Coopétition ou Alliance Concurrentielle. La crise morale, humaine et financière que nous traversons est en train de changer la donne. La crise accélère les transformations et rien n’est épargné : consommation (le « masstige »), motivation (quête de sens), Management (millennials), Géopolitique (la Chine est le premier pays anglophone.), etc. Avec ces remises en cause, les entreprises doivent s’interroger et trouver rapidement de nouveaux business models !
La coopétition décrit un phénomène moderne récent où les organisations sont à la fois en concurrence et coopèrent, ce qui est également connu sous le nom de concurrence coopérative. Prenons un exemple récent. La plateforme de streaming Netflix est parmi les principaux clients de l’infrastructure cloud d’Amazon Web Services. De son côté, Amazon Prime a été parmi les concurrents de la plateforme de contenu Netflix Prime.
Partage de capacités entre concurrents
Ce qui était possédé devient emprunté (cloud computing), ce qui a été vendu peut-être donné, et l’ennemi d’hier peut devenir l’allié d’aujourd’hui. Historiquement, les entreprises doivent analyser et prendre en compte les mouvements de leurs adversaires pour évoluer. Ce qui coûte cher – financièrement et humainement – et isole ! Elles peuvent aussi s’allier avec ceux-ci pour survivre (ce qui rassemble et permet de réaliser des économies d’échelle).
Cette stratégie, dont on voit de plus en plus d’exemples, s’appelle la coopétition.
Cette alliance concurrentielle de deux entreprises concurrentes peut avoir deux objectifs :
- la complémentarité de compétences : on parle alors de « complétition«
- la réduction des coûts : il s’agit alors de « collaborence«
Cette évolution des pratiques oblige à faire preuve de créativité, enfin de « procréactivité », pour utiliser un néologisme. La procréactivité est une réflexion créative menée avant que les concurrents ne nous obligent à le faire. C’est l’une des bases du Shift et de la création de « l’échappée ».
La complétion
La « complétition » est un néologisme qui combine les mots « coopération » et « compétition ». Elle désigne une situation dans laquelle des individus, des équipes ou des entreprises collaborent tout en étant en concurrence les uns avec les autres. La complétition tire parti de la complémentarité des compétences pour atteindre un objectif commun. Voici quelques exemples de complétition en action :
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Projets collaboratifs : dans certains projets, des experts de différents domaines travaillent ensemble pour trouver des solutions. Par exemple, un projet de développement de produit peut impliquer des ingénieurs, des designers, des spécialistes du marketing et des financiers. Bien que chaque personne ait ses propres objectifs individuels, elles travaillent ensemble pour atteindre un objectif commun.
Dans l’industrie automobile, les entreprises Tesla et Panasonic ont collaboré pour développer et produire des batteries lithium-ion pour les véhicules électriques. Bien que ces entreprises soient en concurrence sur certains marchés, elles ont travaillé ensemble pour développer des technologies de pointe et atteindre leurs objectifs communs. -
Start-ups et incubateurs : les start-ups partageant un espace de travail dans un incubateur peuvent être en concurrence pour des financements ou des clients, tout en bénéficiant de la complémentarité des compétences et des connaissances des autres start-ups. Elles peuvent s’entraider en partageant des ressources, des conseils et des contacts.
Station F, un incubateur parisien, héberge des centaines de start-ups qui travaillent dans différents domaines, allant de la technologie à la santé en passant par l’éducation. Bien que ces entreprises soient en concurrence pour attirer des investisseurs et des clients, elles partagent un espace commun et bénéficient de la complémentarité des compétences et des connaissances des autres start-ups présentes. -
Coopétition dans le sport : dans les sports d’équipe, les joueurs coopèrent pour atteindre un objectif commun (gagner le match) tout en étant en compétition pour des positions ou des rôles au sein de l’équipe. Les compétences complémentaires des joueurs peuvent être utilisées pour renforcer l’équipe et améliorer les performances.
Dans le domaine sportif, on peut citer l’exemple de Nike et Adidas qui, bien qu’étants concurrents sur le marché des équipements sportifs, collaborent parfois avec des athlètes sponsorisés par l’autre marque pour promouvoir des événements sportifs ou des causes caritatives. -
Recherche et développement (R&D) : des entreprises concurrentes peuvent décider de travailler ensemble sur des projets de R&D pour développer de nouvelles technologies ou innovations. En partageant leurs compétences, connaissances et ressources, elles peuvent créer des solutions plus efficaces et rentables, tout en restant en compétition sur d’autres aspects de leurs activités.
Les entreprises pharmaceutiques Roche et Genentech ont collaboré dans le passé sur des projets de recherche et développement pour développer de nouveaux traitements contre le cancer. Bien qu’elles soient concurrentes sur le marché, elles ont travaillé ensemble pour faire progresser la recherche médicale et offrir de nouvelles options de traitement aux patients. -
Coopératives d’achat : des entreprises concurrentes, par exemple des détaillants, peuvent former des coopératives d’achat pour négocier des prix plus avantageux auprès des fournisseurs en achetant en volume. Tout en étant en concurrence sur le marché, elles collaborent pour réduire leurs coûts et améliorer leur rentabilité.
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Le groupement des Mousquetaires, en France, est un exemple d’entreprises coopératives qui collaborent pour acheter en gros et obtenir de meilleurs prix auprès des fournisseurs. Les enseignes Intermarché, Netto et Bricomarché, bien qu’étant concurrentes sur certains segments de marché, travaillent ensemble pour améliorer leur rentabilité en réduisant les coûts d’achat.
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Ces exemples illustrent comment la complétition peut être bénéfique pour les parties impliquées en tirant parti de la complémentarité des compétences et en favorisant la coopération, même dans un contexte concurrentiel.
La collaborence
La « collaborence » est un autre néologisme qui combine les mots « collaboration » et « concurrence ». Il désigne une situation où des entreprises collaborent pour réduire les coûts tout en étant en concurrence sur d’autres aspects de leurs activités. Voici quelques exemples de collaborence en action :
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Partage de la chaîne d’approvisionnement : des entreprises concurrentes peuvent collaborer pour partager la même chaîne d’approvisionnement afin de réduire les coûts de transport et de logistique. Par exemple, les fabricants d’électronique Samsung et Apple collaborent parfois pour partager les coûts d’expédition de leurs produits vers les points de vente.
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Coopération dans la production : des entreprises concurrentes peuvent collaborer pour produire des composants communs à leurs produits afin de réduire les coûts de production. Par exemple, Toyota et Mazda ont annoncé en 2017 un partenariat pour construire une usine de fabrication commune aux États-Unis, où elles produiront des véhicules pour les deux marques.
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Co-développement de technologies : des entreprises concurrentes peuvent travailler ensemble pour développer des technologies nouvelles ou améliorées qui réduiront leurs coûts. Par exemple, BMW et Daimler (la maison mère de Mercedes-Benz) ont annoncé en 2019 un partenariat pour développer des technologies de conduite autonome et de mobilité électrique.
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Partage des infrastructures : des entreprises concurrentes peuvent partager des infrastructures pour réduire les coûts d’investissement et de maintenance.
Par exemple, les opérateurs télécoms Orange et Free en France ont conclu un accord de partage d’infrastructures pour le déploiement de la 4G, ce qui a permis aux deux entreprises de réduire leurs coûts de déploiement et d’accélérer la couverture du réseau. -
Économies d’échelle dans les services : des entreprises concurrentes peuvent collaborer pour partager des services tels que le marketing, la publicité ou les ressources humaines, afin de réaliser des économies d’échelle.
Par exemple, des chaînes de restauration rapide concurrentes peuvent se regrouper pour acheter de l’espace publicitaire commun, réduisant ainsi les coûts pour chacune d’entre elles. -
Co-branding et co-marketing : des entreprises concurrentes peuvent collaborer pour lancer conjointement des produits ou des services, en tirant parti de la notoriété de chacune pour accroître leur visibilité et réduire les coûts de marketing.
Par exemple, la marque de vêtements H&M a collaboré avec des designers de renom tels que Karl Lagerfeld, Versace et Balmain pour créer des collections capsule en édition limitée, permettant à H&M de profiter de la renommée des designers et aux designers de bénéficier d’une exposition à un public plus large. -
Partage de brevets : des entreprises concurrentes peuvent s’accorder sur un partage de brevets pour réduire les coûts liés à la R&D et aux litiges sur la propriété intellectuelle.
Par exemple, en 2014, Tesla Motors a annoncé qu’il mettrait à disposition ses brevets sur les technologies de véhicules électriques pour encourager l’innovation et la collaboration dans l’industrie automobile. -
Collaboration en matière de formation : des entreprises concurrentes peuvent collaborer pour former leurs employés, en partageant les coûts et les ressources liés à la formation.
Par exemple, des entreprises du secteur de l’hôtellerie et de la restauration peuvent se regrouper pour offrir des formations conjointes à leur personnel en matière de service à la clientèle, de sécurité alimentaire ou de gestion des ressources humaines. -
Coopération en matière de développement durable : des entreprises concurrentes peuvent unir leurs forces pour développer des initiatives de développement durable, en partageant les coûts et les connaissances liés à la mise en œuvre de pratiques respectueuses de l’environnement.
Par exemple, les entreprises Nestlé et Unilever ont adhéré à l’initiative « Roundtable on Sustainable Palm Oil » (RSPO) pour promouvoir la production durable d’huile de palme et réduire l’impact environnemental de leurs activités.
Ces exemples montrent comment la collaborence peut aider les entreprises à réduire leurs coûts tout en restant concurrentes sur d’autres aspects de leurs activités.
La coopétition, alliance concurrentielle ou concurrence coopérative
Concrètement, si les entreprises doivent faire face à leurs concurrents, se peut-il qu’elles en relativisent la portée. Est-il possible d’imaginer que, bien qu’adversaires face à leurs cibles (les clients), elles puissent, à certains égards, unir leurs forces ? Cette proposition est bien évidemment utopique et inimaginable si nous adoptons un mode de pensée binaire et absolu, comme c’est le cas aujourd’hui.
Pourtant, il existe de nombreux exemples où des concurrents sont parvenus à dépasser cet axiome. Ils font la part des choses pour prendre du recul. Certes, ils sont concurrents lorsque leurs produits sont côte à côte dans les rayons. Ils ne sont pas pour autant obligés de l’être dans d’autres domaines. C’est ainsi que Henkel (le Chat, Mirror) et Reckitt-Benckiser (Woolite, St Marc) ont regroupés leurs moyens logistiques. Ce qui permet la livraison groupée de 800.000 palettes par an de produits détergents et d’entretien.
Exemples de coopétition
Partage des ressources : La société de transport maritime Maersk a créé une alliance avec deux autres entreprises du même secteur, MSC et CMA CGM, afin de partager des bateaux et des infrastructures portuaires. Cette coopétition leur permet de réaliser des économies d’échelle et d’optimiser l’utilisation de leurs ressources. Autre exemple d’alliance, la Société Générale et le Crédit Agricole, qui tout en gardant leurs réseaux de distribution séparés, ont un seul pôle de gestion des actifs.
Co-développement de produits : Dans le domaine de l’automobile, les constructeurs BMW et Toyota ont mis en place une coopération dans le but de développer des technologies de piles à combustible pour véhicules électriques. Cette coopétition leur permet de mutualiser leurs connaissances et compétences respectives pour avancer plus rapidement dans ce domaine.
Co-marketing : Les marques de vêtements Adidas et Parley ont créé une coopération pour produire des chaussures de sport à partir de déchets plastiques récupérés dans les océans. Cette coopétition leur permet de bénéficier d’une visibilité et d’une notoriété accrues grâce à leur engagement pour la protection de l’environnement.
Coopération en matière de logistique : Les entreprises de distribution Amazon et Carrefour ont mis en place une coopération pour mutualiser leur logistique et ainsi optimiser la livraison de leurs produits. Cette coopétition leur permet de réduire leurs coûts et d’offrir à leurs clients une expérience de livraison plus rapide et efficace.
Coopétition pour l’innovation : Dans le secteur de la technologie, les entreprises IBM et Apple ont créé une coopération pour développer des solutions de gestion de la mobilité pour les entreprises. Cette coopétition leur permet de bénéficier de la complémentarité de leurs compétences et d’accélérer l’innovation dans ce domaine. Renault et Daimler collaborent dans le domaine de la voiture légère. Ils ont développés une architecture commune pour la Smart et la Twingo et le développement de nouveaux moteurs.
Il est évident que sa portée est beaucoup plus étendue que les exemples que je viens de donner et que ce principe s’applique également aux autres processus : ressources humaines, financier, achat, production…
Coopétition : un gain pour le client
Alors, comment pouvez-vous intégrer l’idée de la coopération pour aider votre entreprise à se développer ? Commencez par examiner les quatre stratégies de croissance organique les plus courantes ; la coopération peut améliorer votre réussite avec chacune d’entre elles.
Baisse des prix
En collaborant pour réduire les coûts de production, de distribution ou de marketing, les entreprises peuvent répercuter ces économies sur les clients en proposant des prix plus compétitifs.
Dans l’industrie du transport aérien, la coopétition des compagnies aériennes concurrentes forment des alliances, comme Star Alliance, SkyTeam et Oneworld, pour partager les coûts de marketing, de maintenance et de formation. Cela leur permet de proposer des prix plus compétitifs pour les billets d’avion, ce qui profite aux clients.
Amélioration de la qualité
La coopétition peut inciter les entreprises à partager leurs connaissances et leurs compétences pour améliorer la qualité de leurs produits ou services. Les clients bénéficient alors de produits ou services de meilleure qualité et plus fiables.
Le partenariat e coopétition entre Samsung et Sony pour développer des capteurs d’image CMOS a abouti à des améliorations significatives en termes de qualité d’image pour les appareils photo et les smartphones. Les clients bénéficient ainsi de produits dotés de technologies de pointe et de performances améliorées.
Pénétration du marché
De nombreuses petites et moyennes entreprises ont une bonne portée sur leur marché national, mais en dehors de cette zone géographique, elles ne sont pas très connues. Pourtant, elles peuvent avoir d’autres atouts qu’elles peuvent mettre à profit. La coopération facilite la pénétration du marché ; en travaillant en collaboration avec des organisations au sein de vos marchés cible, vous apportez des solutions plus complètes à ces clients.
Les compagnies aériennes membres d’une alliance telle que Star Alliance collaborent pour offrir un service à la clientèle harmonisé et des avantages tels que l’accès aux salons d’aéroport et la possibilité de cumuler des miles de fidélité. Les clients bénéficient ainsi d’une expérience client améliorée lors de leurs voyages.
Développement du marché
Le développement du marché consiste à fournir des solutions plus complètes aux clients que vous avez déjà. De nombreuses organisations ont une ou deux spécialités qu’elles maîtrisent très bien, mais elles peuvent être incapables d’aider les clients ayant des besoins en dehors de ces concentrations. En entrant dans une relation de coopération avec une organisation qui fournit des services qui vous manquent, vous pouvez servir les clients que vous avez déjà de plus de manières.
La collaboration entre les entreprises pharmaceutiques Pfizer et BioNTech dans le développement du vaccin contre la COVID-19 a permis une mise sur le marché rapide et efficace du vaccin, offrant aux clients une solution plus rapidement disponible pour se protéger contre le virus.
Développement de produits
Deux têtes valent mieux qu’une, donc si votre organisation cherche des moyens d’innover et de développer de nouveaux produits pour répondre à un besoin du client, la coopération est un moyen de s’appuyer sur ce que font les autres dans votre secteur. Deux concurrents peuvent travailler en collaboration pour développer de nouvelles offres, en utilisant les solutions et l’expertise que tous deux ont déjà développées. La coopétition peut stimuler l’innovation en incitant les entreprises à travailler ensemble pour développer de nouvelles technologies, produits ou services. Les clients peuvent ainsi bénéficier de solutions plus performantes, plus efficaces ou plus respectueuses de l’environnement.
Le partenariat entre Google et Apple pour développer l’API de suivi des contacts pour lutter contre la COVID-19 est un exemple d’innovation résultant de la coopétition. Les deux entreprises ont travaillé ensemble pour créer une solution technologique pour aider à contenir la propagation du virus.
Diversification
Enfin, nous savons tous qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Les industries se développent et évoluent au fil du temps. La diversification est une défense contre le changement, car elle permet à votre entreprise de s’orienter vers des industries connexes afin de ne pas être trop dépendante d’une seule source de revenus. La coopération peut permettre à votre entreprise de se diversifier, en travaillant avec d’autres entreprises dans des secteurs connexes.
Lorsque des marques de mode haut de gamme collaborent avec des marques de prêt-à-porter, comme la collection capsule entre H&M et Balmain, les clients ont accès à des vêtements et accessoires de designer à des prix plus abordables et une offre plus diversifiée.
Développement durable
Les entreprises engagées dans la coopétition peuvent travailler ensemble pour adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement et du bien-être social, ce qui profite aux clients soucieux de l’impact écologique et social de leurs achats.
La coopération entre Nestlé et Unilever au sein de la Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO) vise à promouvoir la production durable d’huile de palme. Les clients soucieux de l’impact environnemental de leurs achats peuvent choisir des produits contenant de l’huile de palme certifiée durable.
Synergies entre les produits et services
La coopétition peut permettre aux clients de bénéficier de synergies entre les produits et services proposés par différentes entreprises, par exemple en facilitant l’intégration et l’interopérabilité entre différentes solutions technologiques.
La collaboration entre Spotify et Uber permet aux clients d’écouter leur propre musique via Spotify pendant un trajet en voiture avec Uber. Cela crée une expérience utilisateur intégrée et personnalisée, combinant les services des deux entreprises.
Pour conclure, la coopétition modifie les règles. Elle permet aux organisations de combiner leur expertise avec celle d’autres entreprises pour créer une solution plus complète pour les clients. Plutôt qu’un jeu à somme nulle avec un gagnant et un perdant, les concurrents deviennent des collaborateurs, qui développent des solutions permettant à chacun – y compris le client – de gagner.
Alors… qui est votre concurrent direct ? Ensuite, comment pouvez-vous travailler ensemble ?
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