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Destruction créative ou Disruption ?

Lorsque l’on parle d’innovation, on se trompe souvent en la réduisant à la “disruption”. Quand on parle de disruption, on sous-entend quelle se base sur une destruction créative. Mais qu’en est-il ? Y a ’til des différences entre la “destruction créative” (Creative Destruction) de Schumpeter et la “Disruption” * de Clayton Christensen ?

La fin de la théorie de Schumpeter

En fait, la théorie de la Creative Destruction tient plutôt de la prophétie que de la théorie. Contrairement à Christensen qui est entré dans le détail avec son approche de disruption, l’approche de Schumpeter est une théorie économique de 6 pages introduite dans son livre “Capitalism, Socialism and Democracy” publié en 1942. Prophétie annonçant éventuellement la fin du capitalisme.

Selon la page wikipédia, il travaillait déjà sur ce concept depuis quelques années en cherchant à affiner la théorie des cycles économiques de Kondratieff que Schumpeter pensait être directement liés aux innovations technologiques. Pour en venir à cette notion il a clairement utilisé la pensée Marxiste pour décrire le processus de disruption économique de transformation qui accompagne l’innovation :

«Le capitalisme […] est par nature une forme de changement économique qui ne peut jamais être immobile. […] L’impulsion fondamentale qui lance et maintient le moteur capitaliste en mouvement provient des nouveaux consommateurs de biens, de nouvelles méthodes de production ou de transport, de nouveaux marchés, de nouvelles formes d’organisation industrielles que l’entreprise capitaliste créée. […] L’ouverture de nouveaux marchés, domestiques ou internationaux, et le développement organisationnel de l’atelier et de l’usine, comme l’exemple de la sidérurgie US le montre, illustre le même processus de mutation industrielle […] qui révolutionne sans cesse la structure économique de l’intérieur, détruisant de manière incessante l’ancienne. […] Ce processus de destruction créative est un fait essentiel du capitalisme. C’est en quoi le capitalisme consiste et doit vivre avec.»

Schumpeter sur Wikipédia

Ainsi dans la vision du capitalisme de “Schum”, les innovations créent par les entrepreneurs sont les forces disruptives qui alimentent le moteur de la croissance économique, même au prix de la destruction de valeur d’entreprises établies et qui profitaient d’un certain monopole technologique, légal, organisationnel ou économique. “Schum” était pessimiste sur la durabilité de ce processus qui selon lui finirait par scier la branche sur laquelle le capitalisme est assis.

En d’autres mots, le processus de disruption ne peut pas être arrêté et va toucher chaque industrie l’une après l’autre (édition, éducation, musique, conseil, etc. comme les péniches l’ont été par le train, le cheval par la voiture, etc ) et dont la destruction entraîne avec elle toute la population active impliquée dans le secteur touché.

Schumpeter tenta de prévoir un moment ou ces populations se révolteraient contre le changement pour tenter de revenir à un type d’économie plus stable. De façon indirecte, Schumpeter avait prévu que ces populations deviendraient sur éduqués, comparé aux emplois qu’ils occuperaient. Ça vous dit quelque chose..?

D’ailleurs, en 2005, le président de la réserve fédérale – la banque centrale américaine – Alan Greenspan, demandait de se concentrer sur ceux qui sont du coté de la destruction créée par la globalisation pour la “maitriser” :

Quelques règles pour créer une disruption

Mais voilà, disruption ne concerne pas que l’économiques et les technologiques. Les disruptions ne se réduisent pas aux phénomènes que traverse une civilisation évoluant de l’agriculture à l’industrie, du paquebot à l’avion, du télégramme au SMS, du journal à internet. Ce que nous appelons tous “le progrès”

Les disruptions concernent aussi les valeurs sociétales – de l’ancien régime au nouveau régime – comportementales – de la propriété à l’usage – et culturelles – de l’émotion privée à l’émotion partagée sur son lieu de travail…

Règle 1 : Rendre vos produits et services bon marché et facile à acquérir

Une disruption ne consiste pas uniquement à faire quelque chose de nouveau, mais à rendre ce qui existe disponible au plus grand nombre : En 1908 la Ford T n’a pas été la première voiture mais a permis de la démocratiser.

destruction créative

Règle 2 : Inventer sans écouter son boss

Une disruption ne consiste pas seulement à inventer un nouveau procédé de fabrication ou d’organisation mais de combiner des produits qui n’avaient jamais été utilisés ensemble : l’invention du ruban adhésif par Richard Drew à 3M. Lisez cet article pour mémoire.

Règle 3 : Ne pas écouter ses clients non plus

Une disruption ne consiste pas seulement à se concentrer sur son client mais à le surprendre : vous vous souvenez du tollé quand Apple a enlevé le lecteur de disquette de l’Imac en 1998 et viré en 2015 toutes les prises USB (sauf une qui demande d’acheter un prise supplémentaire à 89€ ) sur les derniers macbook air ?

 Règle 4 : Faire plus simple et plus efficient

Regardez les exemples ci-dessus. Qu’ont ils tous en commun ? Faire plus avec moins, rendre plus facile d’accès…. bref, la simplicité.

déclencher une destruction créative et y survivre…ou pas.

Et là c’est drôle… Selon cet interview de Clark Gilbert – professeur à Harvard – qui cite une étude (sans en donner les sources, dommage) des entreprises de l’industrie de l’édition :

1 – Seulement 9 % des entreprises “disruptées” ont survécues. Selon Gilbert, il prévoyait qu’un diffuseur ou éditeur sur 5 survivrait (en étant généreux) si la tendance actuelle du nombre de faillites se maintient.

2 – 100% des entreprises qui ont survécues (les 9% donc) ont créées des entreprises séparées de l’entreprise mère. Aucune exception. Ce qui signifie : différents business models, différentes localisations, différentes sources de financement, différents styles de management et différentes équipes.

Pour vraiment conclure : vous ne vous adaptez pas à une disruption : vous êtes morts à 100%. Vous vous adaptez à une disruption : vous êtes morts à 91 %. Le choix est facile à faire mais le résultat incertain.

Et là, je vous parle d’expérience pour avoir créé un véhicule de compétition en disruption avec les modèles actuels (en terme de conception, fabrication et pratiques de vente). Le hic est que nous avions gardé le projet en interne et utilisé nos équipes en engageant notre trésorerie…Il faudra que je vous raconte une prochaine fois comment une boite peut disparaître en quelques mois et en bonne santé !

*La paternité de ce mot est aussi attribué à Jean-Marie Dru – de TBWA – pour son livre “Disruption” paru chez Village mondial en 1997 qui utilisait plutôt le terme de “Saut créatif” jusqu’à la publication de l’article de Christensen en 1995 “Disruptive Technologies: Catching the Wave” co-écrit avec Joseph Bower.

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