Droit à la déconnexion, 4 ans et 3 confinements plus tard

Avr 21, 2021 | Transformation managériale | 0 commentaires

Depuis le 1er janvier 2017, toute entreprise de plus de 50 salariés doit aborder le sujet du droit à la déconnexion lors de la Négociation Annuelle Obligatoire (NOA) sur l’égalité homme-femme et la qualité de vie au travail. Ce qui est détaillé dans l’article L2242-17 du code du travail. Pour info, le défaut de négociation ou de convocation des délégués syndicaux à cette NAO peut être puni d’une amende de 3 750 € et d’un emprisonnement de 1 an comme le rappelle l’article L2243-2. Même si la loi ne prévoit pas d’obligation d’aboutir à un accord.

Ce droit permettre aux salariés et salariées de séparer leur vie personnelle et vie professionnelle. Le but affiché étant d’éviter que la digitalisation ne rajoute de nouveaux  risques psychosociaux en plus de ceux déjà existants. Si votre entreprise fait moins de 50 salariés, vous pouvez établir une charte qui doit être avisée par votre CSE, mais vous n’y êtes pas obligé. Il faut juste que vous n’ayez jamais de problème de surmenage ou de suicide dans votre entreprise. Sinon vous risquez la condamnation pour faute inexcusable. 

Si vous l’aviez oublié, le droit à la déconnexion lui, ne vous a pas oublié. 

Après ce court rappel des faits, je souhaitais vous parler de ce droit à la déconnexion, car le sujet est revenu sur le devant de l’actualité.

Et ce pour trois raisons.

  1. D’abord, parce que d’en 2020 une enquête de l’Ugict-CGT réalisée avec la Dares auprès de 34 000 salariés a montré que 80 % des télétravailleurs ne disposaient pas d’un droit à la déconnexion et que 40 % des managers (enfin « encadrant » parce que quand même, c’est la CGT qui a mené l’enquête) déploraient une hausse de la charge et de leur temps de travail. Et ce n’est pas fini, toujours selon ce baromètre 69% des salariés interrogés restent parfois branchés à leur ordinateur et smartphone 24H/24, sans temps mort entre leurs temps de vie contre 60% en 2019.
  2. Ensuite, une enquête welcome to the Jungle d’avril 2021 précise que 73% des RH, managers et collaborateurs considèrent le droit à la déconnexion comme indispensable alors que seulement 25% d’entre eux le voient comme un sujet de préoccupation dans leur entreprise. 23% estiment même qu’il n’est pas du tout pris en compte dans leur organisation. Chiffres étonnement éloignés de l’enquête de l’Ugict-CGT… 
  3. Et bien sur, le droit à la déconnexion est aussi revenu sur le devant de la scène, quand le 21 janvier 2021 le Parlement européen a adopté une résolution reconnaissant le “droit à la déconnexion” comme un “droit fondamental » afin que tous les salariés européens qui utilisent des outils numériques puissent s’en déconnecter en dehors de leurs heures de travail comme en France (Jaloux !).
    Pour mémoire, au moment où la loi travail est entrée en vigueur en 2017, il était estimé que 480 000 Français (Institut National de Veille Sanitaire) étaient touchés par un certain degré de souffrance psychique au travail ; que parmi eux, 100 000 devraient avoir une évaluation très sérieuse de leur état psychique et que parmi ces 100 000 personnes, 30 000 étaient en état déclaré de burn-out. Le tout pour un coût de 3 milliards d’euros selon l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité). Cette estimation incluant à la fois les frais couverts par le système de protection sociale, la baisse de productivité et la gestion de l’absentéisme.

Pendant que j’y suis, je vous rappelle que même s’il n’y a pas de chiffres officiels globaux, on estime qu’il y a en France entre 300 et 400 suicides liés au travail par an. Les secteurs les plus touchés étant : la police, la santé et l’agriculture.

Maintenant que j’ai planté le décor, ou en sommes-nous 4 ans après la parution de la loi travail et après 3 confinements ? Et est-il vraiment utile d’intégrer le droit de déconnexion dans votre entreprise ? Et comment donner le droit aux salariés de ne pas répondre aux sollicitations professionnelles en
dehors du temps de travail, sans être sanctionnés ou considérés comme désengagés? Comme nous allons le voir, ce droit (et devoir) de déconnexion est à la fois une condition de réussite du travail hybride mais aussi une excellente occasion de lancer une conversation dans l’entreprise sur le sujet du travail post-digital et post-pandémie.

4 ans et 3 confinements plus tard…où en sommes-nous du droit à la déconnexion ? 

Commençons par prendre quelques chiffres récents pour comprendre où nous en sommes. De nombreuses études sont parues depuis le premier confinement. Aucune surprise d’apprendre que le contexte de la pandémie a entraîné une augmentation de la charge de travail, une montée de la fatigue professionnelle et est un facteur flagrant de dégradation du droit à la déconnexion. Une enquête Oracle : 45% des salariés affirment vivre un déséquilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, 78 % évoquent d’ailleurs des répercussions négatives sur leur santé mentale et 85 % estiment que cela a affecté leur vie privée. Et selon le comptoir de la nouvelle entreprise 12 % des salariés déclarent que leur santé s’est dégradée pendant la crise (8 % ont constaté une amélioration) et  la moitié des salariés (45 %) déclare se sentir plus fatiguée physiquement et psychologiquement.

Forcément, le fait de passer en quelques jours en mars 2020 de 17 % de salariés français tout secteur confondu qui travaillaient «parfois » en télétravail (29 % des salariés du privé) à 44% (60 % pour les cadres) on peut s’attendre à quelques séquelles. Même si ce chiffre de 44 % est redescendu à 22 % au début de l’été 2020, les recherches de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound) montrent que les personnes qui travaillent régulièrement à domicile sont deux fois plus susceptibles de travailler plus de 48 heures par semaine comparés à celles qui travaillent en présentiel. Et 30 % de ces télétravailleurs affirment travailler pendant leur temps libre plusieurs fois par semaine, contre moins de 5 % des personnes travaillant sur site.

C’est la raison pour laquelle le rapport d’Eurofound (Page 25) parle de paradoxe de l’autonomie dans lequel l’autonomie passe du statut d’atout (une ressource qui donne aux travailleurs la liberté de choisir quand, où et comment travailler) à celui d’inconvénient (l’obligation de faire face à une charge de travail accrue).

Résultat, en juillet 2020, toujours selon Eurofound, 35 % des salariés français estimaient être souvent ou très souvent épuisé après une journée de travail ET 29 % se sentaient émotionnellement vidés. Mais ce n’est pas tout, toujours en France si on en croit le baromètre T4 opinionway – empreinte humaines sur l’état psychologique des salariés. À la sortie du second confinement, 49 % des salariés interrogée s’estimaient en détresse psychologique et 58 % des managers. Ce qui représentait 100 000 salariés en burn-out sévère avec des managers ayant 2 fois plus à risque de burn-out que les non-managers. Je vous rappelle vous avoir dit qu’en 2017, l’estimation était de 30 000 personnes en épuisement professionnel.

Résultats :

  • 42 % personnes interrogées estiment que leur travail ne les intéresse plus et 35 % pensent désormais que leur job n’est pas porteur de sens
  • 50 % sont tellement désengagées qu’elles restent dans leur boîte faute de trouver mieux avec 1 actif sur 4 (Odoxa) ou 1 sur 2 (étude JLL) en fonction des études qui a même peur de perdre son emploi.
  • 60% attendent que leur employeur prenne mieux en compte le bien-être des collaborateurs.

Autant vous dire que dans ces conditions, on peut se dire que le droit à la déconnexion a autant d’effet que de mettre du sparadrap pour réparer la voie d’eau du Titanic !

Pourtant, je vous propose 5 pistes de réflexion simples pour utiliser le droit à la déconnexion pour réduire les risques d’épuisement professionnel et améliorer l’engagement. OU au moins sauver les meubles. Et vous vous doutez bien, pas en l’appliquant bêtement en se sentant forcé de le faire.

5 pistes de réflexion pour intégrer le droit à la déconnexion dans votre entreprise 

1 – Identifier ou commence le droit et ou s’arrête le devoir, et vice-versa.

Le droit à la déconnexion – édition covid – est autant un droit des salariés à se déconnecter qu’un devoir des entreprises à remettre en question leurs pratiques managériales d’un autre temps, de prendre en compte le contexte de travail et l’état psychique de leurs collaborateurs au bureau et à distance.
Ce qui va donc bien plus loin que de fermer ses serveurs pendant le week-end ou d’indiquer dans votre signature mail qu’il n’est pas nécessaire d’y répondre immédiatement !
C’est là que se trouve le vrai sujet de la loi travail : comprendre la complexité des effets de la digitalisation sur la santé mentale des managers et des collaborateurs alors que la pandémie a accéléré la mise en place du travail à distance dans des entreprises dont l’organisation n’était pas prête, le management pas formé ou dont certains dirigeants se croyaient encore au 20e siècle. (J’ai les noms). 

Pourtant l’enquête indique également que parmi les 56% de salariés qui travaillent des une entreprise ayant mis en place le droit à le déconnexion, seulement 12% considèrent qu’elles sont véritablement appliquées et 39% estiment que ce n’est pas le cas. Nous revenons sur l’idée qu’il s’agit d’une droit et pas d’un devoir. D’ailleurs, les salariés eux-même éprouvent du mal à «décrocher» (47%), quand leur hiérarchie (24%), leurs collègues (11%) ou la culture d’entreprise (4,6%) ne sont pas mis en cause.

C’est la raison pour laquelle j’invite les chercheurs d’emploi à demander au recruteur, si l’entreprise a eu un accord télétravail AVANT la pandémie. Si ce n’est pas le cas fait attention de ne pas tomber dans une entreprise qui considère toujours le télétravail comme une obligation exotique. Sauf si bien sûr vous chercher à être infantilisés par des dirigeants qui ne vous feront confiance que lorsque vous aurez 20 ans d’ancienneté.

Proposition : Créez une charte collaborative de déconnexion

Pas super original mais efficace si vous impliquez tous vos collaborateurs dans la démarche pour en faire un projet collaboratif. Ce qui permettra aussi de mettre au même niveau les salariés et leur encadrement car ce sont les managers qui souffrent le plus face à la disponibilité inconditionnelle de la culture de l’immédiateté. On ne peut pas ignorer que beaucoup de salarié sont protégés par leurs managers. Impliquez tout le monde, plutôt que de suivre une démarche « dura lex, sed lex » permet de faire réfléchir chacun sur leurs usages des outils numériques avant de co-construire les nouveaux modes de fonctionnement et d’identifier les comportements adaptés.

Alors, pas ou commencer ?

  1. Utilisez un modèle de charte déjà existant dans votre entreprise ou reprendre le modèle proposé par Village-justice ou par l’Aract IDF. Il vous suffira de remplacer CHSCT par CSE 🙂 Cela vous donnera une première approche de un cadrage des parties clé à ne pas éluder. L’Aract Ile-de-France propose un draft sur lequel se fonder pour lancer des ateliers de travail collaboratif. 
  2. Partez de l’expérience et des problèmes rencontrés par vos collaborateurs, pas avec « la loi a dit ». Donc commencez par identifier les problématiques rencontrées par vos collaborateurs. Pour les identifier par métier et niveau hiérarchique. J’ai directement pris contact à ce sujet avec la médecine du travail qui m’a aidé à revoir mon document unique d’évaluation des risques (DUER).
  3. Présentez les résultats de l’enquête en interne et organisez des groupes de travail sur la base du volontariat. Chaque équipe devenant responsable de la rédaction d’une partie de la charte.
  4. Enfin, mettez en commun et harmoniser les résultats des travaux des groupes de travail avant d’en assurer la communication et de l’intégrer dans vos documents d’intégration et vos formations managériales. 

 

2 – Comprendre que l’entreprise n’est pas la seule responsable de la fatigue professionnelle de ses salariés

En deuze, vous devez comprendre que l’entreprise et ses managers ne sont pas les seuls responsables de la fatigue professionnelle des managers. (déjà parce que les managers sont encore plus touchés par le burn-out que les salariés) Pour ça, lisez le rapport d’information de l’Assemblée nationale sur le syndrome d’épuisement professionnel (montrer sur iPad posé sur la table ou l’avoir à la main et scroller). Vous allez voir, c’est aussi chiant à lire que l’annonce la couverture. Mais grâce à cette lecture, vous comprendrez que le burn-out – ou épuisement professionnel pour parler français – n’est pas seulement créé par de méchants dirigeants qui exploitent leurs travailleurs sur l’autel du grand capital, mais qu’il peut aussi provenir des salariés eux-mêmes !

Que ce soit par leur sur engagement, leur hyper-connectivité, le FOMO, l’addiction au travail, le perfectionnisme, parce qu’ils n’osent pas parler de leurs problèmes à leur manager ou parce qu’ils n’ont pas identifié leur fatigue comme étant de source professionnelle. Sans chercher à excuser personne, les salariés sont aussi acteurs de leur propre épuisement professionnel.

Proposition : Faire évoluer les comportements

Ici nous sommes sur un terrain extrêmement glissant car il s’agit de redonner un sens de l’équilibre à certains drogués du travail sans pour autant les désengager. Il va falloir agir au niveau individuel pour faire comprendre ou s’arrête l’engagement dans son travail ou ou commence le comportement nocif pour sa santé.

Cette prise de conscience individuelle devra s’accompagner d’approches adaptées à la capacité de prise de recul de vos collaborateur pour les aider à trouver leur son propre rythme de travail. Travail encore plus compliqué que ces collaborateurs travaillent à distance ! 

Alors, pas ou commencer ?

  1. Utiliser des outils d’information : comme le fait Apple en vous envoyant chaque semaine un rapport d’utilisation de votre téléphone, vous pouvez vous abonner à l’application Calldoor qui se télécharge sur son smartphone et permet de suivre ses habitudes de connexion et d’adresser des messages liés à la déconnexion.
  2. Un peu plus infantilisant, mais efficace les pop-up de connexion. L’exemple le plus connu est celui de La Poste qui fait parti des mesures de l’accord en faveur de l’égalité professionnelle signé par La Poste et les organisations syndicales CGT, CFDT, FO, CFTC-CGC-UNSA le 3 juillet 2015. Une fenêtre pop-up apparaît sur l’écran de l’ordinateur dès lors qu’un mail est envoyé en dehors des heures de travail de l’expéditeur. Elle propose de différer l’envoi du mail, sauf en cas d’urgence exceptionnelle (santé, sécurité des biens et des personnes, continuité des services de La Poste) et lui propose de différer son email si ce n’est pas impératif. Cette approche est pertinente car elle invite chacun et chacune à s’interroger sur les conséquences de ses actes sur autrui. 
  3. Conférences et formations. Ce type de conférence sur les risques de l’hyperconnexion et de l’infobésité, les modèles d’organisation et les comportements adaptés sont préconisées par la loi Travail. Et le mouvement semble être lancé, car le nombre d’interventions sur le sujet est en croissante intervention selon mon partenaire a-speakers.

 

3 – Changer de monde et de culture

En troisième piste, je vous encourage à arrêter de confondre équilibre vie privée / vie professionnelle et séparation vie privée / vie professionnelle. Je pense qu’aujourd’hui beaucoup d’entre nous s’accrochent encore au monde du travail ouvrier dans lequel papa rentrait de l’usine pour se mettre dans le canapé et attendre que maman lui apporte ses chaussons et une bière. Le travail et les loisirs étaient alors hermétiquement séparés puisqu’il n’était, et n’est toujours pas possible malgré les avancées technologiques, d’amener sa machine ou son chantier à la maison). 

Il ne s’agit plus de séparer sa vie privée de sa vie pro par un mur en béton. Il s’agit de l’équilibrer ! C’est normal de préparer ses vacances de son lieu de travail, d’avoir ses enfants qui courent autour de la table de la salle à manger pendant que vous êtes en télétravail ou d’avoir toujours en tête un problème pro en tête au moment de l’apéro. C’est ce que l’on appelle en français le « Blurring » pour expliquer que nous ne sommes plus dans la séparation de nos vies, mais dans la recherche d’un équilibre.

C’est la raison pour laquelle il faut les aménager avec l’aide de votre hiérarchie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si en ce moment de nombreuses entreprises impliquent leurs salariés pour réinterroger leurs valeurs autour de notions comme l’équilibre, l’équité et la responsabilisation.

Proposition : Créer une culture du travail centrée collaborateur 

C’est à la base de le mon approche « HR design » qui considère le point de vue de l’expérience vécue par le collaborateur avant le résultat reçu par les actionnaires. Et en parlant d’expérience, le droit à la déconnexion est indissociable d’une réflexion globale sur la culture d’entreprise et qualité de vie au travail qui y est proposée. 

Alors, pas ou commencer ?

  1. Identifier les usages toxiques : il est primordial que chacun comprenne que nous n’avons pas le même rapport ou la même utilisation des outils digitaux / numériques. Il suffit de regarder l’usage que vous et vos amis font de Facebook ! L’utilisez-cous pour partager des blagues ou des infos professionnelles ? Partagez-vous les photos de vos enfants ou pas ! Vous devez échanger avec vos collègues pour comprendre comment est ressenti le mail reçu à 19h00 un samedi. Personnellement je m’en fous car je considère les mails comme un classeur d’informations que je consulte quand j’ai besoin, mais pour d’autres cela peut être ressenti comme une pression insoutenable.
  2. Co-construire les comportements et valeurs adaptés : j’en parle déjà dans cet article référençant les valeurs de 100 entreprises inspirantes, car actuellement je suis sollicité comme jamais sur ce sujet de réinvention culturelle. 
  3. Proposer un programme de formations et d’ateliers : rien de nouveau mais toujours efficace. Juste une chose : n’oubliez pas de convier TOUS vos collaborateurs et pas seulement vos managers. Ces sujets doivent être abordés ensemble et pas de façon infantilisante avec le manager qui gère pour son équipe.  
  4. Repenser votre culture d’entreprise : le contexte actuel de transformation du travail, d’interruption permanente, de mise à distance et du droit à la déconnexion est propice à la réinvention de votre culture d’entreprise, à commencer par vos valeurs. C’ets donc l’occasion idéale pour ré-imagier des modes de travail qui favorisent le « deepwork » tout en favorisant la collaboration et qui protègent la santé des salariés tout en continuant de les challenger chaque jour. 

 

4 – Mettez à jour vos pratiques managériales à l’occasion du droit à la déconnexion

La quatrième idée prolonge le point 1 concernant la mise à jour de vos pratiques managériales.
Une enquête menée en 2020 par d’une boîte de conseil en QVT et RPS (LMAO) montrait que 33,5 % des actifs restent connectés pendant les vacances (page 8) et que 27 % éprouvent un sentiment de culpabilité s’ils ne le font pas. Le message étant bien sur ce que ce sont des victimes de l’oppression technologique du 21e siècle.

Désolé, mais je ne pense pas qu’il y est un problème de se connecter à ses mails durant ses vacances ou ses week-ends…si cette connexion est guidée par votre conscience professionnelle Et si vous y voyez à redire, commencez par arrêter de forcer vos enfants à faire des devoirs de vacances.
Là où il y a un problème par contre, c’est si vous vous sentez obligé de le faire à cause de la culture managériale toxique de votre boîte et que vous vous connectez compulsivement à vos mails parce que vous avez arrêté Candy Crush. Bon pour la seconde possibilité, je ne peux rien faire par contre concernant la culture managériale toxique, on peut discuter.

Je me répète, mais le droit à la déconnexion ne se réduit pas à traiter ses managers comme des harceleurs et vos salariés comme des enfants en demandant à votre service IT de bloquer les mails les soirs et week-end.
Cela revient à traiter les symptômes et pas les causes alors que le droit à la déconnexion n’est pas une contrainte, mais une opportunité de lancer une conversation dans votre boîte sur le management, la performance, le digital et l’organisation du travail.

Proposition : Formez vos manager aux nouveaux modes managériaux 

Même si tout le monde à un rôle à jouer, il faut à un moment s’adresser aux managers qui peuvent volontairement ou pas maintenir une culture malsaine d’instantanéité. C’est ici qu’intervient mon concept de manager-enabler et le rôle de protecteur de son équipe de la pression extérieur. Vous pouvez désormais y ajouter le rôle managérial d’assister leurs collaborateurs dans le maintien de leur équilibre de vie et de travail. Ils, et elles, doivent être exemplaires dans leur propre écologie et écosystème digital pour lutter contre le stress quotidien du numérique.

Alors, pas ou commencer ?

Cette approche passe par la réinvention de la culture managériale. C’est la raison pour laquelle désormais, dans mes interventions sur la transformation managériale, j’intègre : 

  1. La présentation du concept d’écologie digitale et de qualité de vie numérique.
  2. La conduite du débriefing digital de son équipe pour identifier et prévenir les RPS numériques de ses collaborateurs.
  3. Le suivi de l’étiquette digitale pour rappeler régulièrement les règles et usages de l’utilisation des outils numériques. Oui, nous en sommes encore là ! Formez vos managers et collaborateurs à l’utilisation du mail, de la messagerie interne, de Slack, Discord, Yammer, notion ou tout outil de communication que vous utilisez histoire de comprendre que l’on ne met pas la terre entière en copie de sa réponse, que dans l’échelle des urgences à traiter le mail est tout en bas de la chaîne alimentaire. J’en profite pour mettre en description le lien vers mon article sur les mails en 5 lignes.
  4. La gestion des flux d’informations selon les outils mails, collaboratifs, de communication ou vidéo. 
  5. Le développement de l’empathie malgré la distance et une réflexion sur la Qualité de Vie au Travail numérique. Formez vos managers à utiliser leur empathie pour demander régulièrement à leurs collaborateurs en télétravail. Comment ? bahh en posant la question : « comment ça va ? ». C’est aussi bête et basique que ça en a l’air et que la formation au mail, mais vos managers doivent aménager des moments dédiés pour parler organisation, horaires ou confort de travail.
  6. Et bien sûr, si vous êtes dirigeants, faites la même chose avec vos managers et puis appelez-moi, je vous demanderai comment ça va.

 

5 – Sortez du « télétravail gris »

Selon cet article de courrier cadre le  “télétravail gris” désigne le télétravail informel, régulier ou occasionnel, ne relevant d’aucune contractualisation spécifique ou de choix organisationnel de la part de l’entreprise. C’est à dire qu’il n’a fait l’objet d’aucune charte, accord ou avenant au contrat de travail. Il représentait 70 % des pratiques de télétravail en entreprise en France en 2015, selon une étude BVA. Fin 2020, il n’était plus que de 60 %, selon une étude européenne, mais concernait tout de même deux tiers des télétravailleurs français. Sans contrôle, le service des RH ne peut, dans ce genre de situation, garantir que le salarié respecte la déconnexion. C’est ce que j’appelle le télétravail de niveau 1 : un télétravail anarchique, imprévu, dans lequel le confort du télétravailleur n’est pas pris en compte dans un contexte managerial de micromanagement.

Proposition : Instaurer une vraie politique de télétravail

Le travail à distance ou le droit à la déconnexion ne se réalise pas d’un claquement de doigt. Il doit être accompagné ! 

Alors, pas ou commencer ?

  1. Reprenez le point 1 et instaurez une vraie politique de travail à distance. Même si vous êtes 2 ! Avec ou sans la NOA en fonction de votre taille pour définir le plus collaborativement possible l’organisation du travail, les points forts de la semaine, les outils à utiliser et les moments de connexion – genre réunion et déjeuner en commun, et de déconnexion, car n’oubliez pas que le droit à la déconnexion ne concerne pas que le soir et les week-ends, mais aussi des moments dans la journée. Genre au moment de la sieste des enfants pour les parents en télétravail.
  2. Commencez au minimum à instaurer la règle du « si y a pas le feu ça peut attendre ». Les managers doivent aussi aider leurs collaborateurs à ne pas se sentir coupables en établissant une politique qui les responsabilise sur la suite à donner à un mail ou à une tâche après les heures de travail et qui renforce la flexibilité du travail.
  3. Ne remplacez pas la conversation sur le sujet par des Pop-up, message de signature mail ou signaux d’alarme !! Responsabilisez, communiquez, discutez… 

 

Pour conclure, le droit à la déconnexion est une excellente occasion de lancer une conversation sur l’organisation du travail et l’usage que des technologies de communication qui peuvent devenir ce que les philosophes grecs appelaient « un phármakon ». C’est-à-dire un poison et de son remède.
Sur ce, je vous invite à parcourir les notes en description, je vous mets le lien vers le Guide du droit à la déconnexion, qui explore le pourquoi, le comment et le parce que de ce droit.

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