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Premortem – Prévoir l’échec pour l’éviter

Avant de conclure un brainstorming et valider le lancement d’un projet, commencez par en anticiper son échec potentiel ! 

L’un des plus gros problèmes de la créativité – à part tomber en panne de post-it – est de penser que d’inscrire une idée sur un Paperboard suffit pour qu’elle se réalise.

C’est ainsi que beaucoup de projets sont lancés avant d’avoir pris le temps de réfléchir aux obstacles que celui-ci va rencontrer.

C’est pour éviter cet écueil que je vous présente le Premortem

Le premortem, un outil incontournable de l’innovation

Un outil pour réduire le risque d’échec

Tout le monde sait ce qu’est un post-mortem dans le domaine médical : c’est une autopsie qui permet de comprendre les causes d’un décès. Ce qui permet à la science d’avancer et à la famille de faire son deuil.

C’est justement pour réduire les risques de faire le deuil d’un projet que j’utilise le premortem pour identifier les causes qui pourraient provoquer son échec. Le Premortem, est donc une méthode demandant de se projeter dans le futur et ouvrant une discussion sur les risques probables qu’une idée tourne au fiasco ou qu’un projet deviennent un PFQQC. Voir la vidéo pour savoir de quoi il s’agit.

Une étape incontournable d’un brainstorming

Cet exercice de groupe commence à la fin d’un brainstorming, quand la fiche idée a été réalisée (fiche destinée à transformer une idée en plan d’action) ou quand un projet a reçu le feu vert de la direction.

Avec le Premortem, on donne deux responsabilités aux participants :

  1. Trouver les raisons pour lesquelles le projet pourrait échouer
  2. Prendre la responsabilité de surveiller ces raisons qui pourraient faire capoter le projet

Pour cela, on demande aux participants de se projeter dans l’avenir – souvent 2 à 3 ans – pour regarder à postériori les raisons pour lesquelles le projet a échoué.

Effet de recul prospectif

Le fait de se projeter intellectuellement dans l’avenir pour regarder son projet comme s’il était déjà passé permet d’avoir une vision plus pessimiste de celui-ci qui permet d’être plus réaliste.

À ce sujet, il a été démontré en 1989 par Beth Velliot, Gary Klein et Sterling Wiggings dans leur évaluation du premortem que la capacité de projection – c’est-à-dire le fait d’imaginer qu’un événement a déjà eu lieu – améliore les chances de réussite d’un projet de 30 %.

Cette projection dans l’avenir d’un projet qui n’a pas été encore réalisé a même un nom : il s’agit en anglais de « prospective Hindsight » et en français « d’effet de recul prospectif ».

Premortem - Prévoir l'échec pour l'éviter

À quoi sert le Premortem ?

L’objectif du Premortem est donc de maximiser les chances de réussite d’un projet en identifiant ses failles potentielles, les risques probables de défaillance, les points de vigilance et les corrections préventives à lui apporter.

Finaliser un Brainstorming

Il arrive régulièrement qu’un brainstorming s’achève sur une page de paperboard remplie de post-it. Ça donne l’impression d’avoir été productif, certes, mais les chances qu’aucune idée ne sera suivie d’exécution sont très élevées.

En lançant une discussion sur l’avenir des idées proposées, le Premortem est un excellent exercice pour augmenter les chances de passage à l’action des idées proposées et éviter que le brainstorming ne se termine pas comme s’il n’avait été qu’un exercice de Team Building sans ambition autre que passer un bon moment.

Maximiser les chances de réussite du projet

L’une des principales règles de la créativité, est qu’une idée fera tout ce qu’elle peut pour ne jamais se concrétiser. C’est ici qu’intervient le premortem en aidant à s’interroger honnêtement sur les raisons pour lesquelles le projet peut échouer. Ce qui permet de renforcer sa vigilance en étant obligé de regarder en face les risques probables d’échecs plutôt que de les ignorer.

Selon l’étude de 2001 de Charlan Nemeth, John Rogers & Keith Brown « Devil’s advocate vs. authentic dissent: Stimulating quantity and quality » parue dans le European Journal of Social Psychology, 31, 707-720, organiser un premortem est mieux que l’exercice de l’avocat du diable dans lequel un membre de l’équipe est chargé de prendre une position contraire aux idées proposées par le groupe.

La raison est que non seulement cet exercice de l’avocat du diable n’améliore pas la qualité d’un projet mais en plus, comme ce rôle est attribué dans un exercice, l’avocat du diable n’est pas toujours pris au sérieux par le reste de l’équipe puisque les critiques émises le sont pour répondre à l’exercice et ne sont donc pas forcément réelles et sincères.

Tempérer l’optimisme

Selon l’étude des chercheurs canadiens Roger Buehler, Dale Griffin et Michael Ross « Exploring the Planning Fallacy » parue en 1994 dans Journal of Personality and Social Psychology, il semble que nous avons tendance à surestimer la facilité à réaliser un projet. Il s’agit du biais cognitif de « l’Optimisme de réalisation » ou « Planing Fallacy » en anglais.

Selon cette étude, lorsque nous nous projetons dans l’avenir pour évaluer une durée de réalisation, nous prenons rarement en compte notre expérience passée. L’étude prend notamment l’exemple de contribuables canadiens qui surestimaient le temps de remplir leur déclaration d’impôt d’une semaine.

Pas besoin d’aller aussi loin pour voir que cet optimisme de réalisation peut aussi être bien français. L’exemple est facile, mais je pense à l’EPR de Flamanville qui devait entrer en service en 2012, puis en 2018 et finalement annoncé pour fin 2022. (la blague à 1 milliard d’euros par an)

Cette expérience n’aura pas suffi à mieux évaluer le temps de réalisation de l’EPR d’OLKILUOTO en Finlande qui devait ouvrir en 2014 !  

lEPR dOLKILUOTO

Les étapes du Premortem

1 – Se projeter dans le futur et imaginer que le projet a échoué

L’équipe doit se projeter dans l’avenir – je conseille 3 ans pour que l’équipe soit face à un niveau d’incertitude maximum et ouvrir au maximum le champ d’investigation – et considérer que le projet a échoué.

2 – Générez des raisons d’échecs

Les participants prennent quelques minutes individuellement pour déterminer les raisons qui selon eux ont fait échouer le projet en répondant à la question : « Pourquoi ça n’a pas marché ? »

Il est important de préciser que ces raisons peuvent ne pas être politiquement correctes. Ce qui se dit dans le groupe reste dans le groupe. 

3 – Consolidez la liste des raisons de l’échec. 

A tour de rôle, chaque membre donne une raison qui selon lui a condamné le projet. On fait autant de tours de table qu’il y a de raisons identifiées. C’est important que les personnes interviennent à tour de rôle pour laisser tourner la parole et que chacun donne son avis sur la raison d’échec évoquée.

Ensuite, le groupe classe les raisons d’échec en fonction de leur degré de probabilité de réalisation. Il est aussi possible de donner une évaluation des chances que l’échec évoqué advienne.

4 – Demandez au membre du groupe de prendre la responsabilité de l’une des raisons d’échecs.

De façon volontaire, chaque membre devient responsable du risque qu’il ou elle a choisi de surveiller et de veiller à ce que ce risque ne se réalise pas. 

Ainsi, par exemple, vous voyez dans la photo ci-dessous, provenant d’un Premortem pour l’organisation d’un séminaire de lancement d’une démarche de changement – que Pierre est devenu « le responsable du fun », en prenant en charge la surveillance du risque que les participants du séminaire ne s’ennuient.

exemple premortem

Conclusion

Le Premortem  est un outil incontournable qui permet de franchir plusieurs étapes e la démarche créative :

  • Se projeter dans l’avenir
  • Critiquer le projet
  • Réfléchir à des plans de contingence
  • Se préparer à l’échec pour ne pas perdre sa motivation
  • Responsabiliser les protagonistes

Attention, en faisant un Premortem du Premortem, le principal risque est de ne pas d’identifier ce que l’on appelle les «Cygnes noirs». C’est-à-dire des événement imprévisibles qui ont une faible probabilité d’arriver, mais qui peuvent avoir des conséquences d’une portée considérable et exceptionnelle.

Par contre, le Premortem vous permettra d’éviter les « Rhinocéros gris » comme les appelle Michele Wucken, c’est-à-dire des dangers prévisibles qui ont été volontairement ignorés !

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