Management de la Volatilité. VUCA est désormais communément utilisé pour faciliter l’identification des transformations. Que celles-ci soient technologiques, économiques, sociales et sociétales auxquelles entreprises et collaborateurs doivent s’adapter. Ces 4 lettres apportent un peu de sens à ce «nouveau normal*». Ce monde actuel dans lequel tout acquis peut disparaître en quelques jours, parfois pour des raisons que nous n’étions pas en mesure d’imaginer. Dernier exemple en date : la pire crise économique que nous avons connu de notre vivant a été déclenchée par une pandémie mondiale directement causée par un anima et la facilité de déplacement des populations. Les experts se battant encore pour savoir de quel animal il s’agissait. Cette crise a signé le retour de l’état providence sous la forme du fonds de solidarité et le passage en « mode normal » du travail à distance.
Reprenons les 4 mots de l’acronyme VUCA l’un après l’autre. Cela nous aidera à comprendre les concepts et leur portée sur les activités des entreprises. Je n’oublierai pas ses effets sur le management et les compétences que nous devons tous rapidement acquérir pour rester en phase avec ce nouveau contexte.
*Pour résumer ce qu’est ce « nouveau normal » dont on parle de plus en plus souvent ? C’est assez simple. Faites la liste d’événements qui paraissent normaux aujourd’hui mais qui auraient été considérés comme de la science-fiction il y a 10 ans.
Cet article est la suite de la partie 1/6 : Introduction, définition et exemple de VUCA.
DÉFINITION DE LA VOLATILITÉ DE VUCA
Selon cette définition, la volatilité se rapporte à
- la rapidité, la fréquence et à l’échelle des changements et
- aux informations liées à ces changements qui ne permettent pas de les comprendre.
Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas demain et ce qui est innovant aujourd’hui sera obsolète plus vite que vous ne le pensez.
1 – Concernant la rapidité et l’ampleur du changement
Vous allez trouver ça étrange, mais le changement est lui-même en train de changer, comme je le résume dans la vidéo ci-dessous qui introduit les 3 types de changements.
Les 3 types de changement. Extrait de ma formation à la conduite du changement sur UDEMY
Du changement incrémental au changement exponentiel
Commençons avec les changements d’amélioration qui consistent à faire évoluer une offre de façon incrémentale en faisant mieux, plus rapide, plus simple et moins cher. Pour se faire, vous prenez un processus et améliorez ce qui peut l’être pas à pas. L’avantage de cette approche est de brusquer personne en s’assurant que tout le monde avance à la même vitesse. Le danger est de vous faire dépasser par des changements demandant rapidité et audace et pas consolidation et sécurité.
Vous avez ensuite les changement de transition qui consistent à régler un problème en effectuant une transition d’un ancien système à un nouveau système. La conduite du changement a été conçue pour ce type de situation. Vous identifiez le problème, vous préparez une solution et vous la mettez en place. Le souci avec cette approche est qu’elle considère que vous passez d’un système stable à un autre système stable avec une période de bazar entre les deux. Ce qui n’est pas le cas pour le monde VUCA qui nous promet un monde en mouvement de changement permanent sans stabilité, ni départ ou arrivée clairement identifiés. C’est la raison pour laquelle on parle aujourd’hui d’avantage de changement de transformation que de changement de transition.
Et nous voilà au 3e type de changement : les changements de transformation qui consistent à s’adapter à un changement brutal d’environnement ou à une technologie disruptive. Il ne s’agit plus de changer quelques trucs ou de résoudre un problème, mais de révolutionner ses pratiques, sa culture et son état d’esprit ! Ici tout change en même temps, tout le temps et le tout dans l’incertitude.
L’exponentielle demande un changement de mentalité
Vous avez compris que la volatilité est liée à ce changement de type 3. D’ailleurs, mathématiquement, la volatilité est représentée par la propension d’une variable à s’écarter de sa valeur moyenne au point de tendre vers l’infini. Ce qui peut expliquer que le terme d’exponentiel est désormais lié au concept de volatilité. Une exponentielle pouvant être positive (développement de Uber et Airbnb à l’international) ou négative (faillites de petits commerces et de restaurants depuis le premier confinement de 2020).
Alors que la mentalité incrémentale se concentre sur l’amélioration continue immédiate, la mentalité exponentielle s’intéresse à faire quelque chose de différent dont les résultats s’accumulent dans la durée. En d’autres mots, l’incrémental se satisfait de 10 % et l’exponentiel cherche à faire X 10…minimum. Je sais que l’illustration est facile, mais au siècle dernier, les modèles économiques industriels étaient définis par leur utilisation de machines pour créer des rendements d’échelle croissants. Les modèles commerciaux numériques utilisent désormais les effets de réseau pour créer ce que Ray Kurzweil décrit comme des rendements d’échelle accélérés (cf. partie suivante). La principale différence est que les modèles industriels sont linéaires alors que les modèles numériques sont exponentiels et demande un état d’esprit ou » Mindset » adapté comme l’illustre le graphique ci-dessous inspiré de l’article « Exponential mindset » de Mark Bonchek.

Pensée incrémentale vs. Pensée exponentielle. +10 ou X10 ?
La réduction des périodes de stabilité
Dans les épisodes précédents de changement technologique, les périodes d’innovation et de bouleversement rapides ont été suivies de périodes de calme relatif qui ont permis aux industries de se stabiliser. Je vous laisse voir le schéma de la « courbe en S » qui décrit le cycle de vie d’un produit, d’une innovation ou des étapes d’un projet. Cela a été le cas des révolutions techniques apportées pas l’électricité, le téléphone ou le moteur à combustion interne qui ont connu de fortes poussées d’innovation dans les technologies sous-jacentes qui se sont ensuite stabilisées. Des gagnants évidents sont apparus et sont restés au sommet ou près du sommet pendant des décennies, de Ford à Kodak.
Ce paradigme de calme après la tempête n’existe plus ! L’amélioration du rapport coût-performance des technologies numériques ne montre actuellement aucun signe de ralentissement. Même celles qui semblaient atteindre leurs limites comme la loi de Moore (qui prédisait que la densité des transistors sur les circuits intégrés doublerait tous les 2 ans) sont relancé. À e sujet, j’aime bien aussi parler de la « loi de Shrek« . C’est par cette loi que Dreamworks explique que chaque film Shrek a demandé 2 fois plus temps de temps de rendu que le précédent. La loi de Moore venant d’être relancé par Apple et son Processeur ARM M1 qui nous devait nous faire patienter jusqu’à l’arrivée des ordinateurs quantiques qui promettent d’aller bien au-delà du X2.
2 – Concernant la volatilité des informations
Ensuite, toujours selon la définition officielle, cette volatilité se traduit par un décalage entre l’état actuel d’un environnement et les informations qui se rapportent à celui-ci. Ce qui implique de se détacher de l’approche » philatéliste » du savoir dans lequel on accumule faits, idées et informations une fois pour toutes sans jamais revenir dessus. Ce qui est à la base du “fixed mindset“. Dans un mode volatile, toute information est temporaire. Ce qui signifie que vous devez sans cesse remettre en question les choses que vous pensez savoir et les faits que vous pensez certains. Les faits, les idées et les théories ne sont plus une collection réconfortante, mais un ancrage temporaire.
La volatilité de l’information signifie que :
Plus aucun savoir n’est valide pour toujours
Il s’agit du fameux « Art of unlearning » en anglais dans lequel il ne s’agit plus seulement d’accumuler son savoir, maisd’apprendre à le mettre en cause (et à jour) ce que l’on sait déjà. Nous prenons des décisions basé sur la logique et la réflexion ? FAUX ! Nous rationalisons après avoir pris une décision selon Dan Ariely dans son ouvrage « C’est vraiment moi qui décide ? ». C’est de notre intelligence que dépend notre réussite ? FAUX ! Selon David Brooks dans « l’animal social », c’est de notre capacité à faire confiance. Le Charisme est inné ? FAUX ! Selon les recherches d’Olivia Fox Cabane dans « The Charisma Myth ». Et cette liste pourrait s’allonger encore si j’y ajoutais tous les livres dont les titres commencent par «Re-» : Re-imagine de Tom Peters, Rework de Jason Fried et David Heinemeier, Rethink (7 ouvrages avec ce même titre), Rewired (9 ouvrages) ou Reinvention (14 ouvrages avec ce titre). Bienvenu dans le « Unlearning Movement« .
Ce qui semble vrai ne l’est peut-être plus
Il faut apprendre à se méfier de nos connaissances et être conscient du biais de confirmation selon lequel nous ne privilégions que les informations qui corroborent et confortent nos croyances. Pour preuve, l’effet bulle créé par Facebook qui pour nous faire rester le plus longtemps possible sur son réseau (pour être exposé au plus grand nombre de pubs possible) cherche à ne pas nous heurter en nous proposant du contenu provenant de gens qui pensent comme nous. On peut aussi aller plus loin en proposant que les solutions d’hier peuvent entraîner les problèmes d’aujourd’hui et les problèmes d’aujourd’hui ne peuvent pas être résolues avec les solutions d’hier. Des exemples : favoriser le diesel à l’essence, ça vous parle ?
Ce qui semble dépassé ne l’est peut-être pas
Le corollaire du point précédent est aussi vrai. Prenez les disques vinyles, si nous sommes d’accord que leur part de marché reste confidentielle, il y a pourtant eu 4 millions de disques vinyles neufs vendus en 2019, soit 4,5 fois plus qu’il y a 4 ans, et que les ventes progressent de 12 % par an et représentent 20 % des ventes de support physique en France. On peut continuer le fil et aller dans la volatilité jusqu’au bout : 50 % des Britanniques qui achètent des Vinyles ne les écoutent pas !

Pandémie de 1918, ça vous rappelle quelque chose ?
LES AUTEURS DE LA VOLATILITÉ
Si vous souhaitez approfondir cette notion de VUCA qui est de la loin la plus simple, vous avez deux auteurs incontournables. Deux auteurs qui ont d’ailleurs créé ensemble l’école de l’exponentielle : la Singularity University. Cette « université » prépare les dirigeants et les organisations mondiales à l’avenir grâce à des programmes et des événements transformateurs grâce à des intervenants et un écosystème d’anciens élèves.
Peter Diamandis
À votre gauche, je vous présente le Docteur Peter Diamandis, fondateur de la fondation Xprize qui encourage par des prix conséquents (parfois en millions de dollars) les changements technologiques qui pourraient profiter a l’humanité. Il est aussi connu pour la théorie des 6D qui explique d’une technologie ne devient exponentielle qu’une fois digitalisée. Celui pour qui «Your biggest problems are your biggest opportunities» est aussi à l’origine de Human Longevity Inc. (HLI), une société de diagnostic et de thérapie basée sur la génomique et la thérapie cellulaire, qui se concentre sur l’allongement de la durée de vie humaine en bonne santé. Un sujet à la mode dans la Silicon Valley depuis quelques années. C’est bien d’avoir l’argent, mais autant avoir la santé aussi.
Ray Kurzweil
À votre droite, laissez-moi vous présenter une autre star du sujet de la volatilité : Ray Kurzweil, futurologue et directeur de l’ingénierie de Google depuis 2012. Il est connu dans le monde de l’innovation pour plusieurs raisons. D’abord son livre de 1999 « The age of spiritual machine » dans lequel il propose la loi du retour accéléré qui se base sur la loi de Moore pour lister toutes les exponentielles qui l’accompagnent et enfin pour son ouvrage publié en 2005 « Singularity is near » qui prévoit l’avènement de super-intelligences qui introduira des changements entrainant au choix la fin de l’être humain ou la naissance du transhumanisme. Il est aussi connu comme l’homme aux 250 pilules qu’il prend chaque jour (et qui semble marcher si vous comparez ses photos d’une année à l’autre) ainsi que pour chercher à faire revivre l’esprit de son père.
Pour Kurzweil, selon son article sur la loi des retours accélérés, une analyse de l’histoire de la technologie montre que le changement technologique est exponentiel, contrairement à la vision « linéaire intuitive » du bon sens. Nous ne connaîtrons donc pas 100 ans de progrès au XXIe siècle, mais plutôt 20 000 ans de progrès (au rythme actuel). En se basant sur les « rendements », tels que la vitesse et la rentabilité des processeurs qui augmentent de manière exponentielle.
Voici quelques exemples de cette loi des retours accélérés :
- Le coût du Gigaoctet (a été divisé par 520 millions en 60 ans)
- Le coût de la production solaire en euro du watt produit a été divisé par 2 depuis 2010
- La rentabilité des robots qui était de 5 ans en 2013 est à 10 mois en 2017
- Le coût du séquençage du génome humain (3 $ milliards en 2003), $99 plus frais de transport via 23andme depuis 2015.
VOLATILITÉ DANS L’ENTREPRISE
Intéressons-nous maintenant aux effets concrets de la volatilité sur l’entreprise et le monde.
Concurrence
La concurrence devient de plus en plus rapide. Au point ou même les startups en cours de développement sont elles-mêmes concurrencées. Et étant dans un monde VUCA ce ne sont pas des startups qui concurrencent des startups, mais des individus ou de grands groupes. Dans ce cadre, les 5 forces de Michael Porter (intensité de la concurrence, pouvoir de négociation des fournisseurs, pouvoir de négociation des clients, menace de l’arrivée de nouveaux acteurs jusqu’alors inconnus et menace de produits ou services de substitution) se retrouvent insuffisantes pour comprendre l’environnement d’une entreprise. Il faut désormais y ajouter la versatilité de la demande, la réduction accélérée des ressources et le pouvoir de la marque et de la différentiation (Océan bleu).
Attentes clients
Le nombre de clients prenant en compte les avis d’autres clients via les notations en ligne augmente d’année en année. Nous sommes passés en 5 ans de 34 % des internautes qui faisaient autant confiance aux avis en ligne qu’aux recommandations de leur proche à 64 % selon capterra ou 84 % selon http5000. Les attentes des clients changent mais leur source d’information concernant la communication de l’entreprise aussi.
Talents
Je ne vais pas vous refaire une tartine sur les millennials, mais la génération, les valeurs, le contexte familial, la situation professionnelle, l’environnement économique, le développement des technologies ont aussi un effet sur les attentes des collaborateurs envers leur entreprise et leur management. À ce sujet, une nouvelle discipline des ressources humaines, centrée sur la consumérisation des salariés, est en train de voir le jour dans de nombreuses entreprises à travers le monde : le HR Design. Un exemple parmi d’autres : le nombre de chauffeurs Uber est passé de 0 à 2 millions de chauffeurs en 8 ans alors que selon Apptopia, un conducteur sur deux reste plus d’un mois alors qu’ils étaient 89 % à rester en juin 2013.
Technologie
Evidemment, le taux des innovations technologiques est de plus en plus rapide et leur effet de plus en plus visible. Concernant la digitalisation par exemple, un de mes clients, un réseau d’opticiens français, qui avait annoncé 5 fermetures en 2016, 20 en 2017, 50 en 2018 et 110 en 2019 s’approche des 400 fermetures pour 2020. La pandémie n’étant finalement que responsable de l’accélération de la tendance et pas la seule cause. Oui, comme l’astéroïde qui a décimé les dinosaures. Ces derniers étaient déjà vers la sortie bien avant. La volatilité n’est pas qu’une exponentielle qui va vers le haut ! Les réussites peuvent être tout aussi volatiles que les échecs !
Parties prenantes
Ici, nous touchons à l’interconnexion des échanges. Plus vous travaillez avec un grand nombre de partenaires, plus les changements, mêmes les plus petits, peuvent avoir des effets d’ampleur selon l’image des dominos qui tombent.
Économie
Les changements volatiles de VUCA peuvent expliquer que certains business models comme l’intégration verticale (qu’il est difficile de faire évoluer en cas de retournement de marché ou de disruption technologique) commencent à être abandonnés. ils le sont au profit de modèles plus agiles demandant peu d’investissements (“asset light“) comme le dropshipping (créer un site vitrine pour des produits que vous ne fabriquez pas) ou l’intermédiation (louer des voitures ou des chambres qui ne vous appartiennent pas).
Nous pourrions aussi parler du passage de la propriété à l’utilisation avec les business models de l’abonnement qui permettent d’utiliser un produit sans le posséder. Modèle qui est lui-même victime de la volatilité en raison du fait qu’il est devenu trop répandu. J’en veux pour preuve cette série d’articles intitulés « Mort par des milliers d’abonnements » en référence à l’expression anglaise « death by a thousand cuts. » Ce qui est en train de créer un retour en arrière assez étonnant et la progression étonnante de logiciels à achat unique comme Affinity de Serif qui concurrencent de plus en plus solidement la suite adobe, leader du marché.
MANAGEMENT DE LA VOLATILITÉ
Alors, quelle réponse managériale peut apporter le management pour ne pas se faire dépasser par la volatilité ?
Commençons par identifier les changements qu’entraînent VUCA sur le management.
Ce qui est remis en cause
Faisons simple. La plupart des méthodes managériales enseignées en formation qui demandent de suivre des étapes précises : étape 1 : rappeler les objectifs à son collaborateur. Étape 2 : faire le point avec lui sur sa performance passée. Étape 3 … Bref. Vous voyez l’idée.
VUCA ne signifie pas qu’il faut dénoncer les méthodes managériales, mais qu’il faut en contester leur stabilité, cars elles ne fonctionnent plus dans toutes les situations ni avec tout le monde. Il faut désormais les compléter avec une approche contextuelle, ce que l’on appelle le management situationnel.
Le management situationnel repose sur 4 règles :
- Adopter, à chaque moment, les attitudes managériales adaptées au contexte d’une situation (pléonasme),
- Révéler le potentiel de chaque collaborateur en développant leurs compétences métier et compétences transversales (T-shaped),
- Évaluer en permanence l’autonomie des collaborateurs et des équipes,
- Créer les conditions propices au développement de l’autonomie et de la responsabilisation.
La réponse émotionnelle
La première réponse du manager face à un changement incompris peut être purement émotionnelle, car il ou elle réalise qu’il ou elle est en décalage avec le changement en cours… Et ce n’est pas à coup d’entreprise libérée ou d’holacratie que le manager peut se rassurer. Rassurez-vous, ce qui devient obsolète est votre compréhension du monde, des attentes de votre équipe et des réponses managériales à apporter. À priori, pas vous !
En fait, comprenez que viser la performance sur le long terme vous impose de participer à votre propre obsolescence. Ce qui signifie que vous ne devez pas chercher seulement à être le meilleur dans ce que vous savez déjà faire ! Vous devez aussi explorer des domaines adjacents au votre et créer des connexions ! Vous êtes commercial, intéressez vous aux neurosciences, vous êtes dans le marketing, intéressez-vous à l’UI/UX. Vous êtes RH, allez vendre ! Vous êtes vendeur allez recruter ! Vous êtes un agent de la fonction publique, allez visiter une startup !
Ce qu’il faut faire
Avant de passer au management situationnel, commencez par vous préparer à l’accélération. C’est ce que les Anglais appellent « Preparedness » qui aurait pu se traduire par » Préparitude » en français. Mais en fait non.
Prenez exemple sur l’opérateur d’énergie Belge ORES qui maintient sa curiosité en organisant régulièrement des groupes tendances dans lesquels les membres, sur la base du volontariat, sont chargés de suivre une tendance. Pour cela, ils doivent rencontrer les experts du sujet, lire la presse du domaine et créer des partenariat avec universités et chercheurs. P&G fait la même chose avec un groupe de 70 « Technology entrepreneurs« . Ces responsables tendances se rencontrent ensuite pour réfléchir comment les effets de ces tendances sur l’organisation, la fabrication ou la distribution.
Ensuite, que vous soyez manager ou salarié, ne vous laissez pas happer par un job qui ne vous laisse pas de temps pour réfléchir ! Si c’est le cas, démissionnez, car vous êtes en train de vous déconnecter des changements en cours. De plus, Ne laissez pas votre entreprise décider de votre plan de formation ! Il y a de fortes chances qu’elle s’intéresse davantage à son court-terme qu’à votre long-terme ! Essayez de développer une connaissance ou une compétence “montante“. Un point de départ serait d’explorer la liste des compétences à posséder en 2020 publiée par le World Economic Forum : la créativité, la pensée critique ou l’intelligence émotionnelle.
Les compétences managériales à développer pour faire face à VUCA
Déjà, pour commencer, la réponse à la volatilité n’est pas, comme le dit J-M. Blanquer, en parlant de la mission de l’école, de ralentir. Vous devez abandonner dès à présent l’idée que vous êtes en contrôle de quoi que ce soit. Vous ne pouvez proposer le ralentissement pou répondre à la volatilité ou la simplicité contre la complexité. Vous devez rester en mouvement constant ! Pour cela pas de secret, vous pouvez mener 3 actions :
1. Développez une culture de curiosité personnelle et organisationnelle.
Ne laissez jamais une question sans réponse, même si celle-ci est plus difficile à trouver qu’une recherche sur Google. Pour favoriser le questionnement, vous pouvez demander à vos collaborateurs de répondre à des questions comme :
- « Quel business model pourrait être dangereux pour nous ? »
- « Connaissez-vous des alternatives à notre offre existent actuellement et que l’on ne considère pas comme concurrentes ? »
- « Quelle disruption pourrait vous surprendre ? »
- « Savez-vous quelles sont les nouvelles attentes client ? ».
Axa Bank et Konika organisent des « vis mon job » ou « Job swap » pour aider leurs collaborateurs, et parfois clients, à voir les choses sous un nouvel angle. Leroy Merlin envoie des collaborateurs sur les chantiers de leurs clients pour comprendre les changements d’attentes de ces derniers.
2. Remettez en question ce que vous savez et les pratiques managériales que vous utilisez.
Ces connaissances étaient sans doute à la pointe quand vous les avez reçues. À voir si elles les sont toujours. Relisez l’article dont j’ai déjà mis le lien plus haut concernant le « Mouvement du désapprentissage » ou en anglais « Unlearning Movement« . Ensuite, identifiez les méthodes de management que vous utilisez et recherchez des articles, études ou vidéos sur le sujet. Sont-elles toujours d’actualité ?
Par exemple, si vous menez des entretiens annuels d’évaluation, vous pouvez rechercher des articles s’interrogeant sur leur suppression et trouver des entreprises qui font autrement comme Salti.
3. Devenez plus proactif et encouragez la proactivité.
Être proactif signifie : penser et agir en amont des événements prévus. Non seulement, c’est une excellente méthode pour éviter de faire plus de travail par la suite. Mais en plus, cela peut aussi être extrêmement important pour éviter les problèmes.
Pour être proactif, commencez à agir, à assumer vos responsabilités et à contrôler vos réactions. Anticipez votre avenir proche. En vous concentrant sur les solutions, plutôt que sur les problèmes, vous conserverez une perspective précise des événements. Pour vous aider, vous pouvez faire comme de nombreuses entreprises et organiser des groupes tendances. Ce sont des groupes dans lesquels vos collaborateurs, sur la base du volontariat, deviennent des chercheurs de tendance. L’objectif de devenir le référent sur cette tendance pour votre entreprise. IA, dropshipping, équipes distribuées, agilité, intelligence émotionnelle, psychographie…
COMPÉTENCES DE LA VOLATILITÉ
Les dangers individuels dans un monde VUCA
La volatilité apporte 2 dangers aux collaborateurs : la commoditisation et l’obsolescence des compétences.
Commoditisation des compétences
La commoditisation (ou banalisation) advient lorsqu’un produit ou service, qui était initialement rare et coûteux, devient si commun que son prix élevé n’est plus justifié. Pensez à l’automobile avant la Ford T, au taxi avant Uber ou à la musique avant l’itunes store. Il s’avère que les compétences aussi deviennent des commodités.
Lorsqu’un nouveau type de compétences est requis, comme un nouveau langage de programmation par exemple, ceux qui le maîtrise sont ceux qui sont à l’origine de ce langage. À ce moment-là, si la demande pour cette compétence se développe, cette demande et un rencontrera une faible offre. Ce qui entraînera des prix élevés, car il n’y aura pas d’autre choix que de faire appel à ces pionniers. Au fil du temps, et à mesure que la demande augmente, davantage de personnes se formeront. Ce qui viendra répondre à la demande en concurrençant les pionniers sur le prix. Regardez ce qu’il s’est passé pour le marketing digital. À ce moment là, les entreprises qui utilisaient des consultants vont recruter un salarié disposant de la compétence à plein temps.
Obsolescence des compétences
L’obsolescence fait partie de tout développement technologique, mais aussi de toute carrière professionnelle. Si vos compétences sont toujours utiles, mais qu’une autre compétence prend le relais, vous devrez penser à une reconversion. Être un expert dans son domaine reste d’actualité tant que votre domaine ne devient pas dépassé. Vous devez toujours rester curieux des avancées technologiques et de toutes les transformations que traverse votre secteur. VUCA ou pas VUCA.
L’obsolescence des compétences peut-être physique (baisse des capacités d’apprentissage et d’adaptation aux nouvelles compétences nécessaires) ou économique (compétence devenue inutile suite à une transformation). Selon l’étude du Centre Européen pour le Développement de la Formation Professionnelle (CEDEFOP), 50 % des compétences d’un emploi deviennent obsolètes dans les 5 ans.
Automatisation
Et ces processus de commoditisation ou d’obsolescence s’appliquent à toutes les compétences ! Sauf si elles sont protégées par une guilde ou un ordre, comme les notaires ou les experts-comptables. Et encore, la même chose leur arrive avec la mise en concurrence et le développement de l’automatisation.
En parlant d’automatisation, il y a du nouveau dans ce domaine ! Jusqu’à présent, l’équation était facile : plus une compétence est simple plus elle est automatisable. Ce n’est plus le cas depuis que nous sommes entré dans le 3e âge de l’automatisation.
1er âge : mécanisation des travaux pénibles et dangereux (exploitation minière)
2e âge : rationalisation des tâches routinières et répétitives (fabrication industrielle)
3e âge : automatisation des activités demandant un diagnostic ou une décision rapide (médecine et droit)
La question n’est donc plus seulement de se demander si vous apprenez assez vite pour rester à jour. Elle est de savoir identifier vos compétences qui sont en passe d’être remplacées par une Intelligence Artificielle, une base de données ou un freelance. Oui, cela rejoint l’obsolescence. Merci de suivre.
Les compétences personnelles à développer
Commoditisation et obsolescence doivent vous conduire à vous poser les bonnes questions pour votre « stratégie de compétence » selon 5 domaines :
- Rester sur le qui-vive. Demandez-vous continuellement, quelles sont vos compétences qui risquent d’être commoditisées les premières. Comment en développer de nouvelles qui sont en demande dans l’environnement VUCA ? Vous pouvez aussi vous demander si c’est toujours utile de mettre sur son CV “maitrise de la suite office“.
- Comprendre sa valeur. Comment est-ce que vos compétences créent de la valeur pour votre entreprise ou à vos clients ? Est-elle unique, ou du moins, différentiée de votre concurrence et de ses alternatives ?
- Augmenter sa différentiation. Quelles capacités sont en train de devenir des commodités ? Quel manque de compétence pourriez-vous combler et quelles compétences sont en train de devenir importantes ?
- Construire un portfolio de compétence. Quel horizon pour le développement de compétences nouvelles ? Quelles sont ces compétences nouvelles dont vous aurez besoin ?
- Apprendre comme on respire. Cherchez à maintenir vos compétences à jour à tout prix, quitte à vous former pendant vos vacances ! En parallèle, restez prêt à abandonner le plus rapidement possible toute compétence qui vous semble devenir obsolète. Ne, vous y accrochez surtout pas ! Évidemment à moins que vous ayez un métier ancien ou artisanal ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit.
Et nous y revoilà, ces 5 questions nous ramènent à la curiosité dont j’ai déjà parlé plus haut.
CONCLUSION : VUCA, VOLATILITÉ ET CURIOSITÉ
Vous avez remarqué, je n’ai pas mis dans cette liste l’agilité qui est pourtant ce que préconisent beaucoup de ceux qui suivent VUCA comme une bible des temps modernes. La raison est que l’agilité consiste à réagir rapidement à un changement de contexte pour s’y adapter. Ce que je chercher à vous dire ici, via le concept de curiosité, est de chercher à voir les changements de loin. Avant qu’ils ne vous surprennent ! La curiosité me paraît être LA capacité la plus importante aujourd’hui. Sans curiosité, pas de créativité, pas d’innovation, pas de sérendipité. Je ne m’étale pas, vous trouverez suffisamment d’articles sur le sujet de la curiosité sur mon blog comme la matrice de la curiosité, la curiosité managériale, la curiosité professionnelle. Vous pouvez même m’appeler pour une conférence sur la curiosité.
Je le répète. La volatilité ne vous demande pas d’aller vite, mais simplement d’être curieux de votre environnement. Histoire de ne pas vous faire surprendre et avoir plusieurs portes de sortie si ça tourne mal. Sans curiosité, il risque d’être difficile d’être agile.
Pour approfondir ce sujet, je vous invite à vous inscrire à ma formation sur le changement sur UDEMY après avoir identifié votre profil de curiosité.
La suite avec l’explication en détail de VUCA et du management de la Volatilité : Partie 3/6 : VUCA et le management de l’Incertitude.
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