beaux et cohérents !). Ça passe le temps si le conférencier est nul, si tout son texte est sur le slide, pas besoin de l’écouter, et puis, surtout, on a l’habitude de bouffer du slide !

Pour cette partie de création de slide, vous devez connaître les clichés les plus populaires sur le sujet que vous traitez et en faire des slides. Pour les identifier, collecter les questions qui vous sont les plus souvent posées et les croyances les plus solidement ancrées. Pas compliqué si vous êtes un pro de votre domaine. 

Prenons quelques exemples :
> Concernant l’avenir du travail : il y a de plus en plus d’indépendants. (n’importe quoi.)
> Concernant le management : l’entreprise libérée est l’avenir de l’entreprise. (et ben voyons)
> Concernant l’innovation : il faut être disruptif. (ok, mais d’abord savez-vous ce que cela signifie ?)

Pour chaque question, cliché ou croyance identifiée : hop, un slide (beau et cohérent) que vous présentez à l’audience. Ce qui lui montrera que sa question est légtime, car vous l’aviez devancée. C’est la première étape pour co-construire la conférence : adapter votre présentation aux questions qui vous sont posées.

Digression : je parle de cohérence en référence à ces conférenciers qui ont certes compris qu’il fallait mettre des photos au lieu de textes ou de bullet-point, mais qui n’ont pas encore compris que ces photos devaient avoir une cohérence entre elles tout au long de l’intervention. Vous racontez une histoire, vous ne tricotez pas une couverture en patchwork au coin du feu !

B.a.-ba de la profession, mais je le rappelle quand même : pour chaque cliché ou croyance identifiée : un chiffre et une histoire vécue. Lorsque dans les étapes suivantes, vous allez engager le public dans une conversation, les slides prouveront que vous avez bûché votre sujet, mais il vous restera à détromper les croyances de votre audience sans doute néophyte et à compléter leurs propos avec des faits solides et des histoires bien racontées !

2 – Ne pas se présenter comme expert, mais comme praticien

Les experts auto-proclamés ont vécu, vive les témoins, les curieux et bien sûr, les praticiens du quotidien !

Ça fait quelques années que j’ai quitté la posture d’expert et que je contredis ceux qui me présentent comme tel. Regardez-la vidéo ci-dessus. Je remercie la journaliste qui m’a présenté comme expert avant de préciser que je suis un témoin, issu du rang, qui n’a que pour seul avantage d’avoir pris le temps de me poser.

Sous-entendu : ce que je vais vous dire, vous l’auriez trouvé vous-même si vous n’étiez pas pris par votre quotidien.

Cela va sans dire, ce sont les histoires que vous allez raconter lors de votre conversation avec le public qui va établir que vous êtes un praticien si ces exemples sont issus de votre pratique ou un témoin si vous présentez un sujet de façon transversale en utilisant des exemples d’entreprises que vous ne connaissez que par la presse.

3 – Mettre l’audience en condition

Nous avons été mal éduqués, si nous allons en conférence, c’est d’abord pour écouter, comme en classe ou comme au spectacle. Ce qui explique d’une salle « se travaille » et c’est au conférencier de mettre chaque membre de l’audience dans l’état d’esprit de participant actif et pas de légume.

À moins que vous n’interveniez sur un sujet qui fait polémique ou que vous n’ayez pas préparé une question « clivante » comme par exemple : « Que pensez-vous des jeunes de maintenant ? » Vous devez vous attendre à vivre un petit moment de solitude. Remarquez comment je rebondis dans la vidéo ci-dessus à 2m38s devant l’absence de réactivité de l’audience :

1> Je laisse le choix à l’audience de rester dans la posture de spectateur. En mettant un peu de pression dans le ton quand même.
2 > Je propose une alternative : notez ce qui vous étonne dans ce qui va suivre et n’oubliez pas ce qui vous inspire et que vous pourrez transformer en action à mener.

Avec l’expérience, j’ai une liste de 2/3 questions qui fonctionnent pas mal pour lancer un débat. J’ai hâte que vous assistiez à une de mes interventions pour les découvrir

N’oubliez pas que la première question ou le premier témoignage est le plus difficile à obtenir. C’est comme une soirée ennuyeuse : une fois le premier invité sur le départ, tout le monde suit. Co-construire une conférence se sert aussi de ce biais cognitif. 

4 – Faire participer l’audience pour construire la conférence : duh

Oui faire participer l’audience ! Je vous assure que c’est là que l’on reconnaît les conférenciers de talents : ils n’ont pas peur de parler à leur audience, ils sont impatients d’arriver au moment de Q & A de leur intervention, au point parfois de rester au buffet qui suit pour continuer la conversation !

Bref, mettons que vous avez posé la bonne question et que le micro commence à circuler dans la salle, c’est à vous de jouer :

> Laissez le temps aux personnes de s’exprimer et ne leur coupez pas la parole même s’ils disent des énormités ou sont hors-sujet. Quelque chose que j’ai remarqué est que très souvent les premiers témoignages ou premières questions sont les plus réfléchies et les pertinentes. Passé la 4e ou 5e intervention par contre ça peut parfois tomber dans le grand n’importe quoi : du hors sujet total, jusqu’aux questions incompréhensibles en passant par le « je te raconte ma vie » parce que je le vaux bien.
> Remerciez ceux qui apportent un témoignage en leur posant éventuellement une question dont la réponse vous paraîtra utile au reste de l’audience (ou qui vous permettra de capter du vocabulaire technique si vous n’avez pas bûché votre audience.).
> Et bien sûr, sélectionnez à la volée le slide qui correspond au témoignage qui vous a été donné pour rebondir et – toujours en regardant la personne qui est intervenue – compléter le propos, détromper la personne avec des chiffres si besoin et raconter votre histoire, fait ou connaissance sur ce témoignage.

Et je réalise en écrivant ces lignes que si vous utilisez des slides (ce que je déconseille si vous ne maîtrisez pas le Storytelling, Contactez d’urgence Thierry Croix si c’est le cas.) il va vous valoir, vous équiper avec une app de présentation qui vous permette de sélectionner les slides de façon non-linéaire. Si vous êtes sur Mac, Keynote est bien sur incontournable, si vous êtes sur PC, j’admire votre coté underground, mais je ne peux pas vous aider.

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2 Commentaires

  1. Thierry Croix

    Merciiiiii.
    Si jamais tes followers veulent me contacter, par contre, ça a changé.
    Mais bon, comme c’est toi, voici mon nouveau mail : hello@thierrycroix.be
    Fais signe quand tu es de retour en Belgique 😉

  2. benjamin chaminade

    Hello ami, j’ai même changé le lien vers ton site.
    Ça boume ?

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