managers et idées innovantes

Dilemme de l’innovation. Pourquoi les managers sont nuls à identifier les idées innovantes

Dilemme de l’innovation. Pour qu’une idée originale se développe dans une organisation, l’idéal est bien sur qu’elle soit soutenue et encouragée dès le départ par l’encadrement. Evidence… Malheureusement, ce n’est pas toujours ce qui arrive. Loin de là. Trop souvent, des idées originales voient le jour grâce à la résilience de salariés désobéissants.

Non, ce n’est pas par conservatisme ou par peur du changement que les idées originales ne sont pas soutenues par le management ! Enfin, la plupart du temps en tout cas. Deux études récentes nous montrent que cette incapacité à identifier les idées créatives provient surtout d’un état d’esprit trop centré sur ce qui risque de ne pas marcher et sur la recherche d’une solution unique. 

L’histoire est pleine d’idées révolutionnaires qui n’ont pas été (au début en tout cas) appuyées par leur manager :

  • En 1925, Richard G. Drew travaillant pour la Minnesota Mining & Manufacturing fut empêché par son chef, William McKnight, de continuer ses expérimentations sur un nouveau type de ruban de masquage qui finalement quelques années plus tard sauvera l’entreprise alors cantonnée au papier de verre.
  • En 1970, Gary Starkweather, ingénieur à Xerox invente l’impression Laser. Son manager aussi lui interdira de continuer à creuser cette idée.
  • En 1975, Steven Sasson (en photo), encore un ingénieur, des laboratoires Kodak Eastman inventa le premier appareil photo numérique. Sa direction trouvera cette idée amusante mais dangereuse et décida plutôt de copier Polaroid.

Si l’histoire a bien tourné pour Xerox et 3M, c’est que Starkweather et Drew ont développé leurs prototypes en secret et sur leur temps libre ! Concernant Sasson, jeune ingénieur, il a obéi à son chef et ce n’est qu’à sa retraite que la reconnaissance est venue. Il y aurait quand même à redire sur cette reconnaissance, car il n’a pas eu l’audace iconoclaste de ses illustres prédécesseurs !

D’accord, ces exemples sont américains et relativement anciens mais rassurez-vous, les exemples français et récents restent légions et toute ressemblance dans ce qui suit avec des personnes ou des situations existantes est volontaire :

  • L’ingénieur de France Telecom ne croyant pas à la carte à puce,
  • Le dirigeant d’une PME industrielle n’estimant pas utile d’étudier l’impression 3D car c’est, selon lui, un gadget de bricoleur
  • Un directeur commercial bloquant un projet de e-commerce pendant plusieurs mois,
  • Un DRH refusant de publier ses annonces sur les Réseaux Sociaux..

Pourquoi les managers ne savent pas reconnaître une bonne idée ?

Passons rapidement sur le fait qu’il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises idées, il n’y a que des idées adaptées à un moment et un contexte donné.

Beaucoup d’idées, parce qu’elles n’ont pas été planifiées, parce qu’elles ne proviennent pas des personnes habilitées, parce que les dirigeants ne sont pas capables de se projeter, parce que personne n’a testé l’idée auparavant…ne sont pas encouragées dans leur phase de conception.

Les managers se retrouvent face à ce que nous appelons «le dilemme de l’innovation» quand le manager se retrouve partagé entre le désir de mener des projets innovants d’un coté et la responsabilité d’obtenir un résultat attendu par leur direction de l’autre. Une recette idéale pour obtenir des «Quickwins» sans ambition ! Un peu comme penser être un explorateur en utilisant un GPS !

Le dilemme de l’innovation

Chercher à être innovant tout en rejetant les idées créatives.

En plus, coincés entre le désir d’idées originales et une certaine peur des implication de ces idées, les managers se retrouvent face à un autre dilemme : «le dilemme de la nouveauté».

Le dilemme de la nouveauté

les idées nouvelles en cherchant en même temps l’originalité et le risque minimum. Le beurre et la crémière, vous connaissez ? Ce qui nous oblige, dans nos ouvrages sur l’innovation ou lors de nos interventions, de citer moult et moult exemples devant rassurer les managers pour qui «une innovation doit avoir été testée ailleurs et avant !»

Aucune chance d’être original en faisant comme tout le monde…genre…proclamer son amour avec un cadenas sur le pont des arts.

Dilemme de la nouveauté : Vouloir l’originalité tout en cherchant la sécurité

Dilemme de l'innovation - pourquoi les managers sont nuls à encourager l'innovation

Sommes-nous tous incapables de reconnaître le potentiel d’une idée ?

Il semble que oui. Cette incapacité à reconnaître le potentiel innovant d’une idée a été identifié comme provenant du plus profond de nos capacités cognitives. Il y a des variables transitoires très subtiles qui décalent notre capacité à voir ce qui est créatif. Ce qui signifie que l’état d’esprit d’un manager durant la présentation d’une idée, son niveau de fatigue, son sentiment envers la personne présentant l’idée etc. peuvent créer un biais (cognitif donc, si vous suivez) contre ces idées sans que le manager ne réalise pourquoi.

Cela confirme une leçon que nous avons tous appris lorsque nous étions enfants : toujours présenter son bulletin de note à ses parents quand ils sont de bonne humeur. Surtout quand il est mauvais !

Une histoire de chaussure

Dans une étude de 2011 menée par Jennifer Mueller de l’université de San Diego, il a été demandé aux participants de noter des produits innovants.

Les participants étaient séparés en 2 groupes :

  1. Certains des participants étaient placés dans un état d’ouverture à l’incertitude (D’abord en étant prévenus qu’ils seraient rémunérés pour leur participation selon une loterie. Ensuite en leur demandant de rédiger un essai sur le thème “Pour chaque problème, il y a plus qu’une seule solution).
  2. D’autres étaient placés dans un état d’esprit favorisant la certitude. Ils seront rémunérés pour leur participation. Le sujet de leur essai : “Pour chaque problème, il n’y a qu’une solution.

Les chercheurs ont ensuite demandé aux participants de noter sur une échelle de 1 à 7 une chaussure de jogging équipée de nanotechnologie qui s’adapte au pied et réduit le risque d’ampoule selon leur A-nouveauté, B-créativité et C-praticité.

Comme vous vous y attendez déjà, les participants cherchant une solution et une seule trouvèrent la chaussure beaucoup moins créative que le groupe ouvert à l’incertitude. Les chercheurs en conclurent que les évaluateurs pouvaient développer une vision négative de l’innovation en fonction de leur état d’esprit.

Ce qui donnerait une première piste scientifique pour expliquer le déficit du management à distinguer une idée créative : Les responsabilités du management étant de gérer, animer, contrôler, autoriser, etc. créeraient de fait un état d’esprit cherchant des résultats et donc des certitudes. A voir si leur capacité à encourager les idées originales évoluera avec le développement des formations à l’incertitude.

Une histoire qui se termine bien

Dans une autre étude, toujours menée par Mueller et publiée dans le Journal of Experimental Social Psychology, l’équipe de chercheurs a continué leur expérimentation, non plus avec des baskets, mais avec 4 idées : 2 idées créatives et 2 pas du tout.

Avant de leur demander de noter les idées, les participants étaient divisés en 2 groupes :

○ ceux qui devaient se demander « Pourquoi » l’idée leur semblait innovante. Cette approche étant supposée établir une pensée abstraite représentant l’état d’esprit idéal pour évaluer une idée créative. Cet état est appelé “interprétation de haut niveau” en psychologie. C’est à dire la capacité de prendre en compte l’ensemble d’une situation. Voir « the Big picture » en anglais.

○ ceux qui devaient se demander « Comment » utiliser l’idée innovante. Cette approche devant créer un état d’esprit plus étroit à cause des contraintes impliquées en termes de réalisation, logistique et utilisation. Oui, vous avez deviné, cela s’appelle une interprétation de bas niveau.

Résultat : Quel que soit le groupe, les participants jugèrent tous qu’une idée non créative était…ben…non créative. Une idée ordinaire resterait donc une idée ordinaire quel que soit votre état d’esprit. Par contre, les notes données aux idées créatives variaient d’un groupe à l’autre : les participants avec l’approche «  Pourquoi » considéraient les idées beaucoup plus créatives que ceux ayant une approche « Comment ».

Comme si ces états cognitifs formaient une seconde couche d’évaluation une fois que l’idée était jugée créative ou pas: étape 1 notre cerveau sélectionne soit le tiroir créatif soit le tiroir non créatif,  étape 2, il mesure le niveau de créativité et d’innovation de l’idée.

Se demander pourquoi et non comment

Selon le résultat de ces études, il vaut mieux approcher une nouvelle idée en se demandant « Pourquoi » que « Comment ».

Comme si le « Comment» nous obligeait à nous concentrer sur le talon d’Achille de l’idée en ne voyant que ce qui l’empêchera de se réaliser. C’est le fameux « Ça marchera jamais ! ».

Ce qui expliquerait la myopie que nous pouvons avoir sur les idées créatives.

Ce que vous pouvez retenir de cet article :

○ Rappeler aux managers qu’il y a toujours plusieurs solutions pour un problème donné et que leur solution n’est peut être pas la meilleure tant qu’ils n’ont pas créé un minimum de concertation avec leur équipe

○ Demander aux managers de commencer toute réunion créative en demandant aux participants de se demander «pourquoi», notamment avec l’exercice des « 5W » ) en français « les 5 pourquoi » qui comme son nom l’indique demande de se poser 5 fois de suite pourquoi.  Ceci pour établir un état d’esprit plus abstrait qui permet d’ouvrir une séance créative. Le « comment » sera utilisé ensuite pour revenir sur terre et conclure la réunion avant de lancer l’action.

Une fois ces approches adoptées par votre management, vous pourrez vous attaquer ensuite aux blocages issus de l’organisation avec leur participation. C’est l’incapacité d’accepter le risque accompagnant 

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