VUCA
Le management de VUCA. Enfin, il est temps de conclure cette série d’articles sur VUCA… ou pas. En raison de la complexité du concept qui renferme lui-même des dizaines de concepts nous pourrions encore continuer à décortiquer chacun d’entre eux. Comme une matriochka que vous pourriez ouvrir sans fin.
Pour conclure cette série pour VUCA (pour cette semaine), Je vais prendre un peu de recul sur ce concept même de VUCA. Enfin, surtout pour comprendre s’il est toujours d’actualité plus de 30 ans après son apparition. D’abord, parce que c’est tout de même un concept d’origine militaire. Ensuite, parce que ce n’est pas une révélation. Le monde a toujours été caractérisé par l’incertitude et la complexité. C’est pour répondre à ce désordre que les penseurs du management ont conçu des systèmes pour le comprendre et y répondre. Agilité. Adaptabilité. Conduite du changement. Vous les connaissez. Les méthodes, la plupart propriétaires, développées pour (tenter de) domestiquer le changement sont nombreuses. Tous ont un but : rendre les événements perturbateurs compréhensibles pour espérer les maîtriser.
C’est là qu’intervient VUCA. C’est un cadre ou un élément de lecture qui aide à donner du sens à un contexte déroutant. Et ce, en prenant un point de vue économique, technologique et culturel. VUCA se résume donc à une formulation intelligente qui illustre le monde qui a émergé entre la fin de la guerre froide et le début de l’ère digitale. C’est la raison pour laquelle volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté sont des concepts courants : Ils ne datent pas d’hier !
Les outils qui ont été créés depuis 30 ans pour tenter de maîtriser ces changements, comme le scénario planning (scénarios futurs), le management du changement ou les pratiques agiles, sont des approches rassurantes. Elles nous aident à penser que nous pouvons manager VUCA sans heurts et sans peurs. Je vous donne la fin de cet article ici : non, vous ne managez pas VUCA vous tentez de manager dans un environnement VUCA. Nuance. Ce filtre ne nous dit pas ce qui « va se passer » et ne nous aide pas à maîtriser ce qui ne peut pas l’être ! Il nous permet simplement de comprendre les paramètres de ce qui « pourrait se passer ».
Un concept en amenant un autre, vous vous retrouvez rapidement avec une volatilité exponentielle, une incertitude “chaotique », une complexité “exacerbée » et une ambiguïté “dirsuptive”…Bon…en fait, vous vous retrouvez surtout avec une liste de buzzwords dans laquelle piochent joyeusement consultants et profs d’école de commerce.
C’est la raison pour laquelle, avant d’en venir à l’utilisation concrète de VUCA d’un point de vue managérial et organisationnel. Je vais tenter d’identifier les limitations de ce concept avant que vous ne commenciez à l’utiliser.15

LES LIMITATIONS DE VUCA
Le concept de VUCA est clair et évocateur. Il est aussi une mine d’or pour les conférenciers et penseurs de l’entreprise. Pourtant, ne nous y trompons pas. Si ce sujet est toujours nouveau pour de nombreux managers et dirigeants, il devient doucement obsolète !
VUCA n’est plus une source de réponses comme elle l’a été, mais une description du monde « par défaut » dans lequel nous vivons. Je réitère, l’utilisation de VUCA est toujours pertinente MAIS de moins en moins représentative de ce qu’il se passe aujourd’hui. La raison est que VUCA a cessé de fournir des indications utiles concernant la question de base : « comment pouvons-nous faire face aux circonstances actuelles ? »
VUCA est à l’interconnection de plusieurs concepts. Pas une addition de concepts indépendants
VUCA n’est pas V.U.C.A.Même si prendre chaque acronyme à tour de rôle, pour les approfondir, semble logique. Parce que ça permet, par exemple, de faire une série d’articles de blog ou des slides de conférence, il s’agit de ne pas se tromper !
VUCA n’est pas la somme de concepts séparés que l’on poserait cote à cote genre V + U + C + A. Voir la figure 1 ci-dessous.

Figure 1. VUCA n’est pas une juxtaposition de concepts comme ici ou vous additionnez des idées.
VUCA est le résultat du croisement des tous ces concepts qui sont interconnectés et interdépendants. Voir la figure 2 ci-dessous
Cela signifie que la réponse à la volatilité n’est pas seulement la curiosité comme je vous l’ai proposé dans l’article sur la volatilité. La réponse à l’incertitude n’est pas seulement l’expérimentation comme je l’écrivais dans l’article sur le sujet. Et vous avez compris, la réponse à la complexité n’est pas seulement la collaboration. Pas plus que la réponse à l’ambiguïté n’est pas seulement l’audace ! Mais tout en même temps ! C’est-à -ire que la réponse au management de VUCA est d’être capable de devenir un expérimentateur curieux, audacieux et collaboratif.
Un exemple pour le prouver : la curiosité. Vous comprendrez qu’elle est aussi nécessaire pour comprendre la volatilité qu’elle peut l’être face à l’incertitude, la complexité et l’ambiguïté. C’est la curiosité permet de s’intéresser aux changements plutôt que de les ignorer en pensant qu’ils ne nous concernent pas. Et il en est de même pour la collaboration, l’audace et l’expérimentation ou la résilience. Tout est lié ! Rien à jeter.

Figure 2. VUCA est un tout. pas un concept en pièces détachées. Attention à ne pas oublier ce qu’il se passe à l’intersection de ces concepts
Cette interconnexion s’illustre aussi dans le fait que plus le monde est incertain, et plus il est ambigu. Il n’y a pas une seule explication à un contexte, ni une seule réponse à un problème. Ensuite, plus le monde est volatile et plus il est complexe. Logique, les changements arrivent trop vite pour pouvoir en dérouler les interactions. Tout est lié donc ne cherchez pas à traiter chaque élément de VUCA ! Faites un pas en arrière pour comprendre le concept dans sa globalité et les interactions entre chaque élément.
VUCA n’est pas une solution à appliquer bêtement comme une recette
Comme nous venons de le voir, il n’y a pas de formule à connaître une fois pour toute qui permettrait de résoudre VUCA comme s’il s’agissait d’une équation. C’est une cible mouvante qui se déplace sur une mer déchaînée lors d’une nuit pluvieuse sans lune qu’il faut atteindre les yeux fermés.
La pire erreur serait de répondre à chaque élément de VUCA comme si c’était un QCM dont il fallait chercher à résoudre les énigmes posées par les 4 éléments l’un après l’autre. Oui, comme je l’ai fait jusqu’à présent. Tsouin tsouin.
VUCA n’est pas une méthode, une recette ou une check-list, ce n’est qu’un filtre pour voir le monde. VUCA aide à prendre du recul et ne promet pas de solutions rassurantes rapides, simples et claires. Les consultants par contre…
En résumé, VUCA n’aide pas à comprendre les challenges difficiles à relever, mais pointe le doigt vers les changements difficiles à identifier. Il aide à rassurer le manager et dirigeant anxieux. Faire des tableaux comme celui que vous trouverez ci-dessous peut être utile pour la compréhension de chaque concept. Mais attention à ne pas oublier » The big picture » comme le disent certains musiciens alsaciens.

L’entreprise face à VUCA. Ce serait bien si c’était aussi simple.
VUCA peut exacerber la peur de l’avenir
En parlant de peur, on peut relever que VUCA fait penser que rien n’est stable et que nous sommes dans un état de chaos perpétuel. Un chaos dans lequel rien n’est stable, ni prévisible. Comme si nous étions dans un mouvement brownien qui décrit le mouvement aléatoire d’une particule dans l’eau. En fait, si vous me demandez, je pense que nous sommes plutôt dans un processus de Lévy qui décrit une progression ponctuée de phase de plateau.
Regardez les 6D de Peter Diamandis. Parcourez la courbe de la hype de Gartner. Vous comprendrez qu’un environnement peut rester stable dans le temps. Vous verrez aussi qu’un changement annoncé peut mettre longtemps avant de se concrétiser. Ce qui est de l’ordre de VUCA est la rapidité avec laquelle cela s’effondre. Je n’en dis pas plus, nous verrons cela dans l’article sur l’après-VUCA.
Un manager ou un dirigeant qui découvre VUCA via l’un des nombreux articles copié-collé que l’on peut trouver sur le net pourra soit s’inquiéter plus que de raison du changement à venir. Alors même qu’il a le temps de s’y préparer. Ce qui serait grave par contre, serai qu’il pense que comme son environnement est stable, VUCA ne le concerne pas. Comme l’industrie du livre qui ne s’est pas senti concernée par le piratage dont était victime l’industrie de la musique,…jusqu’à ce que…. VUCA est un point de vue sur le monde, il n’est ni négatif, ni positif, il est. Donc inutile de le brandir de façon anxiogène sans indiquer aux dirigeants ce que cet acronyme cache.
Et oui, on peut être agile dans l’incertitude et travailler sur des scénarios de l’avenir. À condition d’être suffisamment radical pour prévoir l’effondrement du système.
VUCA n’est pas nouveau
Je suis un partisan des concepts de « new normal » et de « next normal », basé sur VUCA. Ces deux concepts m’aident à illustrer les changements en cours et me permet d’insister sur le fait que ce nouveau normal est aussi imprévisible que ce qui arrivera demain « le prochain normal ».
En tout cas, je reste très prudent et ne présente jamais VUCA comme la solution à tout. En fait, je ne la présente pas comme une solution du tout ! C’est un point de vue. C’est tout !
Manager une équipe et/ou diriger une entreprise a toujours été difficile. Nos anciens ont également connu des changements au moins aussi radicaux que les nôtres. Des changements qui étaient, eux aussi, portés par des transformations technologiques et sociétales. Imaginez-vous à la place de ces patrons qui ont du apprendre à passer de la vapeur à l’électricité, du cheval à la voiture, de la semaine de 7 jours à la semaine de 5 jours. En fait, avec le recul, depuis que j’ai lancé ma première entreprise au moment du passage aux 35 heures et à l’an 2000, je n’ai pas connu de période où les chefs d’entreprise ne se sont pas sentis agressés et vulnérables. Il y a toujours quelque chose de VUCA quelque part 🙂
VUCA, des concepts disparates en mutation
C’est Philippe Silberzahn qui relève que VUCA mélange des concepts de différentes natures. Pour lui, certains de ces concepts sont des caractéristiques propres à l’environnement alors que d’autres résultant de limites cognitives humaines. Par exemple, la complexité induit nécessairement l’incertitude, mais l’incertitude ne résulte pas toujours de la complexité. L’ambiguïté est une difficulté d’interprétation par un être humain d’une situation donnée alors que la complexité est une propriété inhérente au système considéré.
Ma réponse : On s’en fout ! Utilisez VUCA pour ce qu’il est : une grille de lecture qui facilite l’identification des changements pour pouvoir commencer à y réfléchir. Et puis, comme le disait mon grand-père « il faut toujours donner un nom à ce qui vous effraie pour ne plus en avoir peur ».

Je vous présente Sophie.
VUCA n’est plus suffisant
Autre limitation de VUCA, cet acronyme n’est peut-être plus suffisant pour caractériser l’environnement actuel. Il manque plusieurs concepts qui me semblent suffisamment importants pour être clairement explicités. Je pense aux concepts de turbulence et de rupture brutale.
- Une turbulence est l’ensemble du processus de changement économique. Certaines turbulences reflètent les processus de sélection naturelle, d’autres les changements fondamentaux de l’économie. Il peut s’agir de la mondialisation, l’évolution technologique, la déréglementation ou l’externalisation.
- Une rupture est un changement profond, voir radical, de l’environnement dans lequel opère l’organisation. Il ne s’agit pas forcément d’un processus comme VUCA mais d’un événement brutal comme une rupture technologique (internet), environnementale (réchauffement climatique), sociétale (montée de la valeur liberté), sociale (changement d’attitude face au travail) ou les 4 en même temps (télétravail et pandémie).
Il manque sans doute ces deux concepts, car finalement, VUCA décrit d’avantage les conséquences d’une rupture que ses causes. C’est une des raisons pour laquelle il y a matière à réflexion à faire évoluer VUCA. Mais comment ? Quels concepts mettre dedans ? Et faut-il encore utiliser un acronyme ? Suspense.
MANAGEMENT DE VUCA AVEC TUNA
TUNA signifie « Turbulent, Incertain, Nouveau (novel) et Ambigüe ». La base reste assez proche de VUCA : ce qui a fonctionné hier ne fonctionne plus aujourd’hui et créera les ruptures de demain. Ok.
On prend les mêmes et on recommence.
N’attendez rien et préparez vous à tout
Si VUCA invite à comprendre le monde actuel pour devenir agile en » mode réactif ». L’approche TUNA propose une une voie plus « proactive » qui repose sur ce que l’on appelle en anglais le « Scenario planning« . C’est une approche qui permet, par la création de scénarios, de naviguer dans l’incertitude en anticipant les futurs possibles.
- Problème N°1 : quel scénario pour l’imprévisible ? Selon cette méthode, il s’agit, pour chaque scénario du futur, de simuler ce qu’il faudrait faire dès maintenant. Ceci pour espérer pour s’en sortir au mieux si ce scénario se réalisait. Oui, un premortem approfondi donc.
- Problème N°2 : toute entreprise n’a pas le temps, ni les connaissances, ni les moyens, de passer du temps à imaginer un futur possible quand le présent vous mord le tibia. Et qu’il ne veut pas vous lâcher, ce &§!0.
Comment j’utilise TUNA
Il m’arrive, dans le cadre d’ateliers, d’utiliser le scenario planning après ma présentation de VUCA. Ce que vous pouvez faire vous-même avec le bouquin « Strategic reframing : The Oxford Scenario Planning Approach » et beaucoup d’imagination. J’organise l’atelier en 4 parties :
- Je présente ma version de VUCA en précisant les effets sur les business model ou le management selon la demande. L’objectif est de familiariser les dirigeants et managers avec les termes.
- Il est ensuite en temps groupe de trouver des changements qui les concernent en utilisant la figure 2. C’est-à-dire que je ne leur demande pas seulement d’identifier ce qui les touche en terme de Volatilité? Je leur demande aussi ce qui les concerne au croisement de la volatilité et de l’incertitude. Par exemple.
- Il reste à passe à TUNA et au » scénario planning « . Inutile de réinventer pas la poudre ! J’applique la méthode du Design Thinking appliqué à la radicalité. Cette partie est centrale, car la planification par scénario est une méthode de recherche de stratégies qui se définit par la non-prévision. Ce sont des récits qui proposent plusieurs façons dont l’avenir peut se dérouler. L’approche du design thinking et mon approche de la radicalité permettent d’éviter de tomber dans des utopies banales (100% énergie renouvelable) ou des dystopies évidentes (le populisme). En encourageant la curiosité et la créativité des dirigeants, l’approche par scénarios développe une capacité de décision adaptée à la volatilité, à l’incertitude, à la complexité et à l’ambivalence. Je parle de Design Thinking car, comme la planification de scénarios, le design thinking n’est pas un « projet linéaire » avec un début, un milieu et une fin, ni une intervention ponctuelle, mais plutôt un processus itératif qui permet et soutient l’apprentissage organisationnel.
- Cette étape passée, nous passons à la création de scénarios. Oui, sur la base d’un premortem. Ceci pour explorer les événements possibles et impossibles, les principaux acteurs et leurs motivations. La construction et l’utilisation de ces scénarios peuvent aider à explorer ce à quoi l’avenir pourrait ressembler et les défis de cet avenir.
Pour arriver à prévoir sans prédire, l’approche TUNA approfondit le recadrage des modèles mentaux, ou paradigmes, des dirigeants qui a débuté avec VUCA. Ce recadrage repose sur du connu : le lâché prise, l’acceptation que l’irréaliste est probable et que le contrôle n’est ni souhaitable ni possible.
En résumé, si vous pensez avoir compris votre environnement et les risques qui menacent votre industrie et vous croyez y êtes préparé…vous avez un problème. En répétant des actions avec ces scénarios alternatifs et contradictoires, de nouvelles options peuvent être identifiées et contribuer à une nouvelles perceptions de la situation actuelle.
Contrairement à la prévision, l’approche par scénarios n’utilise pas de chiffres pour prouver qu’un scénario est plus plausible qu’un autre. La raison est que s’il est courant de dire que l’on ne peut pas manager ce que l’on ne peut pas mesurer. On ne peut pas non plus concevoir l’inconcevable en se reposant sur des tendances chiffrées.
L’approche quantitative, basée sur des preuves, fonctionne très bien en période stable quand on gagne 3% de croissance par an et que Gillette ajoute une lame à ses rasoirs chaque année. Désormais, la curiosité, l’audace, la collaboration…vous avez compris, nécessitent une compréhension plus systémique des raisons pour lesquelles les choses se produisent et sont liées les unes aux autres. Les chiffres comptent, mais les récits d’abord !

Shell fait parti des pionniers du scénario planning
A l’origine, TUNA et l’approche par scénarios proviennent de Shell (image ci-dessus) qui l’utilisait pour empêcher les collaborateurs de faire avancer des projets trop lourdement basés sur des chiffres ou sur la parole d’experts. Leur motto : « On ne peut pas prévoir, on ne peut qu’imaginer ». Contester l’avenir avec des outils de créativité permet de prendre de meilleures décisions pour le futur dans le présent. Travailler avec des scénarios stratégiques qui s’appuient sur des points de vue opposés (et avec des équipes qui n’ont jamais travaillées ensemble), peut être une expérience frustrante en atelier.
Pourtant, le développement de scénarios divergents et contradictoires est particulièrement important pour les entreprises qui ont tendance à ignorer l’incertitude ou à surcharger leur organisation de systèmes de contrôle. Les scénarios stratégiques (et réalistes) qui sont construits à partir de l’effort collectif de plusieurs fonctions, rôles et perspectives aident à préparer l’action dans des défis complexes. C’est l’approche en « coalition » que j’utilise tout le temps.
Définir les scénarios et travailler avec différentes perspectives contribuent également à gagner du temps et à renforcer la robustesse des équipes et la résistance de l’organisation aux chocs imprévisibles.
Par où commencer ?
Listez 3 crises ou ruptures connues dans votre secteur. Laquelle vous mettrait sur la touche ? Identifiez les compétences nécessaires et les membres de l’équipe qui peuvent y faire face. Laissez-les se préparer à une action collective sans en contrôler son organisation.
- Définissez comment votre organisation gère les incertitudes. De manière efficace et ciblée ou plutôt chaotique et réactive ?
- Fluidifiez vos réactions. Avant de réfléchir à votre pro-activité, trouvez des règles empiriques applicables en temps de crise et de ruptures.
- Former vos collaborateurs à identifier le moment ou un signal faible se transforme en tendance disruptive.
- Aidez-les à détecter le début d’une crise et donner leur suffisamment de latitude pour agir rapidement.
MANAGEMENT DE VUCA AVEC « VUCA PRIME »
En 2012, Bob Johansen, membre du « Institute for the future« , a développé dans son bouquin « Leaders make the future » une approche qu’il présente comme un antidote à VUCA. Il a appelé ce contrepoids de VUCA : VUCA Prime. La raison, vous l’avez deviné, est que sa réponse commence aussi en 4 mots qui commencent par les lettres V.U.C.A. Concept que vous pouvez retrouver ici ou ici.
Bingo.
VUCA PRIME (ou VP our les intimes) appelle les dirigeants à se concentrer sur le développement de la Vision, de la Compréhension (Understanding en anglais), de la Clarté et de l’Agilité. Le U n’est toujours pas traduisible directement en français comme VUCA. Le développement de ces capacités doit être un moyen de surmonter les obstacles managériaux du monde VUCA. Certains considèrent que ce VUCA Prime est une description de fonction et de responsabilités clés pour cadres.
Allez, c’est reparti. VUCA prime parce que :
De la Volatilité à la Vision
La volatilité peut être contrée par la vision. Les dirigeants fournissent et renforcent la voie à suivre et naviguent dans un monde qui traverse turbulence après turbulence pour atteindre le succès. Comme tout bon skipper, ils s’efforcent de définir le point de navigation en réglant le compas. Ils fixent un point de repère pour aider à guider les barreurs et l’équipage quelles que soient les conditions. je n’aime pas les références sportives mais passons.
La vision nécessite d’être explicite pour répondre aux trois questions fondamentales : pourquoi sommes-nous ici ? Comment allons-nous réussir ? Quelles sont les mesures de notre succès ?
VISION : créer le futur plutôt que de le subir
- Voir : communiquer une vision claire de court et moyen terme
- Curiosité : posez des questions qui challenge le statu quo dans votre entreprise (ass kicker, czar of all system)
- Focus : assurez-vous que les efforts des équipes sont alignés et concentrés vers votre objectif
De l’Incertitude à la Compréhension
De la vision découle la possibilité de transformer l’incertitude en compréhension. D’abord en amenant tous les membres de l’équipe à partager un même état d’esprit. Ensuite, à comprendre comment ils peuvent contribuer au succès. Et enfin, définir les principes de fonctionnement clés qui favoriseront une communication active et des pratiques de collaboration généralisée. Ça marche comme une transformation qui vise à façonner de nouveaux comportements individuels et d’équipe ! Avec une communication bidirectionnelle continue et cohérente. Il ne s’agit pas seulement de parler aux collaborateurs, mais aussi d’écouter activement pour gagner et comprendre. (Quid de la collaboration ?).
La capture des éléments clé de la vision inclura les valeurs fondamentales, les stratégies et les mesures de réussite dans une carte stratégique (Strategy map en anglais, ça fait plus chic) largement communiquée et engagée, vivante, interactive et dynamique. Carte qui selon l’auteur, à défaut d’être conçue de façon collégiale, contribue à alimenter une compréhension continue. Pour reprendre ses mots, c’est une façon vivante, vivante et intrinsèque de diriger et de croire. Et là j’ajouterai : d’imposer sa vision du monde à ses salariés.
Comprendre : stopper, écouter et regarder
- Ouverture : rester ouvert aux informations infirmant vos croyances
- Empathie : comprendre ce qu’attendent vos collaborateurs et ce qu’ils ressentent en période de tension
- Exploration : explorer de nouvelles idées et cherche des critiques constructives
De la Complexité à la Clarté
La complexité peut être contrecarrée par la clarté en donnant les vraies priorités et en évitant les activités sans valeur ajoutée. Pour Bob, la volonté d’être centré sur le client et de prendre en compte leurs commentaires peut éradiquer la complexité inutile. On retrouve ici un des éléments de la lettre aux actionnaires de Jeff Bbezos. Le monde VUCA apporte une énorme complexité chaque jour. Les organisations doivent donc veiller à ne pas créer des montagnes de complexité interne et à maintenir un engagement commun en faveur de la simplicité.
La clarté peut venir du réexamen et du redémarrage de vos schémas de réunion et de leur appropriation (pourquoi existe-t-elle et qui est responsable de sa qualité ?). L’une des principales possibilités de réduire la complexité et d’accroître la clarté concerne l’intégrité de vos informations internes et de vos données. Combien de versions de la « vérité » existent au sein de votre organisation ?
Clarté : donner du sens au chaos
- Simplification : simplifier la complexité en découpant en petite bouchée et chercher à toucher le fond du sujet comme Tim Urban dans Wait But Why
- Intuition : faire confiance à votre courage et votre expérience
- Holistique : pensez système en approchant les problèmes d’une perspective systémique
De l’Ambiguïté à l’Agilité
Enfin, toujours selon Bob, l’ambiguïté peut être contrée par l’Agilité ! Tarte à la crème me direz-vous. En changeant la cadence du métronome de la musique organisationnelle, on contribue à revigorer l’énergie pour détruire les marécages d’ambiguïté. Ces marécages que nous tolérons souvent en créant un cycle d’itération rapide pour faire réagir toute l’organisation. C’est ici que le modèle agile intervient en apportant une feuille de route pour développer l’agilité. Les organisations qui examinent, mesurent et renforcent les comportements de leadership et d’organisation font de leur AGILITÉ un avantage concurrentiel dans ce MONDE VUCA de plus en plus rapide. Bon, à priori, Bob vend des méthodes agiles.
Agilité : penser réseau plutôt qu’obéir à une hiérarchie
- Décision (decisiveness) : adaptez-vous rapidement aux changements de circonstances et prenez des décisions avec confiance en vous
- Innovation : Apprenez de vos erreurs et de celles des autres et continuer à chercher de nouvelles façons d’améliorer ce que vous faites
- Responsabilisation : valorisez votre réseau plutôt que la hiérarchie, collaborer plutôt que contrôler et faite confiance
Qu’en pensez-vous ? Convaincu ? Parce que sinon je peux aussi vous parler de LEAP pour Libéral, Exubérant, Agilité et Partenariat. Comme page 40 de ce PDF. Ou encore, de Joachim Funke qui différencie cinq aspects : Complexité, interconnexion, dynamique, transparence et polytélisme.
Non ? Vous êtes sur ?
MANAGEMENT DE VUCA AVEC L’AGILITÉ
Devenez une entreprise apprenante et agile
Impossible de parler de VUCA sans parler et parler d’agilité. Ce qui selon moi prouve l’ancienneté du concept de VUCA. Pour mémoire, l’émergence de l’agilité comme méthode et pratique managériale date des années 90.
L’agilité permet :
- d’anticiper les événements et de réagir rapidement
- Créer plus de souplesse pour se reconfigurer rapidement
- créer les conditions d’apparition d’opportunités

Agilité : les règles ne sont que des suggestions
Commençons par l’évident, l’agilité revient à identifier les incertitudes en train de devenir des transformations pour vous y adapter aussi vite que possible. Vous y adapter en terme de procédé, processus, valeurs, pratiques managériales, business model, bla bla, je ne vais pas vous faire toute la liste.
L’agilité, comme le changement, est déjà largement documenté. J’en ai même fait une formation Udemy sur le sujet en prenant l’angle du changement donc je ne vais pas y revenir.
Ce que je peux vous dire par contre, est que les approches liées à l’agilité sont devenus tellement complexes qu’il faudrait sans doute revenir vers un peu de simplicité. Et pour cela, je vous propose une approche en 4 étapes : hindsight, oversight, foresight et insight.
HINDSIGHT (Réflexion) – Qu’est ce qui n’a pas marché et pourquoi ?
Il s’agit de prendre du recul sur votre environnement (en terme de tendances technologiques, sociales, sociétales, etc.) pour en comprendre l’évolution. Il s’agit d’être un « maintenantologue » et pas un « futurologue ». Pour cela, vous devez rester ouvert à toute nouvelle information, même (surtout) celles qui infirment vos croyances. Vous avez compris que c’est pour vous éviter de tomber dans le biais de confirmation.
Une bonne façon de commencer est d’identifier vos échecs et d’en comprendre les raisons. Contrairement aux entreprises qui lancent des programmes dont on ne parle plus jamais, parce qu’ils ont échoué, vous devez les regarder en face et les utiliser plutôt que de les mettre sous le tapis. Une entreprise qui ne prend pas à bras-le-corps ses erreurs pour apprendre d’elles devient indécise et n’ose plus prendre de décisions. Il est essentiel que vous soyez capable d’identifier les raisons d’un échec, les leçons à en tirer et les moyens d’éviter qu’il ne se reproduise. Le recul est une chose merveilleuse, mais l’apprentissage l’est tout autant. Pour commencer par le commencement, vous pouvez déjà commencer avec le Premortem.
OVERSIGHT (Supervision) – Qui peut nous aider à éviter que cela se reproduise ?
En français, oversight signifie au choix : surveillance, supervision, soin ou gestion. Si l’étape précédente de l’hindsight se voit à l’extérieur de l’entreprise, l’oversight s’intéresse à l’intérieur. Oui, l’hindsight est le bifidus de l’agilité.
Pensez Renault ou Volkswagen, pensez Enron ou Lehman brothers. Dans ces entreprises, il y a eu des tromperies délibérées, planifiées et répréhensibles décidées par une petite poignée de dirigeant et couvertes par un plus nombre de managers. Concernant notre sujet, j’encourage les dirigeants à nommer ou à demander des volontaires pour disposer d’un groupe de réflexion de la capacité interne à changer et à s’adapter aux turbulences et ruptures. A l’image des « technology ambassadors » de P&G ou des « Black teams », « Shadow boards » et « groupes tendances » que je mets en place chez mes clients. Les premiers interagissent en ligne et dans l’anonymat pour proposer des solutions aux échecs de l’entreprise, les seconds font des propositions sur les décisions du board et les derniers sont chargé de repérer les tendances et de les faire intégrer à leur organisation (cf. étapes suivantes).
FORESIGHT (Exploration) – Et après ?
L’exploration est la capacité à imaginer ce qui est derrière l’horizon sans rester bloquer sur une vision de l’avenir. Nous en avons déjà parlé avec TUNA dans le chapitre précédent, cette difficulté ne doit pas faire oublier l’importance pour les entreprises de disposer d’une capacité d’anticipation.
Malheureusement, peu d’entreprises disposent d’une fonction combinant à la fois l’identification des tendances, la stratégie et la planification par scénario. Encore trop souvent, les stratégies restent figées de leur élaboration à leur mise en place (ou leur échec) sans prise en compte de l’évolution de l’environnement dans lequel elles ont été élaborés.
Les entreprises adaptées à VUCA savent rassembler des groupes de personnes volontaires, qui en plus de leur travail, collectent les tendances et les utilisent pour construire des scénarios qui servent de base à des actions possibles de l’entreprise.
INSIGHT (Action) – Que faisons nous maintenant ?
Le plus utilisé dans le monde des affaires. L’insight consiste à acquérir une compréhension profonde de quelque chose ou de quelqu’un pour prendre une décision tout en restant prêt à faire marche arrière si besoin.
L’insight peut être obtenu auprès de nombreuses sources, internes ou externes. Les entreprises peuvent acheter des données qui leur permettront d’identifier, d’interpréter et de mieux comprendre. Elles peuvent observer les clients pour identifier les comportements et les tendances. Elles peuvent organiser des groupes de discussion et mener des enquêtes. Malgré toutes les tentatives, de nombreuses entreprises d’aujourd’hui sont riches en données et peu perspicaces. Peu d’entre elles comprennent vraiment leurs clients et beaucoup se perdent dans un monde de grandes données et de lacs de données.
La connaissance n’a pas besoin d’être coûteuse. Les entreprises peuvent collecter des données et obtenir des informations avec relativement peu de frais généraux. Les superproductions auraient pu sauver leur entreprise en regardant les clients s’engager sur YouTube. En observant la volonté des consommateurs de diffuser des vidéos en continu, Blockbuster a peut-être accepté la fameuse offre de 50 millions de dollars de Netflix.
Les entreprises qui ont une forte capacité de discernement ont de bons chercheurs. Ils connaissent les réponses qu’ils doivent trouver. Ils posent le bon type de questions. Ils savent repérer le bruit et identifier les informations pertinentes et précieuses. Elles réalisent l’importance de publier des rapports dont le point de départ est « Et alors ?
Pour les grandes entreprises, il s’agit de disposer de ressources dédiées pour gérer les tâches de recherche et d’analyse. Elles ont tendance à gérer une équipe centrale qui gère la recherche quantitative et qualitative de manière globale. Ce faisant, elles peuvent trouver des joyaux cachés en croisant les résultats et les conclusions des recherches.
EN FINIR AVEC VUCA
Donc nous avons VUCA pour faire le constat. Nous avons TUNA pour tenter d’imaginer l’inimaginable. Et si maintenant, si nous prenions un selfie au bord d’une falaise pour nous poser une question. « Et si ne vivions plus dans un environnement VUCA ? » Pour rester dans les « Et si » : « Et s’il était possible de trouver un terme unique qui a du sens et qui pouvait regrouper plusieurs concepts ? Histoire d’éviter de se retrouver avec un autre Acronyme ?
Avec un nouveau paradigme, nous avons besoin d’un nouveau langage. Mettons de côté VUCA comme étant insuffisant. Il n’en reste que nous avons toujours besoin d’un cadre qui donne un sens au monde actuel et à ses conséquences sur notre activité. Un cadre qui nous permettrait d’illustrer l’ampleur des bouleversements en cours mais qui ne s’arrêterait pas à la description ou à l’explication. Il faudrai un cadre qui nous aide à réfléchir aux types de réponses à y apporter. Et ce de manière globale. Pas avec un peu de simplicité par là et un peu d’agilité par-ci.
Si ce cadre existait. Peu importe que ce soit un acronyme ou pas. Mais plutôt pas. Il servirait de plate-forme pour explorer de nouvelles formes de stratégies. Et bien sûr, de base pour une série d’articles. éh éh
Je fais faire court, car cette partie mérite son article à lui tout seul.
Bienvenue à l’ère de la vulnérabilité
Comme l’écrit Stephan Grabmeier, le monde VUCA a évolué et demande une nouvelle terminologie. Un nouveau langage pour expliquer ce monde qui change de phase. Même si le monde d’après la pandémie risque de ressembler au monde d’avant beaucoup de choses à changé. À commencer par la perception de la sécurité, de la liberté et du travail à la maison.
Pour trouver une nouvelle détermination, nous devons prendre en compte 4 éléments liés aux 4 lettres de l’acronyme VUCA
- Ce qui est Volatile et ne s’installe pas dans la durée est fragilité.
- Cette précarité fait que nous ne vivons dans un monde Incertain, mais un monde d’Anxiété permanente.
- Cette anxiété font que les événements sont non seulement complexes, mais en Rupture.
- Ainsi, ce qui était Ambigu hier est désormais paradoxal et Incompréhensible.
Si vous avez lu les 5 articles précédents à partir de celui-ci, vous devez vous y retrouver. En s’intéressant à la fragilité du monde, de l’économie, de l’environnement, de l’entreprise et de nos carrières, je crois que nous touchons à la finalité de VUCA. Et le premier qui parle de prendre un PARI a un gage.
J’aime beaucoup cette notion de fragilité. D’abord car elle évite de faire un parallèle trop précis à VUCA comme LEAP, VUCA PRIME OU TUNA. Ensuite, elle permet de poser un postulat : votre entreprise et notre planète sont fragiles. Que fait-on ? Le sujet n’est pas de trouver la dénomination la plus précise du monde actuel. Il n’y en a pas, nous vivons dans un monde qui ne sera jamais résolu, tout ce que nous pouvons faire est de courir après lui pour nous y adapter en acceptant d’avoir toujours du retard sur lui.
Cette fragilité se démontre par la précarité situationnelle, l’anxiété collective, les ruptures non-linéaires (pléonasme) et les paradoxes incompréhensibles ? C’est un cadre permettant d’illustrer nos environnements actuels. Des situations dans lesquelles la volatilité, complexité, incertitude et ambiguïté ne sont plus des filtres suffisants pour comprendre ce qu’il se passe.
La fragilité devient alors un moyen de mieux écouter l’état actuel du monde et, surtout, d’y répondre. Les changements VUCA que nous voyons se produire dans notre vie sont stressants à leur manière, mais nous les avons déjà compris et traités. Les bouleversements en cours (crise sanitaire) par contre, ne sont pas familiers. Ils sont surprenants et complètement déroutants. Les conditions ne sont plus instables, elles sont chaotiques et complètement imprévisibles dans un monde devenu incompréhensible.
CONCLUSION, MANAGEMENT DE VUCA
Nous voici arrivé à la fin de cette série d’article de présentation de VUCA. Pour conclure je vous propose 4 idées liés au management de VUCA que je vous propose de mettre en place dès que possible en attendant de voir si « la grande réinitialisation » se produit ou non.
Développer la curiosité de votre organisation et la créativité de vos collaborateurs
Chaque collaborateur doit être investi de la mission d’observer ce qu’il se passe dans son domaine dans et à l’extérieur de l’entreprise. Sortez les éléments créatifs de votre organisation de leur voie de garage et intégrez-les dans le courant dominant en leur donnant des responsabilités de développement de nouvelles offres. Ensuite, transcendez la concurrence pour former des partenariats non-conventionnels. Échangez proactivement vos connaissances et coopérez avec les parties prenantes internes et externes. Tout cela en éliminant tous les obstacles à la communication pour améliorer votre capacité à gérer l’inconnu. Sinon, ce serait trop facile.
Changer votre approche au risque
Vous devez valoriser l’audace et accepter les échecs et le faire savoir à vos équipes rapidement. Vous avez le plus à gagner si vous êtes le premier à tester de nouveaux business models dans votre secteur. Par contre si vous êtes le dernier à échouer après vos concurrents, vous avez un sérieux problème. Dans toutes les histoires d’entreprises établies qui ont été ruinées, de ToysRus à Banania en passant par les classiques comme Nokia et Kodak, ces entreprises ne l’ont pas été par manque de créativité. Elles l’on été parce qu’elles ont laissé d’autres entreprises s’installer sur leur territoire tout en pensant que leur forteresse serait suffisamment résistantes. Comme le dit Richard Girardot, lorsqu’il dirigeait Nespresso «Lorsque j’étais à Perrier, nous innovions parce que nous n’avions pas le choix, c’était une question de survie. Maintenant, à bord d’une entreprise qui a une progression à 2 chiffres, il est beaucoup plus difficile d’innover à cause de ce sentiment de confort et de sécurité.» Tout cela est une démarche construite qui s’appelle en anglais « self-disruption« .
Collaborer à 360°
Vous ne pouvez plus réfléchir en silo. Vous devez promouvoir la collaboration avec vos clients et l’altruisme entre vos salariés. Pour cela, transférez le pouvoir de reconnaissance des managers aux collaborateurs. Je vous donne la méthode que j’avais mis en place à Sydney : Chaque mois, chaque salarié disposait de 5 pièces virtuelles : partage, Innovation, Expertise, Collaboration et Ecoute. Ces 5 pièces sont remises à Zéro chaque mois mais pas pour ceux qui les récoltent et qui leur permettent de les transformer en badge (ça se faisait à l’époque) et en avantages non-financièrs comme des formations ou des jours de congés rémunérés.
Remettez en question et en cause votre management, le plus rapidement possible
Personne est immunisé contre VUCA et les ruptures qui l’accompagnent. Même l’état semble t’il. À vous d’avoir l’audace d’abandonner ce qui fonctionne pour expérimenter de nouveaux business qui n’ont pas encore fait leur preuve. Connaissez les règles, mais surtout, sachez pourquoi elles ont fonctionné dans le contexte où vous les connaissez afin de pouvoir les appliquer intelligemment dans de nouveaux contextes.
Enfin, ci-dessous, 10 questions, pour vous aider à juger votre capacité à répondre à VUCA au niveau organisationnel et managériale.
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Est-ce que vos collaborateurs connaissent le sens et les opportunités à tirer de VUCA ?
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Est-ce que votre organisation vit des événements qui peuvent être relié à VUCA ?
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Est-ce que votre entreprise manque de certaines compétences nécessaire pour faire face à VUCA ?
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Est-ce que vos collaborateurs ou la connaissance de VUCA, de ses limites et des outils et compétences à posséder ?
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Comment évaluez-vous votre préparation à VUCA de votre organisation ?
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Comment évaluez-vous votre préparation à VUCA de vos capacités managériales de management de VUCA ?
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Comment évaluez-vous votre rapidité de réponses à des changements imprévus ?
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Menez-vous des exercices de scenario planing ?
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Avez-vous des groupes de réflexion sur les concepts liés à VUCA comme la créativité, la complexité, etc. ?
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Est-ce que votre organisation est prête à utiliser VUCA comme une opportunité et pas comme un obstacle ?
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VUCA
VUCA et le management de l’Ambiguïté. Dans VUCA, l’ambiguïté ne revient pas à dire « peut-être bien que oui, peut-être bien que non » en faisant référence à l’ancienne loi normande donnant le droit à une personne ayant signé un marché de rectifier ou d’annuler le contrat dans les vingt-quatre heures de sa signature. L’ambiguïté se résumerait plutôt à dire « C’est sur que oui et c’est sur que non ». Voyons cela dans le détail.
Cet article est la suite de la partie 4/6 : VUCA et le management de la complexité.
VUCA – DEFINITION DE l’AMBIGUïTÉ
« L’ambiguïté décrit un type spécifique d’incertitude qui résulte de différences d’interprétation d’une information lorsque les indices contextuels sont insuffisants pour en clarifier le sens. Ironiquement, « ambiguïté » est un terme ambigu, dont la définition change subtilement en fonction du contexte de son utilisation. Pour nos besoins ici, il fait référence à la difficulté d’interpréter le sens lorsque le contexte est brouillé par des facteurs tels que la cécité culturelle, les biais cognitifs ou une perspective limitée. Au niveau stratégique, les dirigeants peuvent souvent légitimement interpréter les événements de plusieurs manières et la probabilité d’une mauvaise interprétation est élevée. »
Bon. Faisons le tri.
La définition donnée par VUCA nous précise que l’ambiguïté est un type d’incertitude dans lequel le contexte est mal compris en raison « d’indices contextuels insuffisants pour en clarifier le sens« . Prenons un exemple dans le domaine commercial en reprenant la fenêtre de Johari à la sauce Rumsfeld comme nous l’avons vu dans le chapitre sur l’incertitude. Ainsi, il est possible d’identifier des tendances claires qui peuvent vous aider à la prospection : la démographie de votre marché pour définir la demande potentielle de vos produits ou services, ou l’observation de vos clients actuels pour comprendre les comportements d’achats. Cependant, il existe une multitude d’autres facteurs (caractéristiques des technologies futures, l’élasticité de la demande, stratégies de vos concurrents) qui vous sont inconnus, mais qui pourraient devenir connus si une analyse correcte et approfondie de type « Design Thinking », entre autre exemple, était effectuée. Nous y voilà, l’incertitude qui subsistera après que vous ayez effectué la meilleure analyse possible, et rassemblé tous les chiffres que vous ayez pu trouver, cette « incertitude résiduelle » si vous voulez, pourrait vous mener, sous certaines conditions, à l’ambiguïté.
Mais c’est loin d’être suffisant ! Cette définition est, selon moi, celle qui a le plus mal vieilli. Il s’est passé tellement d’événements depuis sa conception et aujourd’hui (30 ans) que cette définition marque son âge. On ne peut plus dire qu’une ambiguïté est une sous-incertitude, ni qu’une ambiguïté provient d’une incompréhension du sens. Explication.
1 / Définition, de l’incertitude à l’ambiguïté
Déjà, il faut comprendre que l’ambiguïté ne doit pas être confondue avec l’incertitude !
- L’incertitude concerne ce qui n’est pas clairement ou précisément déterminé. C’est-à-dire ce qui n’est pas certain de se produire. Quelle sera la prochaine stratégie de notre concurrent ?
- L’ambiguïté concerne les choses qui peuvent avoir plusieurs significations. Ce sont des choses qui peuvent être comprises de deux ou plusieurs façons possibles. Pourquoi notre concurrent n’a toujours pas changé de stratégie alors que nous sommes en pleine pandémie ? Considère-t-il qu’il n’a pas besoin d’en changer. Est-ce qu’il ne sait pas quoi faire ? Ou les deux ?
L’incertitude est linéaire ; elle est élevée au début d’un changement (projet ou programme) lorsqu’il y a peu de données précises disponibles et que l’équipe doit faire des hypothèses, et des estimations. Au fur et à mesure que le processus de changement progresse et que des données précises deviennent disponibles, l’incertitude diminue au point qu’à la fin, il n’y a plus d’incertitude. En général, les gestionnaires de projet sont bien équipés pour faire face à l’incertitude.
L’ambiguïté est liée au nombre de choix qui s’offrent à vous lorsque vous prenez des décisions. Plus l’environnement est complexe, plus il y a d’interactions possibles et plus les choix sont nombreux. Au niveau technique, il est généralement possible de prendre des décisions rationnelles car, bien que les options techniques puissent rendre la décision compliquée, il existe un grand nombre de combinaisons possibles et, en général, les décideurs peuvent s’appuyer sur des données précises. Au niveau tactique par contre, les décisions concernent souvent des processus, et plus la complexité et les interactions possibles sont nombreuses, plus les choix peuvent être compliqués. Les décideurs doivent alors s’appuyer sur un ensemble d’outils décisionnels rationnels et intuitifs et s’en remettent souvent à des décisions de groupe pour obtenir de meilleures informations et faire adhérer à la décision. Oui, la collaboration et l’intelligence collective. Nous y revenons.
L’ambiguïté est donc liée à l’incertitude ET à la complexité. Plus les choix sont nombreux, plus l’ambiguïté peut-être importante. Dans un processus de changement, l’ambiguïté est cyclique : elle diminuera chaque fois que des décisions sont prises et elle réapparaîtra à mesure que de nouveaux problèmes apparaîtront. Ce qui explique pourquoi les gestionnaires de projets sont mal équipés pour faire face à l’ambiguïté car on leur demande traditionnellement de prendre des décisions rationnelles et de se concentrer sur les performances. L’ambiguïté exige une prise de décision intuitive et une attention particulière à l’apprentissage (sensemaking).
En 1980, Earl et Hopwood ont étudié la gestion des systèmes d’information pour ont développé un modèle d’approche décisionnelle des systèmes d’information dans différentes situations.

Earl, M. J., & Hopwood, A. G. (1980). From management information to information management. In Lucas, H.C.; Land, F.F.; Lincoln, T.J.; Supper, K. (eds.) The information systems environment. New York: North Holland Publishing.
Selon les auteurs, dans une situation de faible incertitude et de faible ambiguïté (cadran en bas à gauche), la prise de décision doit être rationnelle et analytique alors que dans une situation de forte incertitude et de forte ambiguïté (cadran en haut à gauche), la prise de décision est subjective (basée sur les valeurs des décideurs) et inspirée.
Dans une situation de faible incertitude et de forte ambiguïté (cadran en haut à gauche), où l’information est claire et disponible, mais où il y a désaccord sur les objectifs, la négociation et le compromis sont la voie à suivre. Il s’agit d’une situation où il y a souvent une démonstration de tactiques politiques ou de pouvoir.
Enfin, dans une situation de forte incertitude et de faible ambiguïté (cadran en bas à droite), typique des projets dont la portée est clairement définie, l’opinion, basée sur l’expertise du sujet, et l’hypothèse, basée sur la gestion et l’estimation des risques, sont la voie à suivre.
2 / VUCA et l’ambiguïté, un certain type d’incertitude
L’incertitude englobe tous les cas dans lesquels on ne peut pas décrire parfaitement l’état actuel ou futur du monde et peut être divisée en quatre grandes catégories : claire, alternative, possible et, enfin, ambiguïté.

Niveau 1 : un avenir clair, précis et connu
À ce niveau, les managers peuvent élaborer une stratégie unique qui repose sur une vision de l’avenir précise. L’incertitude résiduelle n’empêchera pas de prendre de décisions stratégiques.
Par exemple, si votre entreprise est confrontée à l’entrée d’un concurrent « start-up » qui propose une version digitalisée de votre offre. Vous pouvez facilement savoir ce qu’il va se passer : au mieux, vous allez perdre un segment de marché au pire vous allez perdre des clients pour avoir manqué « le virage digital ». Cela vous laisse avec plusieurs choix clairs. Ou vous rachetez la start-up, ou vous acquérez la même technologie pour la copier. Le choix est multiple mais clair.
Pour vous aider à générer des prévisions de niveau 1, vous pouvez utiliser le kit habituel des outils stratégiques standard : les études de marché, analyses des coûts et des capacités des concurrents, l’analyse de la chaîne de valeur, les cinq forces de Michael Porter, etc. Un modèle de flux de trésorerie actualisé qui intègre ces prédictions peut ensuite être utilisé pour déterminer la valeur de votre stratégie.
Niveau 2 : des futurs alternatifs
Au niveau des futurs alternatifs, une analyse ne pourra pas déterminer quel résultat se produira parmi plusieurs possibilités alternatives, bien qu’elle puisse aider à établir des probabilités. Si vous êtes confrontés à des changements réglementaires, législatifs ou concurrentiel. Vous êtes face à une incertitude de niveau 2. Pour l’exemple lié au changement législatif, imaginez être un restaurant ou un théâtre qui ne connait pas sa date de réouverture. Pour le changement législatif, si vous êtes une entreprise qui utilise une licence renouvelable ou le business model du « piggybacking ». Votre avenir dépend d’une stratégie qui n’est pas la vôtre. Imaginez que vous vendiez des accessoires pour iPhone, que vous utilisiez l’API de Twitter, que vous proposez des services complémentaires à Airbnb.
Ici, aucune analyse ne pourra vous aider au-delà de l’identification de scénarios possibles. Que ce soit en raison de la nouveauté de la situation, de la multitude de facteurs ou de la difficulté d’avoir des informations. C’est le cas par exemple de la stratégie de vos concurrents. Celle-ci ne peut pas être prédite avec clarté, mais uniquement scénarisée en fonction de plusieurs inconnues : quand vont-ils lancer une nouvelle itération de leur produit ?* Vont ils construire de nouvelles usines ? Vont-ils innover de façon incrémentale ou disruptive ? Après avoir établi un modèle d’évaluation approprié pour chaque résultat possible et déterminé la probabilité de chacun. Un cadre d’analyse décisionnelle classique peut être utilisé pour évaluer les risques et les rendements inhérents aux stratégies alternatives. Ce qui vous permettra d’identifier les scénarios alternatifs les plus probables et de proposer des scénarios de réponse.
*Si vous êtes un fabricant de téléphone, vous être en niveau 1. La raison est que vous savez que les dates de sorties sont toujours les mêmes d’une année sur l’autre.
Dans les situations de niveau 2, il est important non seulement d’identifier les différents résultats futurs possibles. Certes. Mais aussi de réfléchir aux chemins probables que l’industrie pourrait emprunter pour atteindre ces futurs alternatifs. Le changement, se fera-t-il par étapes majeures à un moment donné ? Ppar exemple à la suite d’une décision réglementaire ou de la décision d’un concurrent d’entrer sur le marché ? Ou le changement se produira-t-il de manière plus évolutive ? Comme c’est souvent le cas après la résolution de normes technologiques concurrentes ? Il s’agit là d’une information essentielle, car elle détermine les signaux du marché ou les variables de déclenchement qui doivent être surveillés de près. Au fur et à mesure que les événements se déroulent et que les probabilités des différents scénarios évoluent, les stratégies individuelles devront être adaptées à ces changements.
Niveau 3 : un ensemble de possibles
Au niveau 3, il n’y a plus de scénarios envisageables, que des possibles trop nombreux pour pouvoir se préparer à chacun d’entre eux. C’est typiquement le type d’incertitude que les entreprises peuvent rencontrer quand elles cherchent à entrer sur un nouveau marché. Prenons le cas d’une entreprise française de biens de consommation qui décide d’introduire ses produits sur le marché indien. La meilleure étude de marché possible ne pourrait identifier qu’un large éventail de clients potentiels – de 10 à 30 % – et il n’y aurait aucun scénario évident dans cette fourchette. Lors de l’introduction de produits et de services totalement nouveaux sur un marché, il sera très difficile de déterminer le niveau de la demande latente. L’entreprise qui se lance en Inde serait susceptible de suivre une stratégie d’entrée très différente et plus agressive. Notamment si elle connaissait son taux de pénétration avec certitude.
À un certain niveau, l’analyse du niveau 3 est très similaire à celle du niveau 2. Il faut identifier un ensemble de scénarios qui décrivent des résultats futurs alternatifs. L »analyse doit se concentrer sur les événements déclencheurs qui signalent que le marché se dirige vers l’un ou l’autre scénario. L’élaboration de scénarios probables est toutefois moins simple au niveau 3. Si les résultats possibles sont relativement faciles à élaborer, ils fournissent rarement des orientations concrètes pour les décisions stratégiques actuelles.
Décider quels résultats possibles doivent être pleinement développé en scénarios alternatifs est complexe, mais il existe quelques règles :
- Ne développez qu’un nombre limité de scénarios alternatifs – la complexité de jongler avec plus de quatre ou cinq scénarios tend à entraver la prise de décision.
- Éviter de développer des scénarios redondants qui n’ont pas d’implications uniques pour la prise de décision stratégique ; s’assurer que chaque scénario offre une image distincte de la structure, de la conduite et des performances de l’industrie.
- Élaborer un ensemble de scénarios qui tiennent compte collectivement de la gamme probable des résultats futurs et pas de toute la gamme de possible.
Niveau 4 : l’ambiguïté réelle
Enfin, les multiples dimensions de l’incertitude interagissent pour créer un environnement impossible à prévoir dans lequel tout et son contraire peuvent arriver en même temps. C’est le monde du ET que j’explique plus bas. Contrairement aux situations du niveau 3, la gamme des résultats potentiels ne peut pas être identifiée, et encore moins les scénarios s’y adaptant. Il pourrait même ne pas être possible d’identifier, et encore moins de prédire, toutes les variables pertinentes qui définiront l’avenir. Nous sommes dans le unkown-unknown le plus complet.
L’analyse de la situation au niveau 4 est encore plus qualitative. Néanmoins, il est essentiel d’éviter d’agir uniquement à l’instinct. Les managers doivent plutôt cataloguer ce qu’ils savent et ce qu’il est possible de savoir. Le plus important, surtout, est qu’ils n’arrêtent pas de chercher s’ils pensent avoir identifié une tendance claire. S’ils sont en incertitude de niveau 1, tout va bien, mais s’ils sont en niveau 4, ils risquent de passer à coté d’une tendance inverse ! Autre chose, ils ne doivent pas non plus s’arrêter après avoir trouvé une raison expliquant cette tendance !
Qu’elle se traduise en paradoxe, double contrainte ou dissonance, l’ambiguïté caractérise une incertitude qui est susceptible de recevoir plusieurs interprétations. Ainsi, par exemple. Si vous dites à quelqu’un « Vous aurez de la chance si vous arrivez à faire travailler Laurent pour vous ». On ne sait pas si Laurent est une star qui refusera de travailler pour vous, ou si c’est un gros fainéant.
L’ambiguïté est en queue de peloton de VUCA car avec l’incertitude, nous savons qu’un événement a « des chances » de subvenir. Avec l’ambiguïté par contre, cet événement a 100 % de chance d’arriver ET son contraire aussi. Nous sommes dans « peut-être bien que oui » ET « peut-être bien que non » ET « je ne suis pas sûr. » Une situation peut donc être incertaine mais pas ambiguë. La COVID-19, par exemple, est incertaine ET ambiguë, car vous pouvez en mourir ou ne pas en ressentir les effets. Après le référendum, le Brexit a été incertain pendant longtemps, mais pas ambiguë, car il s’agissait de savoir quand il allait subvenir et pas s’il allait subvenir.
3 / Une ambiguïté peut naître d’un contexte mal compris
Petit retour au texte de la définition d’origine. Celle-ci nous donne 3 effets pour expliquer cette incompréhension : cécité culturelle, biais cognitifs et perspective limitée.
La cécité culturelle
La cécité culturelle est le phénomène par lequel une personne est incapable de comprendre comment ses traditions et ses valeurs culturelles peuvent être perçues par des personnes d’une culture différente en raison d’une adhésion rigide aux vues, attitudes et valeurs de sa propre culture.
Cette cécité peut être involontaire par manque d’empathie, d’ouverture au monde ou parce que la perspective de sa propre culture est suffisamment restrictive pour qu’il soit difficile de voir des alternatives. Elle peut aussi être volontaire si la majorité pense que c’est le devoir de la minorité de s’adapter à la culture dominante et non l’inverse.
Les biais cognitifs
Les biais cognitifs conduisent toute personne à accorder des importances différentes à des faits de même nature et peuvent être repérés lorsque des paradoxes ou des erreurs apparaissent dans un raisonnement ou un jugement. L’étude des biais cognitifs fait l’objet de nombreux travaux en sciences cognitives. Le concept a été introduit au début des années 1970 par les psychologues Daniel Kahneman (prix Nobel en économie en 2002) et Amos Tversky pour expliquer certains comportements irrationnels dans le domaine économique.
Certains biais s’expliquent par une limitation de ressources qui force à utiliser des raccourcis cognitifs (ou heuristiques) et qui permettent de porter un jugement rapide qui peut être faux. D’autres biais reflètent l’intervention de facteurs motivationnels, émotionnels ou moraux ; par exemple, le désir de maintenir une image de soi positive ou d’éviter une dissonance cognitive (avoir deux croyances incompatibles) déplaisante.

Les biais cognitifs en français – John Manoogian – wikipedia
La perspective limitée
En résumé, nous avons une perspective limitée quand, par manque d’éducation, de curiosité et d’empathie une personne voit les choses, un problème ou le monde en fonction de ses intérêts propres. C’est voir midi à votre porte si vous aimez les expressions toutes faites. Pour simplifier la signification de l’ambiguïté, j’utilise le terme de « monde du ET » qui illustre que nous vivons dans un monde de contradictions et de paradoxes.
Dans ce monde, il est difficile de recruter, ET, il y a du chômage alors qu’auparavant il était difficile de recruter, OU, il y avait du chômage. Ce qui implique de nouvelles situations qui se caractérisent par de nouvelles stratégies, de nouveaux produits, de nouveaux marchés ou des innovations technologiques
Nous sommes désormais dans un monde de « ET » et plus dans un monde de « OU » :
- Il y a un niveau de chômage record, ET une pénurie de compétences.
On peut être salarié, ET avoir son business sur le coté grâce à ebay, airbnb ou etsy.
On peut-être connecté au monde, ET déconnecté de l’actualité.
On peut aimer son travail, son manager et son entreprise, ET être en recherche active d’emploi.
On peut être concurrents, ET collaborer dans le cadre de la coopétition.
LES AUTEURS DE L’AMBIGUÏTÉ
Le premier auteur de l’ambiguïté est incontestablement le philosophe Pierre Abélard. Avec le Sic (oui) et Nonqui dans son recueil de citations extraites des Pères de l’Église de 1122, a cherché à comprendre et répondre aux oppositions de leurs affirmations. Abélard propose ainsi une nouvelle forme de dialectique dans laquelle une même affirmation peut avoir plusieurs sens. L’idée d’Abélard était de provoquer l’intérêt et la réflexion de ses étudiants.

Nassim Nicholas Taleb
Plus récemment, l’auteur incontournable sur l’incertitude et l’ambiguïté est Nassim Taleb qui, dans son ouvrage incontournable « Black Swan », illustre le passage d’un monde de moyennes (que l’on trouve au centre d’une courbe gauss) à un monde d’extrêmes. Les extrémités de la même courbe. Il appelle le monde des moyennes, le Médiocristan et le monde des extrêmes…l’Extrêmistan. Mais vous aviez deviné.
Le Médiocristan est le monde de la routine, du normal et du prévisible. Dans ce monde, aucun événement ne peut modifier significativement la configuration générale des choses. Taleb illustre cette idée en prenant l’exemple du poids des êtres humains. La moyenne du poids d’un échantillon de mille personnes sera peu influencée par la présence dans cet échantillon de la personne la plus grosse du monde. Ceci parce que les êtres humains ont des poids qui restent en général similaires (de 45 à 110 kg environ). Même chose pour la consommation de calories. Sur une année, une consommation de calories excessive au cours d’une journée, représentera un faible apport au regard de la totalité des calories consommées en une année. Dans le domaine économique, un dentiste ou un boulanger, travaillent au Médiocristan. Ils ne deviendront pas riches du jour au lendemain : la croissance de leur revenu est régulière, évoluant en fonction de l’augmentation du nombre de ventes.
L’Extrêmistan par contre est le monde de l’incalculable, de l’accidentel et de l’invisible. C’est un monde dans lequel un événement extraordinaire peut modifier de manière significative, voire disproportionnée, la configuration générale des choses. Taleb illustre cette idée avec la vente de livre par auteur : 1% des auteurs multiplient les best-sellers (J.K. Rowling ou Michel Houellebecq) alors que 99 % ne vendront jamais un livre. En Extrêmistan, l’inégalité règne et « le gagnant prend tout » : la célébrité, le nombre de références sur Google, l’utilisation moyenne d’un mot du vocabulaire. Mais aussi la taille des planètes, des entreprises et des espèces ainsi que les taux d’inflation et les données économiques. En Extrêmistan, un seul événement peut dominer tout un phénomène.
David Wilkinson
Le second auteur, tout aussi incontournable, est David Wilkinson pour son ouvrage « the ambiguity advantage », non traduit en français, qui se penche plus concrètement sur les types d’ambiguïté et le rôle du manager.
Comme Taleb, Wilkinson divise le monde en deux :
- le monde d’hier, accroché au statu quo, aux modèles de gestion traditionnels, aux processus, aux procédures standards et à la sagesse conventionnelle.
- le monde actuel qu’il décrit comme ambigu, complexe, chaotique et en changement constant et des frontières floues qui demandent une prise de risque… Mais où va-t-il chercher tout ça ?
Pour lui, il y a 4 types d’ambiguïtés :
- Le Paradoxe, qui se produit lorsque deux ensembles de croyances entrent en collision. Par exemple, voler est mal, mais il était juste que Robin des Bois vole les riches pour donner aux pauvres. Tuer est mal, mais c’est normal en temps de guerre.
- La Double contrainte, qui est un dilemme (double bind en anglais) composé de deux informations contradictoires. Faites plus avec moins, créez un esprit d’équipe et personnalisez votre management. Soyez audacieux, mais dans le cadre de notre culture d’entreprise. Soyez créatifs, de 9h00 à 18h00. Pas de surprise que cette approche est été développée pour expliquer la schizophrénie.
- Le Chaos ou hasard, qui se produit après une catastrophe ou lorsque vous essayez de prévoir la réaction d’une foule. Dans le chaos, les choses bougent si vite que les schémas sont indiscernables et imprévisibles. La peur et la panique sont des réactions courantes de réponse au hasard. La gestion du chaos exige de la souplesse et de la créativité.
- La Complexité, qui est un peu moins folle que le chaos total, la complexité survient lorsque les schémas sont difficiles à discerner, et que les informations et les schémas sont confus. Les dirigeants réagissent souvent à la complexité en l’ignorant ou en imposant de l’ordre là où il n’y en a pas.
Ensuite, Wilkinson divise le rôle du manager en 4 modes managériaux. Je pense que ça date un peu, mais les voici :
Mode 1. Le leadership technique. Ces gestionnaires traditionnels du commandement et du contrôle ne sont pas de grands amateurs d’incertitude. Ils réagissent à l’ambiguïté en l’ignorant ou en la « filtrant » de leur esprit. Les dirigeants de Mode one sont certains d’être aux commandes et de posséder le sens de la gestion, alors que leurs subordonnés ne le sont pas.
Mode 2. Le leadership coopératif. Les dirigeants du mode deux veulent que leurs subordonnés se plient à leur volonté. Mais contrairement aux dirigeants du mode un, ils n’exercent pas le pouvoir comme un instrument contondant. Au contraire, ils s’efforcent de coopérer et de travailler en équipe, et recherchent activement la contribution des travailleurs. L’inconvénient du leadership coopératif est qu’il ne permet que rarement de prendre des décisions innovantes et risquées. La raison est que les dirigeants du « mode 2 » ne font qu’exprimer du bout des lèvres les réalités de l’ambiguïté et de la complexité.
Mode 3. Le leadership collaboratif. Contrairement aux deux modes précédents, les dirigeants du mode trois embrassent le conflit, le risque et l’échec. Ils reconnaissent que le conflit au sein de l’équipe est inévitable, et même que l’échec est inévitable, mais ils offrent une opportunité d’apprentissage précieuse. Les dirigeants du mode trois acceptent le changement, en particulier lorsque le statu quo ne fonctionne pas. Lorsque l’entreprise est en difficulté, ils cherchent des moyens créatifs de s’adapter.
Mode 4. Le leadership génératif. Alors que les modes un à trois existent sur un continuum, le mode quatre est un saut « sismique » dans les mentalités et les valeurs. Ces managers apprennent rapidement de nouvelles façons de penser et se débarrassent tout aussi rapidement des anciens modes de comportement. Ils gèrent habilement la complexité, acceptent les contradictions et ont tendance à ignorer les règles qui font obstacle à la réussite de leurs équipes. Pour les leaders du mode quatre, la supervision est rare, car ils attendent de leurs subordonnés qu’ils se supervisent eux-mêmes. Ils sont ouverts aux idées de chacun, quel que soit son rang ou sa position. Ce sont des visionnaires qui voient l’avenir et inspirent les autres à les aider à concrétiser leur vision. Les leaders du mode quatre sont rares – moins de 2 % des leaders correspondent à cette description.
VUCA ET L’ENTREPRISE FACE À L’AMBIGUÏTÉ
En management, l’ambiguïté est sans doute le concept le plus complexe. Oui, encore plus que la complexité en fait.
Les managers comprennent la volatilité et qu’il faut aller vite et ne pas attendre que son produit soit parfait avant de le présenter à ses clients (en mode MPV, pour ceux qui connaissent). Ils commencent aussi à s’habituer à l’incertitude, ce qui a été la grande leçon de la pandémie de 2020. Ils savent aussi maintenant qu’une trop grande planification peut être un obstacle à l’agilité. Et enfin, ils commencent même à s’adapter à la complexité en s’inspirant des pratiques de start-ups emblématiques dont les cultures reposent sur la collaboration.
Par contre, concernant le management de l’ambiguïté, ben…c’est pas gagné car l’ambiguïté apporte deux ingrédients que déteste tout gestionnaire : la confusion et la contradiction.
Confusion et contradiction sont dans un bateau.
La confusion
La confusion d’abord, tient du changement de posture du manager (de commandant à facilitateur, de manager à leader, etc.) et de ne pas savoir à l’avance les changements en cours, les dirigeants eux-mêmes navigant parfois à vue. Le manager devient lui-même victime de ce que les anglophones appellent le « ‘Management By Confusion ». Ce « MBC » est un style de management qui maintient volontairement son équipe dans le noir concernant leurs activités, n’établis pas clairement les responsabilités ni les rôles de chacun, distribue les informations au compte goûte et à la dernière minute. Et ce n’est pas fini. Il peut aussi changer les priorités plusieurs fois dans la même semaine, lancer un nouveau projet stratégique chaque mois ou propose à son équipe d’être force de proposition sans écouter personne.
Sauf que là, il ne s’agit pas d’un style de management issu d’un autre temps dans lequel, détenir l’information permettait de détenir le pouvoir ! C’est le monde qui ne donne pas toutes les informations, ou trop d’un coup, c’est le contexte économique qui change les priorités plusieurs fois dans la même semaine, c’est le dirigeant victime de la crise qui est obligé de lancer un nouveau projet stratégique chaque mois.
La contradiction
Concernant la contradiction, le manager ne sait plus choisir nettement les impératifs de son activité, car désormais, il ne s’agit plus de choisir, mais de prioriser et d’équilibrer plusieurs missions qui semblent incompatibles. Il se retrouve victime des syndromes du :
- saut en parachute : il est nommé manager sans recevoir de formation initiale ou régulière.
- manichéisme : il doit mener des complémentaires, mais opposées qui engendrent une multitude d’injonctions paradoxales comme créer un collectif et gérer les individualités, se conformer à une culture d’entreprise, mais encourager l’initiative, et, grand classique, faire plus avec moins. Il doit aussi faire preuve d’empathie et être obéi, être innovant mais conforme à la culture d’entreprise, et bien sûr, être stable dans le changement.
- mille-feuilles : il doit manager, ou nager plutôt, parmi les techniques managériales qu’il a glané dans le temps. Le souci est que lorsqu’un nouveau style de management apparaît, les autres ne disparaissent pas pour autant. Le manager se retrouve avec des pratiques d’un autre temps ou inadapté aux valeurs de l’entreprise.
Tout cela signifie plusieurs choses :
- qu’une contradiction n’est parfois plus une énigme à résoudre, mais peut-être une conclusion ! Quel sera le sort de l’Irlande ? Génération Y Et là on touche à mon avis à la vraie raison pour laquelle le sujet de la Génération Y a été aussi populaire en France. Pour une fois, les managers se retrouvaient face à des individus qui vivent toutes leurs contradictions qui sont à la fois connecté/déconnecté, dépendant/indépendant.
- que l’ambiguïté n’est pas le résultat d’un manque d’information, mais au contraire provenir d’un surplus d’informations.
- qu’on ne peut plus faire confiance à une seule source d’information ni à un seul point de vue.
La nouveauté
À la confusion et à la contradiction, je peux aussi ajouter la nouveauté ! Lorsque l’on rencontre une situation pour la première fois et qu’il n’y a pas de précédent sur lequel prendre une décision.
Cette absence d’expérience et d’informations empêche toute prédiction logique permettant de prendre un choix basé sur des chiffres. Ce qui oblige à utiliser ce que certains considèrent encore comme ridicules car, selon eux, pas professionnel : créativité, imagination et intuition.
Pour parler de mon expérience, je n’ai pas été le dernier à prendre cette confusion dans les gencives. Notamment, lorsque j’ai créé mon agence de recrutement et de conseil en engagement à Sydney ! Pour preuve : aucun client pendant plusieurs mois ! Jusqu’à ce que je rencontre le DRH d’un fabricant de produits électronique. Avoir écouté mon offre patiemment, celui-ci m’a dit une phrase dont je me souviendrai toute ma vie : » Tu apportes une bonne réponse à une mauvaise question ! »
WTF ?
J’ai mis un peu de temps à sortir de ma confusion pour comprendre la contradiction : il ne voulait pas de CV, basés sur des expériences passées, pour combler des chaises vides ! Il cherchait de futurs collaborateurs prêts à se remettre en cause et à soutenir les efforts d’innovation continue de sa culture d’entreprise. En d’autres mots, alors que je lui proposais des compétences, il me demandait quelque chose de bien plus ambigu (et volatile, incertain et complexe) à trouver : un état d’esprit !
Une meilleure clarté de l’orientation stratégique de l’organisation, et un alignement de cet objectif sur les attentes personnelles des employés peuvent aider les gens à mieux faire face aux défis imposés par l’ambiguïté.Les lacunes dans ces simples éléments de base peuvent être les plus grands obstacles à la croissance et au succès. Alors, à qui revient le rôle à apporter cette clarté ?
Si les employés souhaitent que le PDG leur parle de l’objectif et de l’orientation stratégique actuelle de l’organisation, ils ont besoin d’entendre leur supérieur hiérarchique leur expliquer précisément ce que cela signifie pour eux. Les responsables hiérarchiques sont les mieux placés pour communiquer plus fréquemment et de manière plus significative avec leur équipe. C’est la personne avec laquelle les employés ont une relation au quotidien, et les gens font confiance à ceux avec qui ils passent plus de temps. Les supérieurs hiérarchiques les plus efficaces alignent leur équipe sur les objectifs de l’organisation, en exprimant exactement ce que l’on attend des membres de l’équipe.
Les quatre sources d’ambiguïté
L’exemple ci-dessus illustre un seul des quatre types de situations ambiguës auxquelles vous serez confronté. Ces quatre types de situations ambiguës proviennent de quatre sources différentes :
1. Ambiguïté des objectifs
C’est l’une des sources d’ambiguïté les plus difficiles. C’est un fait que dans toute situation d’entreprise, il y a de multiples cibles et programmes. Il y a des objectifs fonctionnels et des objectifs politiques. Différentes personnes donnent la priorité à des objectifs qui découlent de l’impératif institutionnel (croissance) et des prédilections personnelles (promotion). Lorsque vous êtes dans les tranchées, l’ambiguïté, des objectifs peuvent être la principale cause du manque de clarté de la situation. Sortir de l’entreprise pour rencontrer des clients ou des experts est une façon de gérer cette situation, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Pour gérer l’ambiguïté des objectifs, vous devez acquérir des compétences en matière de réflexion stratégique.
2. Ambiguïté du modèle mental
C’est ce à quoi, j’ai été confronté dans la situation que j’ai évoquée précédemment. Il me manquait les modèles mentaux et la capacité d’absorption nécessaires à la prise de recul. Je copiais une offre de service sans avoir cherché à trouver une proposition de valeur différenciante. Cette prise de recul nécessitait un mélange de deux connaissances : le recrutement et les offres standards de mes concurrents. Je possédais la première, mais il me manquait la seconde. C’était la cause de l’ambiguïté pour moi.
3. Ambiguïté du motif
Le troisième type d’incertitude survient parce que vous ne connaissez pas les motivations des différents acteurs d’une situation. Un manque de clarté dans les motifs de vos parties prenantes, de vos collaborateurs à vos clients, peut entraîner une dissonance importante. Face à l’ambiguïté, des objectifs et des modèles mentaux, l’ambiguïté des motifs peut vous déborder.
4. Ambiguïté des résultats
C’est la situation dans laquelle les différents résultats possibles sont inconnues. Comme la vie quoi. De telles circonstances sont souvent associées à la peur. Une fois que la peur entre dans une situation ambiguë, la rationalité disparaît. Cela ne fait qu’empirer les choses !
En résumé, les quatre sources d’ambiguïté découlent de l’incapacité de prendre du recul et de regarder la situation dans son ensemble.
Comprendre les effets de l’ambiguïté sur l’environnement de l’entreprise
Intéressons-nous maintenant aux effets concrets de l’ambiguïté sur l’entreprise et ses parties prenantes telles que ses concurrents, clients et collaborateurs.

Concurrence
D’abord, la concurrence, comme l’environnement économique devient de plus en plus flou. Ce qui était possédé devient emprunté, ce qui était vendu peut-être donné, et l’ennemi d’hier peut devenir l’allié d’aujourd’hui. Si historiquement, les entreprises doivent analyser et prendre en compte les mouvements de leurs adversaires pour évoluer, elles peuvent aussi s’allier avec ceux-ci pour survivre (ce qui rassemble et permet de réaliser des économies d’échelle). Cette stratégie, dont on voit de plus en plus d’exemples, s’appelle la coopétition. Cette alliance concurrentielle de deux entreprises concurrentes peut avoir deux objectifs :
- la complémentarité de compétences : on parle alors de « complétition »
- la réduction des coûts : il s’agit alors de « collaborence »
Attentes clients
L’ambiguïté touche aussi les clients qui peuvent souhaiter des choses contradictoires. Ils peuvent par exemple attendre une expérience hyperpersonnalisée tout en réclamant une protection sans faille de leurs données. C’est ce que j’appelle le menu hamburger coca zéro. Ça ne suffira pas pour tenir un régime. De leur coté les entreprises ont toutes des business models parfois opposés qui sont destinés à plusieurs cibles de clients aux attentes différentes. Qui n’a pas une catégorie de client en attente d’éco-responsabilité et une autre qui s’en tamponne.
Talents
Un bouquin ne serait pas suffisant pour lister les ambiguïtés de la gestion des talents. De la capacité d’apprendre à « désapprendre » dont nous avons parlé. Mais cela va plus loin et se résume dans ce que l’on appelle « le paradoxe du talent ». C’est quand le fait d’être identifié comme un talent peut produire à la fois plus d’autonomie et en même temps la réduire si l’on vous « encourage » à rejoindre un programme directif de « haut potentiels ». Autre chose, à mi-chemin entre le recrutement et la formation, vous serez recruté pour ce que vous pouvez apporter aujourd’hui alors que ni vous, ni votre entreprise, ne sait ce que vous apporterez quand vos compétences et expérience sera devenue obsolète.
Technologie
Prenez n’importe quel produit technologique d’un certain prix. La première question qui vient à l’esprit n’est pas de trouver le même produit à moins cher, ou de se demander si vous avez vraiment besoin de cette voiture électrique ou tablette. La première question sera « maintenant ou plus tard » en raison des mises à jour de plus en plus rapides de ces produits. Sachant que pour une voiture, une mise à jour signifie plusieurs dizaines de kilomètres d’autonomie supplémentaire.
Parties prenantes
Comme je l’ai illustré avec les attentes contradictoires des clients, les parties prenantes peuvent aussi avoir des attentes contradictoires. L’exemple le plus connu a été la tentative de partenariat entre Motorola, Apple et AT&T de commercialiser un téléphone pouvant servir de baladeur : Le Rokr 1. Vous retrouviez ici de nombreuses ambiguïtés :
- Ambiguïté de moyens. Motorola n’a pas souhaité créer un nouveau téléphone. Ils ont repris un téléphone qui avait fait un flop 2 ans auparavant, le MTV phone.
- Ambiguïté d’objectifs. Alors que Motorola voulait baigner dans l’Aura d’Apple, Apple ne voulait pas se tirer une balle dans le pied en proposant un produit concurrent à l’ipod. Le Rokr 1 ne pouvait donc contenir que 100 chansons qui ne pouvaient être téléchargées que par Itunes. De son coté, AT&T demanda de vendre des sonneries à la place de Apple.
- Ambiguïté de stratégie. Steve Jobs ne croyait pas à ce téléphone mais en même temps ne voulait pas manquer une opportunité de vendre de la musique à un moment où Nokia et Orange pensaient lancer leur propre boutique en ligne de musique. Et aussi, il ne voulait pas se lancer sur le marché de la téléphonie.
Économie
En économie, l’aversion pour l’ambiguïté, ou biais cognitif de l’ambiguïté, est une préférence pour les risques connus par rapport aux risques inconnus. Un individu ayant une aversion pour l’ambiguïté préfère choisir une alternative où la distribution de probabilité des résultats est connue plutôt qu’une autre où les probabilités sont inconnues. Ce comportement a été introduit pour la première fois par le paradoxe d’Ellsberg (les gens préfèrent parier sur le résultat d’une urne avec 50 boules rouges et 50 boules bleues plutôt que de parier sur une urne avec 100 boules au total mais dont le nombre de boules bleues ou rouges est inconnu). Il existe alors deux catégories d’événements imparfaitement prévisibles entre lesquels il faut faire des choix : les événements risqués et les événements ambigus (également connus sous le nom d’incertitude de Knightian). L’aversion pour l’ambiguïté peut être utilisée pour expliquer les contrats incomplets, la volatilité des marchés boursiers et l’abstention sélective lors des élections…
VUCA ET LE MANAGEMENT DE L’AMBIGUITÉ
Le management de l’ambiguïté VUCA entre en conflit avec le management traditionnel basé sur la qualité totale et la maîtrise des risques et la prise de décisions claires et tranchées sur lesquelles il n’est plus possible de revenir. En réalité comme l’écrit Bezos, il faut prendre une mauvaise décision rapidement et sur laquelle on est prêt à revenir que mieux que prendre une bonne décision définitive trop tard.

Lettre aux actionnaires de Amazon de 2016 signé de J. Bezos
Faire face à l’ambiguïté signifie créer une culture où les employés ne se préoccupent pas des choses qui sont hors de leur contrôle, et se concentrent plutôt sur ce qu’ils peuvent contrôler. Et c’est là que les grands dirigeants apportent une valeur ajoutée – en créant un environnement qui permet à chaque employé de s’engager et de se concentrer sur une contribution significative, malgré l’incertitude. En période d’ambiguïté et d’incertitude, un leadership agile signifie comprendre son impact sur la main-d’œuvre et accepter que les gens ne soient pas à l’aise avec l’ambiguïté. Cela implique de faire preuve de confiance et de clarifier l’objectif de l’organisation, son orientation stratégique et ses valeurs, ainsi que les attentes des employés par rapport à leur rôle.
Les cadres hiérarchiques jouent un rôle important dans cette clarification, et les dirigeants doivent se débarrasser des formalités administratives inutiles et donner aux cadres hiérarchiques et aux employés les moyens de prendre les mesures nécessaires pour être agiles et tenir leurs promesses en dépit de l’ambiguïté.
Ce que l’ambiguïté de VUCA change pour le management

Ce qui est remis en cause
La certitude de savoir et la pensée logique et rationnelle. Avec l’ambiguïté de VUCA, nous entrons vraiment dans un nouveau mode de pensée. Le monde s’accélère. OK. Compréhensible. Le monde est plus incertain. OK. Déjà vu. Le monde est complexe. OK. Ce n’est pas nouveau. Par contre, le monde est ambigu. Là, il faut une explication pour éclaircir ce mot d’ambigu. Comme nous l’avons vu, ce mot a plusieurs significations dans le cadre de VUCA : une sous-catégorie de l’incertitude, un contexte mal compris ou une situation paradoxale. La plus grosse remise en cause est déjà de ne plus pouvoir se fier au sens d’un mot ou à une croyance acquise. Ce qui renforce le besoin de se remettre en question comme nous en avons déjà parlé dans le chapitre sur l’incertitude en ajoutant l’idée que même des événements complètements fous peuvent être vrai. Utilisez le hashtag #notgorafi pour vous en convaincre.
Réponse émotionnelle
La perte de repères face à des événements antinomiques mais pourtant concomitants. Tout et son contraire. Savez-vous qu’en France il y a plus de lecteurs mais moins de lecteurs ? Confinement et école. Assis en terrasse mais pas sur un banc…
Ce qui ne fonctionne plus
La qualité totale et la maîtrise des risques. Notamment les mots « totale » et « maîtrise ».
Ce qu’il faut arrêter
Penser tout savoir et considérer que toute connaissance est valable éternellement et que chaque problème à une seule solution. Nous n’en sommes plus à chercher l’unique solution. Très souvent, il faut trouver la moins pire.
Ce qu’il faut faire à la place
Embrasser l’ambiguïté signifie que vous devez encourager vos collaborateurs à suivre le courant face à l’inconnu, à accepter que leurs questions n’aient pas de réponse immédiatement claires et que le changement puisse entraîner une perte de repère. Oui, c’est bien plus facile à l’écrire qu’à vivre, car naviguer dans l’ambiguïté peut être une source de stress.
Ce qui demande de transformer ses croyances limitantes en croyances ressources.
Croyance limitante Croyance ressource
Colère : je supporte pas de ne pas pouvoir contrôler la situation —-> Il est normal de ne pas toujours avoir le contrôle
Peur : quelque chose de terrible va m’arriver —-> Que puis-je faire pour aque tu se passe bien ?
Stress : je ne vais pas y arriver —-> Je peux échouer car je suis en train d’apprendre
Les compétences managériales à développer
L’audace comme règle dans l’ambiguïté
Je ne vais pas m’étendre trop longtemps sur ce sujet qui mérite un article à part entière pour accompagner la conférence que je donne sur le sujet. Mais quand même. La capacité à gérer l’ambiguïté est l’une des principales qualités du leadership, car elle permet de faire face à des situations où les informations sont limitées et où les résultats sont incertains !
Parce qu’il n’y a pas d’environnement clairement défini. Parce les informations dont on dispose sont contradictoires. C’est ici qu’entre en scène l’audace managériale. L’audace managériale, c’est oser prendre des décisions sans avoir toutes les informations à sa disposition. C’est donc d’être ouvert à la possibilité que cette décision se conclue par un échec. Rappelez-vous le motto de Bezos dans sa lettre aux actionnaires « Mieux vaut une mauvaise décision rapide, qu’une bonne décision trop tard ». J’adore ces phrases toutes faites qui finalement ne peuvent s’appliquer qu’à une certaine situation dans une certaine culture d’entreprise. Passons.
Cette audace se démontre quand les managers et dirigeants font avancer leur équipe avec peu ou pas du tout d’orientation. Ils commencent par suivre leur expérience, ou leur intuition, avant de s’adapter constamment à mesure que les nouvelles informations deviennent disponibles. Ils savent aussi dès leur prise de décision qu’elle peut-être mauvaise. Ils sauront alors lâcher prise, et si c’est possible, faire demi-tour sans chercher à s’accrocher par fierté mal placée. Malheureusement, pour chaque leader audacieux, il y a autant de managers qui ne peuvent pas avancer tant qu’il persiste des lacunes. Ces managers se retrouvent alors paralysés et ne peuvent pas avancer tant que des informations complètes soient disponibles. Est-ce la raison pour laquelle je connais très peu de comptables leader ? Si vous en connaissez, partagez dans les commentaires.
Mais voilà, de nombreux biais cognitifs nous empêchent d’être audacieux face à l’ambiguïté :
- le biais d’autocomplaisance. La tendance à s’attribuer le mérite de ses réussites et à attribuer ses échecs à des facteurs extérieurs défavorables
- le biais rétrospectif. La tendance à surestimer, une fois un événement survenu, comment on le jugeait prévisible ou probable.
- le biais de conformisme. La tendance à penser et agir comme les autres le font.
- l’illusion de contrôle. La tendance à croire que nous avons plus de contrôle sur une situation que nous n’en avons réellement. Un exemple extrême est celui du recours aux objets porte-chance.
Ce ne sont pas les seuls, mais vous avez compris l’idée : être audacieux et faire face à une situation ambigeë n’est pas facile ni naturelle.
Être un manager audacieux en bref
1. Connaître la bonne façon de prendre des risques
On pense souvent que la prise de risques est la qualité déterminante d’un dirigeant audacieux, mais vous devez garder à l’esprit tous les facteurs associés à chaque risque, et ce n’est qu’alors que vous devez prendre une décision, que vous ayez décidé de continuer ou non.Une analyse approfondie avant de faire un pas en avant est cruciale et vous aidera à formuler des stratégies d’atténuation au cas où votre décision se retournerait contre vous. Tout le monde fait des erreurs, et il est donc toujours bon d’avoir une bonne stratégie de prévention.
2. Créer des champions pour la cause
Un leader qui préfère le style du loup solitaire est forcément inefficace. Si vous devez diriger des personnes de premier plan en tant qu’aspirant cadre de niveau C, vous devez être prêt à travailler avec d’autres et à les amener à votre cause. Pour les dirigeants en devenir, la nécessité de le faire est encore plus forte, car vous serez souvent le fer de lance du changement, et sans champions, vous serez certainement confronté à des obstacles et des blocages considérables en cours de route.
3. Rapprochez vos ennemis
Si vous lisez ces lignes, il y a de fortes chances que vous soyez un leader émergent ou que vous fassiez déjà partie d’une direction de haut niveau. Agir à partir d’une telle position, être audacieux signifie que vous êtes ou serez souvent le porteur du changement et que vous prendrez des risques pour le faire. Mais gardez à l’esprit qu’il y aura toujours des opposants qui réagiront ou s’opposeront à ce type de leadership. Ignorer ces grincements de roues sera préjudiciable ; la meilleure façon de les traiter est de s’engager et d’essayer de les convertir à votre cause. Ces personnes se révèlent souvent être des évangélistes dévoués à votre cause.
4. Évitez la complaisance
Avez-vous déjà entendu parler du syndrome de la grenouille bouillie ou de l’inertie active ? Dans les universités du monde entier, ce concept est enseigné dans les cours de niveau supérieur aux étudiants en administration des affaires. Il s’agit essentiellement de se contenter du rythme et de la façon de faire actuels lorsque tout semble être sur la bonne voie.
5. Donner une formation sur la résilience et la confiance.
Toute exposition à des scénarios qui permettent aux employés d’affiner leurs compétences leur permettra de faire leur travail plus efficacement. Un manque de confiance provoque des hésitations et conduit à l’ambiguïté. Cela génère à son tour une culture de manque de confiance.Se contenter de la façon dont les choses se passent peut faire du dirigeant une victime de l’inertie. En tant que dirigeant audacieux, vous ne devez jamais perdre cette étincelle qui pousse l’organisation à continuer d’avancer.
Gardez simplement à l’esprit que tout dirigeant peut être audacieux. Ce trait n’est pas réservé aux quelques élus qui sont nés avec du charisme. Le leadership audacieux est une compétence qui peut s’apprendre, se cultiver et se nourrir avec le temps, la pratique et surtout l’action !
Humilité et la confiance en soi
Avoir de l’audace managériale demande d’être conscient de ne pas avoir toutes les réponses et que l’on ne les aura jamais. Elle demande aussi de prévoir que l’on peut se tromper et qu’il sera peut-être nécessaire de faire marche arrière. En résumé, avoir de l’audace s’accompagne aussi d’une certaine confiance en soi pour se lancer et de beaucoup d’humilité pour se planter.
Accepter d’avancer sans avoir toutes les informations, quittes à se tromper et à revenir en arrière. C‘est de savoir dire « je ne sais pas » sans avoir peur de perdre son statut d’expert. C‘est de pouvoir dire « je me suis trompé » sans avoir peur de perdre en crédibilité. C‘est de savoir dire « J’ai échoué » sans avoir peur de se faire virer.
N’oubliez pas non plus qu’un des aspects du management de l’ambiguïté consiste à poser les questions qui délimitent la situation ambiguë à défaut de l’éclaircir. Vous devez être capable d’évaluer quelles informations sont pertinentes et comment exprimer votre question afin de les obtenir.
L’AMBIGUÏTÉ AU NIVEAU PERSONNEL
Ce monde VUCA de l’ambiguïté n’est pas simple à vivre d’un point de vue personnel mais au moins on peut s’y préparer. Et le meilleur moyen de s’y préparer est de mettre de son coté un maximum d’élément qui vous évitera d’être surpris lors que vous serez confrontés à deux événements paradoxaux.
Voici quelques idées pour nager dans l’ambiguïté avec facilité.
1. Développez votre humilité
Comme pour les managers, vous devez accepter de ne pas tout savoir, même dans le cadre de votre emploi. Imaginez que vous êtes en réunion, entouré de clients importants, lorsque quelqu’un vous pose directement une question inattendue. Toutes les têtes se tournent vers vous, dans l’attente d’une réponse précise. Si vous ne savez pas, pensez toujours à répondre : « Je ne sais pas…encore. » Ne faites pas comme moi, qui en tant que dirigeant se sentait pris de court dans cette situation. Je pensais alors que cela nuierai à ma crédibilité si je paraissais mal informé. Après tout, mes clients m’appellent pour les aider à trouver des réponses. Qu’allaient-ils penser si je n’en avais pas à leur en donner dans l’immédiat ?
Ici, vous touchez à un autre concept : la vulnérabilité. j’ai appris sur le tard qu’en acceptant d’être vulnérable, vous gagnez en confiance. Répondre que vous ne savez pas, mais que vous allez bientôt savoir, vous rend plus crédible, calme et serein face à l’incertitude. Soyons honnête : personne n’a toutes les réponses, même pas les experts. Surtout les experts en fait. Méfiez-vous plutôt de ceux qui vous disent toujours savoir et qui ont une réponse toute faite. Surtout chiffrée. L’effet Dunning-Kruger n’est peut-être pas loin.
2. Identifiez vos biais cognitifs du management de l’ambiguïté
On y revient.
L’ambiguïté agit sur les 3 types de biais cognitif :
- L’infobésité : la sur-information qui nous pousse à filtrer les informations les plus visibles au détriment des autres. Comme le biais d’attention qui nous pousse à ne voir que ce qui confirme ce que nous savons déjà.
- La confusion : le manque de sens qui nous pousse à chercher l’avis d’un expert qui saura nous aider. Comme le biais d’autorité, demandez à Milgram.
- La sélection : le choix des options les plus simples au détriment des informations complexe ou incertaines. Comme le biais d’ambiguïté dont nous avons déjà parlé plus haut.
Dans la liste de biais cognitifs, cochez ceux que vous pensez posséder et surveillez-les ! Avant de les combattre vous devez les connaître et rester vigilant.
3. Soyez plus audacieux
Quand on ne peut plus se servir du passé pour décider de l’avenir, il n’y qu’une seule chose : se risquer sur le bizarre. C’est une des leçons de VUCA.
Si vous croyez que l’intuition, l’imagination et la créativité n’ont pas de place en entreprise, je ne peux vous dire que vous êtes mal parti. L’ambiguïté demande d’être un minimum iconoclaste. Être un iconoclaste signifie :
- de ne pas avoir peur de poser des questions. Même les plus simples.
- d’être curieux de son environnement sans crainte.
- d’essayer des solutions qui n’ont jamais été testées ailleurs.
- de rallier autour de soi ceux qui ont le même état d’esprit.
Vous devez apporter un peu de chaos à votre structure. l est temps de punir les petites victoires sans vision et de récompenser les échecs ambitieux. Il est temps de devenir plus radical !
Allez de l’avant avec des innovations qui enfreignent les règles et qui permettent à votre organisation de se démarquer. Étudiez et remettez en question ce que font les autres. Pour cela vous avez plusieurs possibilités :
- Innovation continue : demandez à vos non clients pourquoi ils ne le sont pas
- Innovation adjacente : copiez ce qu’il se fait ailleurs selon le principe de la mimèsis ou cross-pollination
- Innovation disruptive : simplifiez ce qui peut l’être et mettez en cause votre business model
- innovation radicale : écoutez vos client et faites le contraire
Tirez les éléments créatifs de votre organisation hors des compartiments et intégrez-les dans le courant dominant. Transcendez l’évidence pour former des partenariats non-conventionnels. Échangez proactivement vos connaissances et coopérez avec les parties prenantes internes et externes, en éliminant tous les obstacles à la communication pour améliorer votre capacité à gérer l’inconnu.
3. Expérimentez votre management de l’ambiguïté
Pratiquez et encouragez l’expérimentation à tous quelque niveau que vous soyez. VUCA ou pas. Combattez le besoin naturel d’attendre la clarté et la stabilité. Prenez des risques calculés pendant que vos collègues hésitent. Trouvez un moyen créatif de transformer l’ambiguïté en avantage. Si vous êtes puni pour cela, vous n’êtres pas dans une entreprise qui se développera.
Pour cela vous pouvez apprendre la réflexion stratégique et la planification de scénarios. C’est une façon de penser qui peut vous aider à ignorer la plupart des encombrements du monde et à vous concentrer sur les quelques points essentiels. Très souvent, les collaborateurs se retrouvent coincés avec un seul résultat dans une situation donnée. Pourtant, il me semble que dans toute situation donnée, il existe de nombreuses issues possibles. Même si vous ne savez rien d’une situation, le simple fait de prendre du recul et envisager différentes issuespeut vous aider à réduire l’ambiguïté des résultats. La planification de scénarios peut souvent atténuer le sentiment d’accablement qui se dégage de l’ambiguïté de VUCA.
Voir la possibilité d’agir sans avoir tous les détails est un élément clé pour faire face à l’ambiguïté. Lorsqu’on vous présente une situation ou un problème à résoudre, il est rare qu’on vous donne tous les détails dès le départ. Il est essentiel d’éviter de se laisser paralyser par le manque de détails ou d’informations. Vous pourriez être en train d’attendre une information qui pourrait ne jamais arriver. Il est certain que vous ferez des erreurs en cours de route. C’est pourquoi il est important que vous soyez capable de prendre une décision en toute confiance sans avoir une vue d’ensemble. C’est la base du management de l’ambiguïté
Les situations ambiguës comportent souvent un élément d’incertitude et vous devez avoir confiance dans votre capacité à prendre une décision et à aller de l’avant. Lorsque vous êtes confiant dans votre capacité à faire de bons choix, vous vous évitez d’être paralysé par l’incapacité de prendre une décision. À un moment donné, vous ferez une erreur et il est important de comprendre que les erreurs font partie de l’apprentissage. Bien que les nouvelles situations et les changements puissent être intimidants, il est essentiel que vous soyez capable de dépasser la peur et de comprendre que la prise de risques est nécessaire à la croissance.
VUCA ET L’AMBIGUÏTÉ – CONCLUSION
L’ambiguïté est basée sur le rapport entre les attentes imprécises et des exigences paradoxales ou contradictoires de VUCA. Ne tombez pas dans le piège de vous arrêter en attendant que la situation se clarifie d’elle-même. C’est à vous de commencer à avancer dans le brouillard pour y trouver vos réponses dans le management de l’ambiguïté.
La réduction de l’ambiguïté sous VUCA est directement liée à votre capacité de prendre des décisions sans avoir toutes les informations nécessaires. Dans un environnement complexe, une demande d’informations supplémentaires, qui, dans un environnement simple, conduirait à une meilleure compréhension du problème, pourrait entraîner une complexité supplémentaire en confondant la question et en la rendant plus ambiguë ! Ce qui explique que les méthodes généralement utilisées pour réduire l’incertitude, comme la structure de répartition du travail, la planification et l’analyse des risques, ne peuvent pas être utilisées pour réduire l’ambiguïté.
Pour vous guider, vous et vos collaborateurs, comprenez le champ de l’ambiguïté qui vous entoure et ses défis qu’elle soulève. Ensuite, ayez suffisamment confiance en vous pour ne pas transmettre vos doutes, votre stress, voir votre anxiété, aux autres ! Si un manager doit reconnaître qu’il n’est pas possible de donner des informations claires sur tout, il sait que ne pas donner d’informations claires du tout n’est pas une option.
Vous devez également savoir clairement où votre entreprise se dirige à long terme. Parce que, oui, incertitude et ambiguïté ne peuvent pas vous empêcher d’avoir une vision. Une vision évolue et les chemins pour l’atteindre aussi.
Enfin, il y a deux choses qui ne doivent jamais être ambiguës dans le management de l’ambiguïté : vos valeurs, la traduction managériale de ces valeurs et les objectifs et priorités immédiates concernant vos collaborateurs. En d’autres mots, selon VUCA, chacun soit être formellement rassuré suer ce qui est important pour vous et ce qui est encouragé et découragé.
À vous de vous assurer que vos collaborateurs sachent répondre aux questions suivantes :
- Quelles sont les tâches essentielles à valeur ajoutée sur lesquelles je dois concentrer leurs efforts ?
- Quels sont les objectifs que je dois atteindre sur le court et moyen terme dans le monde VUCA ?
- De quoi suis-je spécifiquement responsables et non responsable ?
- Quels sont les comportements que je dois adopter ?
À suivre, la conclusion. Comment utiliser VUCA ? Partie 6/6 : VUCA et la transformation managériale.
VUCA
Il est devenu un cliché de dire que le monde devient de plus en plus complexe. Oui, l’accès accru à de vastes quantités d’informations, les médias sociaux et la connexion omniprésente donnent l’impression que la complexité de notre monde augmente plus vite que nous ne pouvons le comprendre.
La réalité est que le monde a toujours été un endroit complexe, et que les organisations humaines sont complexes depuis que l’humanité a commencé à former des groupes sociaux il y a des millénaires. Aucune technologie ne pourra réduire la complexité à laquelle vous et votre entreprise êtes confrontés. Mais comprendre le management de VUCA sous l’angle complexité et apprendre à l’utiliser à votre avantage vous aidera à l’exploiter.
C’est la raison pour laquelle je vous invite maintenant à entrer dans le monde de la complexité sous l’angle VUCA. Un sujet qui occupe les entreprises et leurs dirigeants depuis de nombreuses années, bien avant que l’on ne commence à parler de VUCA.
Cet article est la suite de la partie 3/6 : VUCA et le management de l’incertitude.
DÉFINITION DE LA COMPLEXITÉ DE VUCA
« Complexité : difficulté à comprendre les interactions de multiples parties ou facteurs et difficulté de prévoir les effets primaires et ultérieurs de la modification d’un ou de plusieurs facteurs dans un système ou des systèmes fortement interdépendants. La complexité diffère de l’incertitude. Bien qu’il soit possible de prévoir les résultats immédiats d’interactions uniques au sein d’un réseau plus large, les branches et les suites non-linéaires se multiplient si rapidement – et font double emploi avec les connexions précédentes – qu’elles submergent la plupart des processus d’évaluation. On pourrait dire que la complexité crée de l’incertitude en raison du volume même des interactions et des résultats possibles. »
Comme vous venez de le lire (si vous y êtes parvenu car il faut reconnaître que des 4 acronymes cette définition est la plus…complexe »), donner une définition précise de la complexité est illusoire. Pour démêler les concepts présentés dans cette définition, cherchons ensemble un peu de clarté en retenant le concept qui est autant répété dans la définition « officielle » que le mot complexité : interconnexion. Cette interconnexion explique qu’un changement minime peut avoir d’importantes conséquences dont les causes ne peuvent pas être identifiées. C’est-à-dire que notre environnement est devenu si interconnecté qu’il n’y a plus de relation de cause à effet facilement identifiable. La causalité, le rapport entre une cause et un effet, a été remplacée par des forces interconnectées difficiles à comprendre. Cette interconnexion rend tout événement infiniment plus complexe à comprendre et à prévoir et tout problème, et ses répercussions, plus difficiles à comprendre. Les décisions sont réduites à un enchevêtrement de réactions et de contre-réactions et il est presque impossible de choisir la bonne voie.
La complexité est un terme utilisé dans de nombreuses disciplines avec des nuances importantes. Un système est dit complexe lorsque son comportement ne peut pas être décrit seulement à partir de la connaissance de ses composants et de leurs interactions. Dans le cadre de VUCA, il n’y a pas de meilleur exemple que la crise du Covid-19 dont on peut identifier l’interconnexion des événements sans avoir pu les prévoir :
1. Les humains empiètent sur l’environnement naturel des animaux, ce qui augmente le risque d’infections inter-espèces.
2. La densité des populations urbaines facilite l’apparition de nouvelles maladies.
3. Les voyages internationaux accélèrent leur propagation à l’échelle mondiale.
4. Face à l’inconnu et la volatilité de l’épidémie, les gouvernements hésitent et répondent trop tard.
5. Avec le confinement, des entreprises ferment, les chaînes d’approvisionnement mondiales s’effondrent et le nombre de faillites explose.
6. L’activité économique est massivement perturbée, et les tensions sociales exacerbées.
7. Le confinement qui est la seule arme permettant de réduire la propagation du virus en attendant le vaccin entraîne un ras-le-bol généralisé poussant certains en détresse psychologique et à la désobéissance civile.
Cet exemple illustre les itérations de modèles simples, complexes, compliqués et chaotiques qui se retrouvent combinés par l’interconnexion. C’est d’ailleurs ici qu’habituellement arrive la distinction entre simple, complexe, compliqué et chaotique.
Complexe et compliqué, quel management ?
Pour aborder le sujet de la complexité en commencent par le petit bain, j’utilise la « matrice Cynefin » développée par Dave Snowden, un chercheur en capital intellectuel, qui deviendra en 2002 le directeur du centre IBM Cynefin de la complexité organisationnelle. Cette matrice propose aux managers de classer leur perception d’une situation rencontrée selon 4 domaines : Simple, Compliqué, complexe et Chaotique.
Simple (Known Known). Une solution pour un problème.
Dans ce contextes simple, vos options sont claires et les relations de cause à effet sont évidentes pour toutes les personnes concernées. Il y a une seule solution à trouver pour un problème et vous la connaissez sans doute déjà. Dans ce cas, il existe souvent des étapes explicites qui dictent la prochaine étape du processus. Par exemple, les problèmes rencontrés dans les services d’assistance ou les centres d’appel sont souvent prévisibles, et il existe des scripts et des processus pour les traiter.
Répondre à ce type de situation demande de « Sentir – Analyser – Réagir ». C’est à dire que vous devez évaluer la situation, catégoriser son type, puis fonder votre réponse sur les meilleures pratiques. Il y a souvent une réponse « correcte » établie, basée sur un processus ou une procédure existante.
Attention cependant au risque de simplification excessive des contextes évidents. Cela se produit souvent lorsque des dirigeants connaissent le succès et répètent la même solution encore et encore, s’enfermant dans une approche automatique de solution. Pour éviter cela, assurez-vous qu’il existe des canaux de communication clairs, afin que les membres de l’équipe puissent signaler toute situation qui ne correspond à aucune catégorie établie. Un autre danger est que les dirigeants peuvent ne pas être réceptifs aux nouvelles idées en raison d’expériences et de succès passés. Par exemple, certaines personnes pourraient automatiquement supposer que les solutions précédentes fonctionneront à nouveau. Pour surmonter cela, restez ouvert aux nouvelles idées et soyez prêt à poursuivre des suggestions innovantes.
Caractéristiques : Les problèmes sont bien compris et les solutions sont évidentes. La résolution des problèmes nécessite un minimum d’expertise. De nombreuses questions traitées par les services d’assistance entrent dans cette catégorie. Elles sont traitées par le biais de scripts pré-écrits.
Approche : Les problèmes sont ici bien connus. L’approche correcte consiste à détecter la situation, à la classer dans une catégorie connue et à appliquer une solution bien connue, et potentiellement scénarisée.
Compliqué (Known Unknowns). Plusieurs solutions pour un problème.
Il existe un rapport de causalité qui demande l’aide d’experts ou une analyse sérieuse pour être identifié. Les problèmes « compliqués » peuvent avoir plusieurs solutions « correctes ». Ici, il y a une relation claire entre la cause et l’effet, mais elle peut ne pas être visible pour tout le monde, parce que le problème est… compliqué.
Par exemple, un mécanisme de montre est compliqué, car il comprend des centaines de pièces agencées avec sophistication, mais le mouvement résultant est parfaitement anticipé et maîtrisé par son concepteur. Il peut être décrit à partir de la connaissance de ses composants et de leurs interactions que possèdent ceux qui l’on conçu. Il n’y a aucune surprise, toute interaction entre composants est connue, maîtrisée et voulue, et la façon dont les composants interagissent pour donner le résultat global est parfaitement connue elle aussi. Mais quelque soit l’état de la montre, un ingénieur sera toujours capable d’expliquer pourquoi telle pièce bouge de telle manière et à quel moment telle aiguille bougera d’un cran. Tout compliqué qu’il soit, le système est parfaitement déterminé. Le mouvement mis en œuvre mille fois donnera exactement le même résultat mille fois. Et ça marche aussi avec les planètes.
L’approche décisionnelle consiste ici à « Sentir – Analyser – Réagir ». En d’autres termes, vous devez évaluer la situation, analyser ce qui est connu (souvent avec l’aide d’experts), et décider de la meilleure réponse, en utilisant les bonnes pratiques.
Les dirigeants peuvent s’appuyer trop fortement sur des experts dans des situations compliquées, tout en écartant ou en négligeant les solutions créatives d’autres personnes. Pour surmonter ce problème, il faut réunir une équipe de personnes issues d’horizons très divers (y compris des rebelles, des iconoclastes et des dissidents comme dans le cas de l’innovation radicale) et utiliser des outils tels que la méthode de rédaction des fiches de Crawford pour s’assurer que les opinions de chacun sont entendues.
Caractéristiques : Vous avez une idée générale des inconnues connues et vous savez probablement à quelles questions vous devez répondre et comment obtenir les réponses. L’évaluation de la situation nécessite des connaissances d’expert pour déterminer la ligne de conduite appropriée. Si vous disposez de suffisamment de temps, vous pouvez raisonnablement identifier les risques connus et élaborer un plan relativement précis. Une expertise est nécessaire, mais le travail est évolutif / itératif et non révolutionnaire / radical.
Approche : Sentez le problème et l’analyser. Appliquez les connaissances d’experts pour évaluer la situation et déterminez une ligne de conduite avant d’exécuter un plan.
Complexe (Unknown Unknowns). Pas de bonne réponse.
Dans un système complexe, il peut être impossible d’identifier une solution « correcte », ou de repérer des relations de cause à effet. C’est le cas par exemple de la consommation de drogue: il y a des explications sociologiques, économiques, géopolitiques, etc. On peut multiplier les variables pertinentes à l’infini. Certains la voient comme un problème criminel, d’autres comme un problème de santé publique. Il est donc très difficile d’agir sur un système complexe. Le fait que la « guerre contre la drogue » menée par les pays occidentaux qui mobilise depuis 40 ans des moyens énormes, n’ait pas eu d’effet notable, en est la preuve.
Les contextes complexes sont souvent imprévisibles, et la meilleure approche consiste à « Sonder – Sentir – Répondre ». Plutôt que d’essayer de contrôler la situation ou d’insister sur un plan d’action, il est souvent préférable d’être patient, de rechercher des modèles et d’encourager l’émergence d’une solution par le groupe.Le groupe car la complexité ne s’affronte jamais seul. Il peut être utile de mener des expériences commerciales dans ces situations, et d’accepter l’échec comme faisant partie du processus d’apprentissage. Assurez-vous que vous avez mis en place des processus pour guider la réflexion de votre équipe – même un simple ensemble de règles peut conduire à de meilleures solutions que l’absence totale de conseils. En plus, Un système complexe ne reproduira jamais deux fois le même comportement : on ne peut pas rejouer le débarquement du 6 juin 1944 plusieurs fois pour prendre les bonnes photos.
Expliquer la complexité de VUCA revient à remarquer que l’analyse et la compréhension du monde deviennent difficiles en raison de l’interaction des informations qui peuvent être complémentaires, concurrentes et antagonistes. Oui, comme les infos sur Fox news ou BFM TV.
En d’autres mots, la complexité rend difficile la compréhension du monde et il est de plus en plus difficile de devenir un expert sur un sujet donné. Pour preuve, chaque concept lié à VUCA (volatilité, incertitude, etc.), vous trouverez de nombreux auteurs et experts comme ceux que je vous propose dans cette série d’article. Chaque concept étant, en lui-même, un puit sans fond ! Ce qui explique que vous ne trouverez pas d’expert VUCA spécialisé sur ce sujet dans sa globalité. Il faudrait y passer une vie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je limite mon champs d’investigation au management VUCA et au développement personnel dans le cadre de VUCA.
Caractéristiques : Il y a des inconnues – vous ne savez même pas quelles sont les bonnes questions à poser. Même commencer à comprendre le problème nécessite de l’expérimentation. La solution finale n’est apparente qu’une fois découverte. Rétrospectivement, cela semble évident, mais ce n’était pas le cas au départ. Quel que soit le temps que vous consacriez à l’analyse, il n’est pas possible d’identifier les risques ou de prévoir avec précision la solution ou l’effort nécessaire pour résoudre le problème.
Approche : Développez et expérimentez pour acquérir plus de connaissances. Exécuter et évaluer. Au fur et à mesure que vous accumulez des connaissances, déterminez les étapes suivantes. Répétez si nécessaire, avec pour objectif de faire passer votre problème dans le domaine « compliqué ».
Chaotique (Unknown Known). Pas de problème identifiable.
Dans les situations « chaotiques », il n’existe aucune relation de cause à effet, votre objectif premier est donc d’établir l’ordre et la stabilité. Ce que vous savez ne vous sert sans doute à rien et il n’y a que l’action et l’essai par l’erreur qui peut vous aider à savoir quoi faire pour transformer ce chaos en complexité. Il en découlera des solutions complètement nouvelles.
L’approche décisionnelle consiste ici à « Agir – Sentir – Réagir ». Vous devrez agir de manière décisive pour résoudre les problèmes les plus urgents, sentir où il y a de la stabilité et où il n’y en a pas, puis réagir pour faire passer la situation du chaos à la complexité.
Pour gérer avec succès des situations chaotiques, effectuez une analyse des risques afin d’identifier les risques possibles, établissez des priorités à l’aide d’un tableau d’impact des risques et des probabilités, et assurez-vous de disposer d’un plan de crise complet. Il est impossible de se préparer à toutes les situations, mais il est souvent utile de prévoir les risques identifiables. Il est essentiel de disposer d’informations fiables dans les situations incertaines et chaotiques, alors assurez-vous de savoir comment communiquer en cas de crise.
Caractéristiques : Comme son nom l’indique, c’est là que les choses deviennent un peu folles. Les choses ont déraillé et la priorité immédiate est de les contenir. Exemple : Défauts de production. Votre objectif initial est de corriger le problème et de le contenir. Votre solution initiale n’est peut-être pas la meilleure, mais tant qu’elle fonctionne, elle est suffisante. Une fois que vous avez arrêté l’hémorragie, vous pouvez prendre une respiration et déterminer une véritable solution.
Approche : Triage. Une fois que vous avez un certain contrôle, évaluez la situation et déterminez les prochaines étapes. Prenez des mesures pour remédier à la situation ou déplacez votre problème vers un autre domaine.
Une cinquième catégorie peut être ajoutée : désordonné
Cette catégorie concerne les événements qui peuvent être extrêmement difficile d’identifier. C’est le cas quand vous êtes dans une situation de « désordre ». Ici, il n’est pas évident de savoir lequel des quatre autres domaines est dominant, et le réflexe habituel est de s’en remettre à des techniques de prise de décision habituelles comme l’arbre ou la matrice de décision, la matrice d’Eisenhower (important / urgent) ou la méthode ABCDE pour ne citer que celles-ci. Dans ce cas, votre objectif premier est de recueillir plus d’informations, afin de pouvoir passer à un domaine connu et de prendre les mesures appropriées.
Caractéristiques : Si vous ne savez pas où vous êtes, vous êtes en « désordre ». La première priorité est de vous déplacer vers un domaine connu.
Approche : Rassemblez plus d’informations sur ce que vous savez ou identifiez ce que vous ne savez pas. Obtenez suffisamment d’informations pour passer à un domaine plus défini.

Le management de la complexité
Cette matrice s’accompagne d’un label de précaution : « Si vous pensez que tout est simple et ordonné et que vos succès passés vous rendent invulnérable aux échecs futurs, vous avez un gros problème ».
LES PRINCIPES DE LA COMPLEXITÉ
1 / L’augmentation du volume d’informations disponibles.
IL s’agit de la première source de complexité, de volatilité et d’incertitude des informations. D’où sa troisième position dans l’acronyme VUCA !
90 % des données disponibles sur les internets ont été créées depuis 2016 et 500 heures de vidéo sont téléchargées sur Youtube chaque minute (chiffre 2021). Ces exemples illustrent le fait que la complexité est issue de la volatilité. Imaginez mon désarroi quand j’ai souhaité m’attaquer à cette série sur le management de VUCA. Quelles infos choisir ? Quels exemples utiliser ? Quel curseur de complexité ? Quel niveau de détail ? Et puis, dois-je vous donner ici les exemples que j’utilise en conférence ou les garder pour mon audience qui assiste à mes conférences sur VUCA ?
2 / L’interaction ET l’interdépendance des informations.
Dans cette série d’articles, je traite chaque élément de l’acronyme VUCA (volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté) l’un après l’autre. Pourtant, chaque élément de VUCA est interconnecté et interdépendant. Ce qui rend simpliste de vous donner une définition par sujet au-delà de créer du contenu pour mon référencement. C’est pour cette même raison que les articles vous proposant une réponse unique pour chaque concept (volatilité = vision, complexité = simplicité, etc.) sont à coté de la plaque.
Interconnecté
Les concepts de VUCA sont mutuellement connectés dans le cadre d’un écosystème et une suite logique. Cette interconnexion (ou interaction plutôt) est l’action de l’influence réciproque qui peut s’exercer entre deux ou plusieurs objets, corps, phénomènes ou systèmes physiques. Elle peut en changer le comportement ou la nature. Exemples : les interactions médicamenteuses, les interactions moléculaires ou les interactions gravitationnelles. Au sens figuré, une interaction est l’influence réciproque de deux ou plusieurs personnes l’une sur l’autre.
En sociologie ou en psychologie, l’interaction sociale est l’influence réciproque de personnes ou de groupes de personnes entrés en contact au sein d’un système social. Les interactions sont des relations interpersonnelles verbales ou non-verbales (gestes, regards, attitudes…) qui provoquent une action en réponse chez l’interlocuteur, qui elle-même a un effet sur l’initiateur de la relation. Enlevez votre masque dans le métro en période de pandémie si vous voulez un exemple.
On peut distinguer les interactions :
- Positives : coopération, participation, collaboration, adaptation, intégration, émulation…
- Négatives : conflit, lutte, rivalité, ségrégation, discrimination…
- Ambivalentes : compétition et concurrence partielle, coopétition…
Interdépendant
Il y a ici une relation de dépendance et de cause à effet : si un élément change, tous les autres aussi. Par exemple, plus il y a de volatilité, plus un système change vite et plus il peut devenir rapidement complexe et imprévisible et donc…ambigüe. Et vice-versa ou le contraire. Cette interdépendance peut être séquentielle comme à Airbus, groupée comme chez Gap ou réciproque comme la crise des sub-primes. Mais là, je complexifie.
Ne pas confondre interdépendance et dépendance. La dépendance désigne les rapports qui lient certaines personnes, êtres vivants ou choses, et qui les rendent nécessaires les uns aux autres. C’est aussi un état de sujétion et de subordination. L’interdépendance, par contre, est une dépendance réciproque ou mutuelle. C’est l’état de personnes ou de choses qui dépendent les unes des autres.
Il y a plusieurs niveaux d’interdépendance :
- interdépendance structurelle : un événement économique touchant un pays affecte automatiquement l’évolution économique de l’autre pays.
- interdépendance des objectifs : la réalisation des objectifs de politique économique d’un pays dépend de la réalisation des objectifs de politique économique des autres pays.
- interdépendance des chocs exogènes : l’interdépendance des économies entraîne la transmission entre elles des chocs qui viennent les frapper.
- interdépendance stratégique : la politique économique optimale d’un pays dépend des mesures prises par l’autre pays.
3 / L’accumulation d’améliorations
A force d’améliorer un produit, un service ou un système nous le rendons plus complexe. Pensez Microsoft excel, Adobe Photoshop, le code général des impôts ou le droit du travail. La complexité est le principal danger qui menace toute entreprise dont les programmes d’innovation reposent trop lourdement sur l’innovation continue. En plus, cette stratégie laisse le flanc ouvert à une proposition de produit ou services plus simples et moins chers. Cf. Adobe à l’abonnement mensuel à vie contre Serif et sa suite d’outils à l’achat unique de 55€ pièce. Oui, cela s’appelle de la disruption. Merci de suivre.
La digitalisation des entreprises, avec le passages de tâches de RH aux managers et du service après-vente au commerciaux, en est une autre illustration. Selon l’étude d’IBM « Capitaliser sur la complexité« , 80 % des CEO pensent que la complexité va s’aggraver dans les 5 prochaines années alors que seulement 50 % se sentent prêt à l’affronter. C’est ce que l’on appelle en anglais le » Complexity gap « , le fossé de la complexité. Et oui, cette étude est pré-COVID-19. 80 % des dirigeants avaient raison, 50 % doivent très mal vivre la situation actuelle…
4 / Un changement constant
Ce sujet, qui nous relie à l’incertitude, s’appelle l’émergence, c’est-à-dire que lorsque de nombreux éléments interagissent, le résultat peut-être imprévisible. Comme l’écrira le Général McChrystal* dans ses mémoires « ‘Teams of teams » au sujet de VUCA sur le champ de bataille en Iraq : » Le monde nous a dépassé. Le temps qu’il nous a fallu pour établir un plan de bataille et le faire approuver, le champ de bataille pour lequel était préparé ce plan avait changé. Le temps que ce plan soit exécuté, il était devenu obsolète. »
*Personnage qui illustre parfaitement la notion de complexité et l’ambiguïté pour s’être fait virer après avoir insulté Biden ET déclaré qu’il voterait pour lui.
5 / Un changement même minime peut avoir des conséquences disproportionnées et imprévisibles
Il y a 7500 sites de rencontre dans le monde et 20 % des gens qui se sont mariés en 2017 se sont rencontré en ligne. Ils se marient plus rapidement que ceux qui se sont rencontrés « IRL » et tendent à moins divorcer. En même temps, les rencontres par internet ont fait augmenter les cas d’infections sexuellement transmissibles.
6 / La complexité est l’avenir de tout système simple
Comme la vie, d’unicellulaire à multicellulaire. Admettons que vous souhaitez commencer la course à pied. Vous allez utiliser les baskets que vous avez déjà et partir courir. Ce qui va arriver est que vous allez commencer à courir de plus en plus longtemps et à souffrir des pieds ou des genoux. Ou des deux, enfin des quatre. Vous allez donc acheter des chaussures adaptées, puis peut-être voir un médecin du sport ou un podologue qui vous prescrira des semelles spécifiques. La suite s’enchaînera logiquement : achat de vêtements plus adaptés puis du matériel connecté pour suivre votre performance. Si vous devenez vraiment accroc, vous allez adapter une alimentation particulière. Tout cela jusqu’à ce qu’un jour, vous décidiez de vous inscrire à une compétition. Vous retrouvez cette complexité même chez ceux qui sont connus pour simplifier leurs produits. Demandez à Apple.
LES AUTEURS DE LA COMPLEXITÉ
J’aurais évidemment pu commencer par James Gleick et de son ouvrage « Chaos : Making a new science », mais la complexité, dans le cadre de VUCA en tout cas, ne concerne pas le chaos.Comme nous l’avons déjà vu avec la matrice Cynefin, la complexité est le prélude au chaos, pas le chaos.

Le premier spécialiste de la complexité, que l’on site parfois sans le connaitre est Blaise Pascal. Celui-ci en décrit les enjeux. dans les quelques lignes, qu’il adresse à ses anciens maîtres jésuites le 4 décembre 1656 : » Mes Révérends Pères, mes lettres n’avaient pas accoutumé de se suivre de si près, ni d’être si étendues. Le peu de temps que j’ai eu a été cause de l’un et de l’autre. Je n’ai l’ait celle-ci plus longue que parce que je n’ai pas eu le loisir de la faire plus courte […]» En résumé, cette lettre est longue car je n’ai pas eu le temps de la faire courte. Parfaite illustration que la complexité est naturelle et que la simplicité est compliquée.
Edgar morin
Pour continuer dans le champ philosophique, c’est Edgar Morin qui, à partir des années 60, a commencé par expliquer que les situations complexes sont caractérisées par la coexistence de logiques différentes qu’il n’est pas possible de réduire sans en dénaturer le sens. C’est à dire que pour lui, décomposer un système complexes en systèmes plus simples risque de nous faire tomber dans la simplicité. Pour Edgar Morin, une situation complexe peut se décrire selon le principe de « dialogique* ». Cela signifie que deux ou plusieurs logiques différentes sont liées en une unité, de façon complexe (complémentaire, concurrente et antagoniste) sans que la dualité se perde dans l’unité. » Un exemple parmi d’autres : la science se conçoit sur des hypothèses et l’imagination mais requiert rationalité et validation.
* Je reste simple car il parle aussi de » récursivité « , selon lequel l’objet produit est producteur du sujet qui le produit. L’oeuf et la poule. Ce qui s’accorde bien avec les boucles de rétroaction positive des systèmes dynamiques non-linéaires, qui est inclus dans la contradiction dialectique cause/effet.
Voilà voilà.
Clayton Christensen
Pour une approche plus terre à terre et proche de la réalité de l’entreprise, je peux aussi citer Clayton Christensen, professeur d’administration des affaires à Harvard, qui dès 1997, avec sa théorie de l’innovation disruptive présentée dans son ouvrage « The innovator dilemma ». Il y explique que les entreprises établies (qu’il appelle « incumbents ») doivent être vigilantes face à la montée en complexité de leurs offre qui les fait devenir vulnérable à des « innovateurs » qui utilisent les nouvelles technologies pour simplifier le produit. Ces innovateurs deviennent alors capables de proposer aux mêmes clients les fonctionnalités dont ils ont vraiment besoin au meilleur prix. Luminar face à Photoshop, Uber contre les taxis, etc.
Je m’arrête là pour la liste des auteurs sur la complexité qui intéressent les managers, mais évidemment, j’aurais pu aussi citer Emery et Trist (1965) qui parlent de « turbulence », Rittel et Webber (1973) et leurs « sacrés problèmes », Mitroff et Emshoff (1979) et leur « mal structuré » ou Ackoff (1979) qui écrit longuement sur le « désordonné (messy) » pour décrire des aspects de situations que l’on appellerait probablement une situation de complexité dans le cadre de VUCA.
Quand je vous dit que la complexité est facile…
VUCA ET L’ENTREPRISE FACE À LA COMPLEXITÉ
Bien qu’il soit désormais admis que la complexité rend les choses difficiles à comprendre, à prioriser et à mener à bien, peu de dirigeants ont une compréhension réaliste de la manière dont la complexité affecte réellement leur entreprise. Les dirigeants utilisent rarement les mots « gérer la complexité » lorsqu’ils décrivent le défi que représente l’amélioration des performances opérationnelles de leur organisation. Au contraire, ils s’efforcent de faire face aux symptômes de la complexité, c’est-à-dire aux problèmes qui sont apparus au fil du temps à la suite de décisions, de politiques et de pratiques commerciales !
Parlez complexité à un dirigeant et il vous donnera l’évident : les lois qui s’additionnent, l’accroissement du nombre de pays dans lesquels son entreprise opère, ou encore le fait de devoir développer son chiffre d’affaires tout en ayant une partie de son personnel en télétravail et un nombre de clients qui diminue en raison de l’effet de la crise liée au Coronavirus.
En revanche, moins de dirigeants considèrent les formes de complexité auxquelles leurs collaborateurs sont confrontés, comme le fait de devoir faire un travail de qualité avec des processus obsolètes, des définitions de rôles confuses, des responsabilités peu claires, un manager en perte de repère sur leur dos à coup de réunion Zoom, et, grand classique, une absence totale de formation à VUCA en général et à la complexité en particulier. Il ne s’agit pas d’une différence de perception insignifiante, car un tel décalage entre la perception macro de la complexité au détriment de la complexité individuelle peut conduire à des dommages organisationnels et une destruction systématique de l’engagement. En résumé, si vous n’avez pas encore compris : ça coûte cher !
Mais avant de nous intéresser aux opportunités de la complexité et aux actions individuelles à mener pour s’épanouir dans la complexité, je vous propose de nous intéresser d’abord aux effets généraux de celle-ci sur l’entreprise.
Comprendre le changement de l’environnement de l’entreprise
Intéressons-nous maintenant aux effets concrets de la complexité sur l’entreprise et ses parties prenantes telles que ses concurrents, clients et collaborateurs.

Concurrence
D’abord, la concurrence devient de plus en plus nombreuse à cause de la plus grande facilité d’accès à de nombreux marchés (comme le permet par exemple le « no code ») qui a pris le relais de la mondialisation qui a pris un coup dans l’aile depuis le début de la pandémie du Coronavirus. Ensuite, d’anciens collaborateurs peuvent devenir des concurrents si leur clause de non-concurrence le permet ou a été mal rédigée. Et pour finir, d’anciens concurrents peuvent dans le cadre d’un partenariat ou d’un accord de coopétition, devenir des alliés.
Attentes clients
La complexité touche aussi les clients. Même si les outils et méthodes de prévisions et d’analyses des attentes clients, mêlant IA et psychologies se développent à grand train, les segments clients se réduisent toujours d’avantage, rendant de plus en plus complexe la réponse à leurs attentes. Je pense aussi à la « psychographie » qui a fait parler d’elle au moment de l’affaire Cambridge Analytica qui a tenté et aurait réussi à influencer les votes en remplaçant l’approche démographique par une segmentation des « états d’esprit ».
Talents
Je ne vais pas revenir sur les différences entre compétence, talent et appétences, le sujet étant la complexité des actions qui sont demandées aux collaborateurs EN PLUS de faire leur travail : se ternir au courant des développements technologiques de leur secteur, prendre certaines initiatives dans le cadre défini par leur hiérarchie, faire des propositions d’améliorations continues des processus qui les concernent, participer à des groupes de travail transversaux, donner leur avis lors de concertations, se former d’eux-mêmes en distanciel pour rester au top de leur employabilité, développer des réseaux d’expertises pour se tenir à jour des transformations en cours et retrouver un emploi « aucazoù ».
Technologie
L’étude de la technologie est en soi une question complexe. Pour commencer, parce que contrairement aux espèces biologiques, les technologies ne sont pas données dans la nature, mais des constructions faites par l’homme. C’est-à-dire que les technologies co-évoluent avec la société et les cultures de celle-ci. Ce qui explique qu’il y a une multitude d’angles possibles pour comprendre les technologies : l’économie, la sociologie des sciences, les sciences, les usages, les cultures, etc. La combinaison de ces perspectives montre clairement la complexité du sujet.
Ensuite, les technologies sont en constante évolution. Ce qui explique que leurs définitions et les perspectives changent avec le temps. Exemple facile, il y a 15 ans un réseau social était un réseau physique de personnes que vous connaissiez de prêt ou de loin. Aujourd’hui, il s’agit d’un service permettant de mettre en relation des personnes et des communautés.
Parties prenantes
Il s’agit du B.a.-ba de la conduite du changement et du management. de projet (et vice-versa). Immédiatement après avoir été affecté à un projet par un sponsor, tout gestionnaire de projet doit faire face à la complexité : entrer en contact avec les parties prenantes et établir une relation avec chacune des personnes impliquées dans le projet. Mais voilà, jusqu’où aller ? La nécessité de faire face à des scénarios complexes caractérisés par un nombre énorme de variables, dont les relations sont non linéaires, rend de plus en plus difficile la capacité de médiation entre différents intérêts.
Économie
L’économie sert de voiture balai pour conclure sur ce thème : la mondialisation, le haut débit, les exigences réglementaires et la technologie sont autant de raisons qui expliquent la complexité croissante des entreprises dont les décisions impliquent davantage de parties prenantes. L’une des principales sources de complexité économique est la prolifération des produits, des canaux de distribution, des prix, des segments de clientèle et des lieux de vente et de production.
En cherchant à améliorer les caractéristiques d’un produit, comme les conditions de vente, les entreprises ajoutent un nouveau produit alors qu’elles ne disposent pas d’une organisation adaptée au changement volatile, c’est-à-dire structuré, modulaire et hiérarchique). Ce qui ne permet pas de faire la différence entre un nouveau produit, une variante de produit existante, une nouvelle caractéristique de produit, ni de faciliter la rationalisation de la gamme. Du point de vue des ventes, cela peut compromettre l’efficacité, car la force de vente doit s’attaquer à une myriade de nouveaux produits et de systèmes de tarification, et le service de formation fait des pieds et des mains pour concevoir le programme d’études approprié.
Du point de vue des opérations, chaque nouveau produit ou variante implique son propre ensemble de règles commerciales. La gestion efficace de ces règles est un défi, car les systèmes associés ne sont pas assez souples pour soutenir les nouvelles exigences d’une manière standardisée. En conséquence, les systèmes doivent être fortement modifiés et les processus qui les entourent sont de plus en plus personnalisés et cloisonnés. Cette dynamique de produit se traduit par un coût de complexité plus élevé que ne justifie pas la valeur pour le client et le coût des ventes.
Identifier les opportunités du management de la complexité
La complexité, comme l’incertitude et la volatilité avant elle peut-être une source d’opportunités et un avantage concurrentiel si vous êtes capable de la considérer comme telle !
Exemple pas pris au hasard, vous avez noté que depuis quelques années, nous faisons face à la montée de la complexité du changement culturel et intergénérationnel. Auparavant, vous pouviez segmenter vos collaborateurs en fonction de leur ancienneté avec une règle assez simple : X années d’ancienneté = X avantages. Aujourd’hui, vous avez des millennials, des Génération X, des Générations Y et toujours quelques boomers ici et là. Chacun de ces groupes ayant ses spécificités culturelles plus ou moins distinctes, mais surtout des valeurs, une culture et des attentes qui ne correspondent pas forcément ni à leur âge ni à leur ancienneté. Certains allant même se rebeller contre des avantages qui leur sont proposé, comme des CDI ou des rôles divers et variés dans des groupes de travail.
L’opportunité qui se cache derrière ce changement culturel complexe est d’améliorer l’alignement de l’entreprise avec les demandes de ses clients grâce à cette démographie qui reflète sa communauté de clients. La diversité culturelle de votre main-d’œuvre (et en ne la réduisant pas en cohortes de classes d’âges !) sera alors un moteur d’innovation car chaque groupe pourra vous apporter sa vision sur les nouveaux modèles d’affaires, produits et services. Ainsi, la composition culturelle de votre masse salariale apporte, certes, de la complexité managériale mais elle aussi un moteur de l’innovation.
1 / Ouvrez-vous au danger de l’obsolescence
Ne cherchez pas à prévoir l’avenir ou protéger votre organisation des disruptions. Mettez en place une organisation moins hiérarchique dans laquelle les responsabilités sont partagées et dans laquelle l’innovation est démocratisée. C’est-à-dire que chaque personne ayant une idée valant la peine d’être poursuivie doit être reconnu pour celle-ci et impliquée dans sa mise en place. Pour la pratique, vous pourriez rassembler une équipe «Black team» composée de personnes d’âges, de niveaux de responsabilités et anciennetés différentes qui seront chargées d’identifier et expérimenter des business models qui pourraient être dangereux pour vous si une autre entreprise la mette en place à votre place.
2 / Impliquez vos clients dans le système
L’intelligence collective – sujet ô combien à la mode – ne concerne pas que les salariés participants à un brainstorming ! Sortez de la logique fournisseur/acheteur. Vous vous doutez bien que si votre environnement est complexe, il ne l’est autant que celui de vos clients et fournisseurs. Faites preuves d’empathie et de curiosité, utilisez les méthodes de créativité et les techniques de Design Thinking et impliquez d’avantage vos clients et fournisseurs pour les aider à vous aider.
3 / Regardez l’échec droit dans les yeux.
Je me répète mais utilisez le Premortem (exercice de projection de l’échec). Je vous laisse regarder la vidéo si ce n’est pas déjà fait. L’objectif du Premortem est de maximiser les chances de réussite d’un projet en identifiant ses failles potentielles, les risques probables de défaillance, les points de vigilance et les corrections préventives à lui apporter.
4/ Simplifiez votre offre et retirez plutôt que d’ajouter
Les économies, les entreprises, les sociétés et les gouvernements de plus en plus interconnectés ont donné naissance à de nouvelles et vastes opportunités. Cela même alors que les clients rejettent les produits trop complexes. Pour maintenir leur succès, les entreprises doivent adopter la philosophie de produits moins nombreux, plus simples, conçus pour être livrés à faible coût et faciles à consommer. Oui, encore cette foutue disruption. C’est la fin du « plus c’est mieux » et il s’agit d’un changement majeur dans le sentiment des clients par rapport aux moteurs de la rentabilité au cours des 15 dernières années, et l’adaptation ne sera pas culturellement facile pour la plupart des entreprises mais le champ des opportunités est fabuleux !
Selon simplicityindex.com, les marques les plus simples ont des résultats 800 % supérieurs comparés à leur concurrentes. 55 % de leurs clients sont prêt à payer plus pour une expérience plus simple et 64% sont prêt à recommander une marque qui fournit une communication plus simple.
Le top 3 de cet index : Netflix, Aldi et Google. Alors qu’il y a t’il de complexe et inutile que vous pourriez enlever, réduire ou supprimer ? Pour y arriver vous pouvez âr exemple utiliser la méthode SCAMPER : S pour Substituer, C pour Combiner, A pour Adapter, M pour Modifier et Magnifier, P pour Produire, E pour Eliminer et R pour Renverser et Réorganiser.
Ces principes peuvent être difficiles à mettre en œuvre, car ils sont souvent en contradiction avec la pensée managériale habituelle basée sur la simplicité des ordres données et des actions menées. De plus, la quête de simplicité nourrit la logique bien connue de maximisation de la valeur à court terme pour l’actionnaire peut être en contradiction avec la survie et la prospérité à long terme de l’entreprise, ce qui nécessite au contraire un management de la complexité plus systémique.
VUCA ET LE MANAGEMENT DE LA COMPLEXITÉ
Ce qui est remis en cause
Se retrouver confronté à tous les changements VUCA (ou en prendre conscience) en même temps, peut décontenancer ou effrayer. Si votre culture a favorisé jusqu’ici la compétition individuelle, la chute va être dure car ce nouveau monde ou « nouveau normal » ne peut pas être affronté seul. Seulement la volonté de collaborer de bonne volonté vous permettra d’y survivre. Pour vous rassurer : de jeunes entrepreneurs de 25 ans ont déjà peur de se retrouver perdu face à la complexité alors si à 50 vous ressentez la même chose, cela ne signifie pas que vous devenez « has been ». Bien au contraire ! Cela signifie que vous êtes parfaitement en phase avec ce qu’il se passe actuellement !
Réponse émotionnelle
Conséquence logique de se sentir devenir obsolète : le découragement. De nouveau, la force se trouve dans le nombre ! Votre rôle de manager est de devenir un connecteur et d’aider vos collaborateurs et vous-même à créer des connexions au sein de votre équipe, dans l’ensemble de votre entreprise et dans votre écosystème. Inspirez-vous du P&G ventures studio et des communautés de IBM.
Ce qui ne fonctionne plus
Le management de la complexité VUCA entre en conflit avec le management traditionnel basé sur la centralisation du pouvoir et la division du travail. Le monde ne peut plus faire sens à une personne seule. Ce qui signifie que la réponse à la complexité n’est pas la simplicité, mais la collaboration ! Plus vous impliquez de personnes dans la solution, moins le problème devient effrayant.
Ce qu’il faut arrêter
Le manager n’est plus omniscient. Vous ne l’avez jamais été. Désormais prétendre l’être est le meilleur moyen de passer pour le « bozo » de service. Vous devez devenir confortable avec vos limites et prendre possession de votre « Unknown » dont je vous parle depuis le début de cette série d’articles. Quittez un moment votre job de manager pour entrer dans le rôle de Leader. Ne soyez plus contrôleur du travail des autres mais sentez le monde qui vous entoure, comprenez les opportunités qui s’ouvrent à vous et à votre équipe et ne jugez jamais, jamais, jamais, jamais, les idées de vos collaborateurs. Fonctionnera-t’elle, Fonctionnera-t’elle pas, vous n’en savez rien. Pour le moment. Admettre de ne pas savoir est le meilleur moyen de ne pas passer à coté d’une information ou d’une opportunité qui pourrait être importante.
« Pour chaque problème complexe, il y a une réponse qui est claire, simple et fausse ».
HL Mencken, journaliste américain.
Ce qu’il faut faire à la place
1 / Comprendre que la réponse à la complexité n’est pas de faire simple…mais de faire ensemble !
Nous entrons dans le champ de la collaboration. Il y a deux niveaux sur lesquels vous pouvez agir sur la collaboration : le niveau managérial (voir partie suivante) et le niveau culturel. Pour intégrer la collaboration dans votre culture d’entreprise, vous pouvez commencer par encourager l’altruisme en transférant le pouvoir de reconnaissance des managers aux collaborateurs. Il y aurait de quoi écrire plusieurs bouquins là dessus.
Je vous donne la méthode que j’avais mis en place à Sydney : chaque mois, chaque salarié disposait de 5 pièces de monnaie virtuelle (des « talents ») pour remercier les capacités de partage, d’innovation, d’expertise, de collaboration et d’écoute de la part de leurs collègues. En cumulant ces « talents », les collaborateurs pouvaient les transformer en badge (ça se faisait à l’époque) et en rémunération financière, ou non, comme des formations ou des jours de congés rémunérés.
2/ Apportez clarté et explications à vos collaborateurs
Nous ne pouvons juger une situation que sous le prisme des informations qui sont disponibles. Le manque d’information entraîne un manque de compréhension qui put vite se transformer en rejet, en rumeur pour en théorie du complot. On nous dit rien, on nous cache tout. Alors si vous ne souhaitez pas que vos collaborateurs lancent des rumeurs incontrôlables sur les raisons de vos décisions, donnez leur un maximum d’informations pour les aider à comprendre la situation ! La complexité aime le brouillard, donc dissipez tout malentendu ou incompréhension dès que possible !
3 / Formez vos collaborateurs à la complexité
Enfin, formez vos collaborateurs à l’ensemble des concepts de VUCA. Et pas une conférence descendante, car se taper une intervention égrenant chaque lettre de VUCA peut vite devenir ennuyeux. Organisez des ateliers participatifs et co-créez des solutions qui répondent à VUCA en mode co-création pour éviter de perdre l’attention de votre audience et aider chacun à s’approprier le concept.
Les compétences managériales à développer
Collaboration et intelligence collective
Si la curiosité est LA soft-skill que tout professionnel se doit de développer, la collaboration est LA capacité à posséder dans ce monde VUCA.
Si en France, le terme d’intelligence collective est souvent utilisé comme synonyme de collaboration, je pense que l’on peut tout de même apporter une précision : beaucoup d’activités de coopération ou de participation reçoivent l’étiquette de « Collaboration » parce qu’à un moment un manager a demandé une opinion ou une idée à un collaborateur. Ce qui est loin de suffire comme le montre l’image ci-dessous !

Différences entre coopération, participation et collaboration.
Le terme « intelligence collective » est apparu en 1971 apparaît pour la première fois dans le titre d’un article scientifique sur l’intelligence et le QI écrit par David Wechsler, un psychologue américain. Pour lui, l’intelligence collective demande une interaction ou une fertilisation croisée qui aboutit à une solution qui n’aurait pas pu être trouvée individuellement par les personnes de leur groupe. En résumé, la participation et la coopération sont descendantes (le manager demande) alors que la collaboration et l’intelligence sont transversales et proviennent des interactions des membres du groupe et de leur capacité à rebondir sur les idées des uns et des autres. Et là, il arrive que parfois le manager n’est rien demandé.
L’intelligence collective demande plusieurs ingrédients :
- le partage de l’information dans le groupe. Rappelez-vous que nous sommes face à la complexité donc chaque participant au groupe ne possède qu’une part des connaissances nécessaires pour comprendre l’environnement et atteindre l’objectif visé.
- le respect de règles communes pour s’assurer que les échanges aboutissent à une vraie mobilisation des compétences et des échanges auxquels participent en écoutant ce qu’il se dit.
- un processus qui puisse guider les membres du groupe sans (trop) s’éparpiller.
- un avantage collectif qui motive les membres du groupe à collaborer.
Capacité à fédérer
Complément de la partie précédente, le donner envie de faire ensemble est aussi important que de donner les outils pour faire ensemble. Il s’agit ici de créer une cohésion primordiale à la collaboration. On ne fait pas ensemble si on a pas envie d’être ensemble !
Ce qui signifie que le manager faisant face à la complexité doit être capable de créer et maintenir la cohésion de son équipe en développant :
- La proximité de ses collaborateurs en les aidant à nouer des liens basés sur la confiance.
- l’équité de l’attention et des responsabilités pour que chacun mette son temps, ses idées, ses appétences et ses compétences à disposition du groupe.
- une convergence d’intérêts entre le niveau collectif et individuel.
- La capacité à s’adapter à la complexité et à l’inattendu. D’où la formation à VUCA qui doit être dispensée à tous vos collaborateurs comme écrit plus haut.
Positivisme et optimisme
Alors oui, évidemment que l’on ne peut pas être positif et optimiste jour après jour. Il y a des jours avec et des jours sans. C’est pourtant la dernière clé du management de la complexité à cause des dangers qui pèsent sur la confiance en soi et du risque de découragement face à un environnement que l’on ne comprends plus à cause dans sa globalité.
Je sais que c’est plus facile à dire et que l’enthousiasme, comme la candeur, sont des termes beaucoup plus utilisés aux Etats-Unis qu’en France. Pourtant, l’enthousiasme est un vrai sujet qui nous relie à d’autres domaines beaucoup plus à la mode en France en ce moment comme l’engagement, l’authenticité, la motivation ou l’envie de faire. L’enthousiasme et le 0,00001 % qui peut expliquer la différence de performance entre 2 personnes aux compétences égales. C’est également l’enthousiasme montré par les candidats qui me sert de boussole pour ma sélection. Selon l’adage « il est plus facile d’apprendre à quelqu’un qui à envie que de donner envie à quelqu’un qui connait », je préfère de loin le débutant enthousiaste à l’expérimenté blasé.
Pour les anglophones, cette petite différence de performance que peut apporter l’enthousiasme est un « Slight Edge« . Ce qui veut dire que vous n’avez pas besoin d’être 100 fois plus compétent, mais simplement…d’avoir envie.
L’enthousiasme se développe sur plusieurs éléments :
- la curiosité. Nous y revenons. Vous devez avoir envie d’en savoir plus pour apprendre.
- l’humilité. C’est-à-dire le sentiment d’avoir encore à progresser sur un sujet donné.
- l’action. C’est la clé qui permet de transformer l’intérêt en connaissance et la connaissance en enthousiasme. Lorsque vous vous intéressez à quelque chose, vous devez agir pour trouver les connaissances que vous recherchez.
- La positivité. Il ne suffit pas de tout savoir sur un sujet, il faut aussi savoir comment sa connaissance peut permettre d’améliorer les choses et d’aider les autres. Ce qui génère un engagement émotionnel qui favorise un enthousiasme intense.
Et là, vous venez peut-être de comprendre que ces 3 responsabilités : collaboration, fédération et optimisme sont les bases du management de l’innovation ! VUCA ou pas VUCA.
LA COMPLEXITÉ AU NIVEAU PERSONNEL
Dans un monde de plus en plus complexe, vous pouvez vous former à ce que vous voulez quand vous voulez, cela ne changera rien au fait qu’il devient de plus en plus difficile de devenir un expert dans un sujet et de le rester ! Comme ça l’est pour comprendre le monde VUCA.
Je peux vous proposer une piste : apprenez à collaborer pour constituer une expertise collective et durable en 3 idées :
Développez votre collaboration comme réponse à la complexité
Il n’y a pas que le manager qui doit apprendre à faire collaborer son équipe dans le management de la complexité. Les collaborateurs doivent avoir envie de participer et de donner leurs meilleures idées. Je le rappelle de nouveau, la première réponse face à la complexité au niveau individuel n’est pas de faire simple, mais de faire ensemble ! Vos collègues ne sont pas vos ennemis ! En ce moment, ce sont plutôt vos compagnons de galère…
Vous devez les inclure dans vos réflexion et leur transmettre vos connaissances et les aider à évoluer plutôt que de vous réjouir de leur stagnation.
Les raisons ? Je vous en donne quatre :
-
Le savoir ne fait plus le pouvoir ! Le pouvoir vient désormais de la communauté que vous savez rassembler car vous êtes identifié comme celui ou celle qui aide et supporte.
-
Ne pas collaborer est un suicide professionnel ! Votre progression de carrière tient maintenant de votre capacité à vous former grâce à cette communauté et votre expertise actuelle dépend de votre capacité à faire travailler un groupe aux expertises complémentaires.
-
Résister au changement menace votre emploi. En temps de crise ou de perturbation, ce n’est plus le temps pour faire de la politique personnelle ou de lancer un conflit de résistance au changement. Le mouvement est primordial, faire du sur place revient à aller vers l’arrière.Peu importe que ce soit à cause de l’automatisation, de l’obsolescence de vos compétences ou d’un changement de marché. Il est temps de cesser les rivalités internes et le « corporate warfare » (cf.
Wanagement) pour proposer et organiser une vraie collaboration avec vos collègues en passant d’une logique hiérarchique à une logique réseau.
Comprendre la réciprocité
Avec le management de la complexité de VUCA, vous devez être parfaitement conscient que la réussite de votre entreprise (et donc la vôtre) dépend de la réussite de vos collègues. La complexité ne s’embarrasse pas des petites gueguerres internes et personnelles. Vous devez travailler sur la reconnaissance que chacun dépend de l’autre pour réaliser l’objectif de l’entreprise. Ce qui rejoint le grand mouvement actuel de laisser les collaborateurs s’évaluer entre eux comme avec le « mur des bravos » à Leroy-Merlin ou avec « I tag you » à Axa banque.
Ce qui demande aussi que chacun connaisse et accepte ses propres limites et les compétences et appétences de ses collègues. Ce qui signifie que chaque collaborateur doit être prêt à partager son temps et son savoir avec les autres.

le mur des bravo à leroy merlin
Développez votre « T » pour vous épanouir dans ce monde VUCA
Je ne détaille pas le sujet
car vous trouverez un article détaillé ici mais pensez entant à élargir vos soft-skills que vous cherchez à approfondir votre expertise ! Cette métaphore du T, est extrêmement utile pour expliquer que sa réussite professionnelle tient désormais de sa capacité à combiner des compétences cognitives, créatives, analytiques et techniques dans des disciplines toujours plus spécialisées tout en développant des compétences multidisciplinaires. En résumé : être généraliste en tout et expert sur quelques sujets.
CONCLUSION
Le management de la complexité dans le cadre de VUCA, demande de s’écarter un peu de la méthodologie « officielle » du management de la complexité qui repose sur l’alignement de la stratégie globale de l’entreprise, la transparence sur tous les inconvénients et avantages de la complexité, l’identification des avantages de l’optimisation et le management des compromis entre la chaîne de valeur (les activités de l’entreprise) et les infrastructures durables (Outils, incitations et processus).
Pour conclure, je vous propose cinq idées à suivre qui vous aideront à faire la différence.
Faite face à la complexité
Les organisations qui font face à un important niveau de complexité ne parviennent pas à créer de la valeur. Ce n’est pas un problème que la direction générale peut se permettre d’ignorer ou de déléguer à d’autres. Laisser les employés se débattre avec la complexité dans l’espoir qu’ils finiront par apprendre comment la gérer est un gaspillage d’énergie et une source de frustration.
Pour éviter cette spirale descendante, vous pouvez viser d’avantage de « légèreté » organisationnelle en réduisant la taille de vos équipes, le nombre de projets, le nombre de personnes impliquées dans la prise de décisions clé. Vous pouvez aussi sélectionner vos collaborateurs les plus curieux et polyvalents pour tenir des rôles complexes.
Ne confondez pas causes et symptômes.
Ce n’est pas nouveau, avant le confinement et le travail distance, de nombreux collaborateurs se plaignaient déjà de la bureaucratie excessive, de la prolifération des réunions et de la lenteur des prises de décision.
En traitant ces pratiques comme des causes, vous pouvez être tenté de proposer un changement d’organisation, de réduire le nombre de réunions et leur durée et demander de réduire le temps de prise de décision. Mais voilà, si ces pratiques ne sont pas les causes, vos idées ne seront pas appliquées, ou en tout cas, pas longtemps, et le naturel dicté par la culture de votre entreprise reviendra naturellement.
Pour faire la différence entre cause et symptôme, j’utilise l’exercice bien connu des 5 pourquoi. En vous posant 5 fois la même question, vous devriez arriver au symptôme à traiter et découvrir par exemple qu’il y a beaucoup de réunions pour que vos managers continuent d’avoir un rôle d’animateur qu’ils perdent en travaillant à distance. Vous pouvez aussi découvrir que les valeurs de votre entreprise ne sont plus adaptées à cette nouvelle donne. Pour parvenir à une solution durable, vous devrez ré-interroger vos valeurs et les décliner en principes managériaux adaptés au monde VUCA qui sera bientôt post-COVID-19.
Comprenez que la complexité peut être positive
La complexité peut être une arme concurrentielle, comme le montre Tesla avec ses mises à jour logicielles, ses portes qui ont demandées plusieurs années de développement et sa culture de l’innovation. D’autres formes de complexité, telles que celles résultantes des exigences réglementaires ou environnementales, peuvent être imposées par l’environnement dans lequel votre entreprise opère.
Mais attention, il est indéniable que la complexité peut aussi détruire de la valeur : concept qui est à la base de la disruption de Christensen que j’ai évoqué plus haut. Plus une entreprise complexifie ses produits, plus elle réduit son marché, plus elle prête le flanc à des innovateurs proposant une solution plus simple.
La réponse n’est pas de rendre votre organisation la plus simple que possible, mais de chercher à éliminer la complexité qui rend les choses difficiles à faire et qui crée peu de valeur. Pensez lean, pensez agile. Comme je l’ai déjà écrit, si la complexité peut être considérée non pas comme un problème à éliminer, mais comme un défi à gérer ou opportunité à exploiter, vous pourrez générer des sources supplémentaires de profit et créer un avantage concurrentiel.
Vérifiez que ce qui est complexe pour vous l’est aussi pour leur entreprise
Interrogez vos dirigeants sur les sources de complexité de leur métier qui sont liées à VUCA. Ils vous répondront qu’il s’agit de facteurs externes et structurels : la législation, l’explosion de la concurrence, les rapports internationaux, la pandémie. Bref, une complexité externe.
Par contre, si vous posez la même question à vos salariés, c’est à dire à ceux qui parlent aux clients, qui fabriquent les produits ou assurent les services vendus, ils vous diront que la complexité provient d’abord de leur hiérarchie. Pour des raisons de changement de décision à la dernière minute, d’ordres incohérents ou parce que les indications du manager direct et du n+1 sont différents dans le management de la complexité.
Cet écart peut être expliqué par la vision que chacun dispose de son emploi. Malheureusement, les choses sont encore très manichéennes : les dirigeants regardent l’avenir et l’extérieur de l’entreprise. Les collaborateurs regardent…leur dirigeant et font leur job. Ce qui fait qu’ils ont rarement accès à une vision globale de leur rôle et comprennent la complexité comme la difficulté de faire leur travail à cause d’obstacles qui se trouvent sur leur chemin.
En résumé, la complexité du monde perçue par le PDG n’est pas pertinente pour le travail quotidien des managers opérationnels et de leurs collaborateurs. Ce qui signifie qu’avant de vous attaquer au management de la complexité, vous devez commencer par comprendre comment elle est vécue par vos collaborateurs.
La suite avec l’explication en détail de VUCA et du management de l’Ambiguïté : Partie 5/6 : VUCA et le management de l’Ambiguïté.
VUCA
VUCA est désormais utilisé comme une introduction aux transformations technologiques, économiques, sociales et sociétales auxquelles les entreprises doivent s’adapter.
Après avoir introduit le sujet avec une expérience personnelle (lien) et présenté le premier acronyme de Volatilité (lien), passons au concept suivant, celui qui a été le sujet du plus grand nombre de publications (juste devant le sujet de la complexité) : l’incertitude.
Cet article est la suite de la partie 2/6 : VUCA et le management de la volatilité.
DÉFINITION DE L’INCERTITUDE DE VUCA
L’incertitude : l’incapacité de tout savoir sur une situation et la difficulté de prévoir la nature et l’effet des changements (au croisement entre l’incertitude et la volatilité). L’incertitude retarde souvent les processus décisionnels et augmente la probabilité d’avoir des opinions très divergentes sur l’avenir. Elle rend nécessaire une gestion intelligente des risques et des stratégies de couverture (Hedging strategy).
Selon cette définition de l’incertitude dans le cadre de VUCA, l’incertitude se rapporte à 1/ l’impossibilité de connaître toutes les informations d’une situation donnée et 2/ la difficulté de prévoir la nature et les effets de ces changements à venir.
1. Concernant l’impossibilité de connaître toutes les informations nécessaires
Cette impossibilité peut être expliquée de deux raisons :
-
Il devient difficile de connaître un sujet de fond en comble. Beaucoup ont déjà noté « la fin des experts », que se soit par la commoditisation du savoir, la montée de l’ignorance ou la complexité croissante des domaines à connaître. Ce qui fait d’ailleurs le lien avec le prochain acronyme de VUCA : la complexité. À ce sujet, j’aime bien citer les recherches de Robert E. Kelley, professeur de management à Carnegie-Mellon University qui a demandé à des travailleurs de la connaissance (Knowledge Workers) en 1985 puis en 2006 : « Quel pourcentage de connaissances devez-vous connaître par cœur pour tenir votre emploi ? ». Réponse : 75 % en 1985 et 10 % en 2006.
-
Il devient difficile de trouver des informations objectives, stables, fiables et compréhensibles. Si la notion d’incertitude est débattue depuis de nombreuses années, elle se trouve exacerbée depuis l’arrivée des fake news et autres «informations alternatives». À ce sujet, attention, l’incertitude ne vient pas du trop-plein d’informations. Ce qui est lié plutôt lié à la complexité. Il s’agit ici du fait que l’on ne peut pas toujours croire ce qu’on lit, voit ou entend. Le nombre de politiques ayant pris des informations du Gorafi en est un exemple parmi d’autres. En plus, la multiplication des sources d’information apporte encore une couche de complexité et d’ambiguïté à notre quête d’information. Au passage, ce qui expliquerait l’ordre des lettres de VUCA. Nokia surveille Ericsson et arrive Apple et l’iphone. Accor surveille Best Western et arrive Airbnb. Garmin surveille Tom Tom et arrive Google et Google maps. Comme le disent les surfeurs australiens : cela ne sert à rien de s’inquiéter si vous voyez un requin parce que celui qui vous attrapera…vous ne le verrez pas venir !
En résumé, l’incertitude indique un manque de connaissance et de l’identification de sources fiables d’informations. En plus, dans un environnement incertain, les causes et les effets d’un changement peuvent être connus, mais son ampleur et sa durée ne le sont pas toujours.
Pour illustration, prenons un exemple récent lié au management et au recrutement et concernant un mouvement mondial : les changements d’attentes générationnelles.
Dès 2003 en Australie et 2005 en France, des recruteurs puis des managers m’ont fait par de leur incompréhension du comportement de certains candidats et collaborateurs qui refusaient des CDI, posaient leurs conditions, parlaient argent et temps de travail en préambule de l’entretien, choisissaient leur emploi en fonction des avantages offerts et pas de l’intérêt du job. Bref, des candidats qui se comportaient comme des consommateurs devant l’incompréhension de recruteurs qui n’auraient jamais pensé (ou osé) se comporter de cette manière lorsqu’ils étaient eux-mêmes candidats. Les recruteurs se retrouvaient face à une incertitude car ce qu’ils pensaient être immuable : à savoir, le recruteur étant en position de force, ne l’était plus.
Face à ces changements de comportement, les managers et recruteurs, qui pensaient connaître leur sujet en profondeur, ont commencé par rejeter ces changements de comportement sur un manque d’éducation et le fait que l’économie était favorable. Plus facile que de se remettre en question. Malheureusement pour eux, pour en venir à l’ampleur et la signification, ils étaient à coté de la plaque ! Ils refusaient (en tout cas au début) de comprendre que ce changement d’attitude correspondait à un bouleversement mondial de valeurs qui se traduisait par le « travailler pour vivre et ne pas vivre pour travailler ». Les managers restant sur leur valeur de performance et d’excellence, ne pouvaient pas répondre à ce changement immédiat et donc encore moins prévoir les bouleversements qui restaient encore venir.
En plus, bien que l’incertitude s’accélère, elle n’affecte pas toutes les industries en même temps ni de la même manière ! Ce qui explique que lorsque les jeunes candidats en IT prenaient leur temps pour trouver le meilleur job possible, les recruteurs du luxe ne vivaient pas du tout la même expérience. Ils recevaient toujours des candidats dociles cherchant à faire carrière dans une entreprise renommée et sérieuse.
Ce qui nous amène à deux dangers du traitement de l’incertitude : la sous-estimation et la sur-estimation de l’incertitude.
La sous-estimation de l’incertitude
La sous-estimation de l’incertitude peut conduire à des stratégies qui ne permettent ni de se défendre contre les menaces ni de tirer profit des opportunités que des niveaux d’incertitude plus élevés peuvent offrir. Dans l’une des sous-estimations les plus colossales de l’histoire des affaires, Kenneth H. Olsen, alors président de Digital Equipment Corporation, a annoncé en 1977 qu' »il n’y a aucune raison pour qu’un individu ait un ordinateur chez lui ». L’explosion du marché des ordinateurs personnels n’était pas inévitable en 1977, mais elle était certainement dans la gamme des possibilités dont les experts de l’industrie discutaient à l’époque.
La sur-estimation de l’incertitude
À l’autre extrême, le fait de supposer que le monde est entièrement imprévisible peut amener les dirigeants à abandonner complètement la rigueur analytique de leurs processus de planification traditionnels et à fonder leurs décisions stratégiques principalement sur leur instinct. Cette approche de la stratégie « just do it* » peut amener les dirigeants à parier de manière mal informée sur des produits ou des marchés émergents, ce qui se traduit par des amortissements record. Ceux qui ont fait le grand saut et investi dans la banque à domicile au début des années 1980 viennent immédiatement à l’esprit.
* Vous aurez, bien sur, reconnu les derniers mots de Gary Gilmore avant son exécution 
2. la difficulté de prévoir les effets des changements en cours et à venir
L’incertitude se démontre aussi dans la difficulté de prévoir les conséquences d’une action donnée, ce qui créé une indétermination fondamentale du futur. Pour paraphraser, il est de plus en plus difficile de prévoir les événements à venir avant d’y être confronté et de plus en plus facile d’être surpris par des événements inattendus. Notre expérience acquise par le passé n’est donc plus suffisante pour affronter le présent, et prévoir le futur. Je dirai même que cette expérience peut-être contre productif ! Cette difficulté de prévoir signifie que :
On devine plus que l’on prévoit
Il est difficile de prévoir les événements futurs – même en utilisant des scénario alternatifs – avant d’y être confronté et l’apprentissage se fait à posteriori. Les futurologues sont devenus les nouveaux astrologues. Demandez à Ray Kurzweil qui avait prévu qu’en 2009 la majorité du texte écrit le serait grâce à la reconnaissance vocale, que les véhicules seraient autonomes sur autoroute, que les ordinateurs ferraient la taille d’une bague et que la plupart des achats se feraient via un bot. Ses prévisions ne sont pas déconnantes, elles sont simplement en retard.
Les conséquences d’une action ou d’un événement sont imprévisibles.
Jusqu’à la pandémie, je n’avais pas d’exemple précis d’effet papillon à utiliser. La raison est qu’il n’y en avait pas de réellement crédible et utile. Puis est arrivé 2019 et cet histoire d’animal sauvage acheté au marché de Wuhan… Répondre à l’incertitude ne demande pas de chercher à rechercher des informations certaines et rassurantes, mais de réduire la routine pour que l’incertitude et la surprise face parties de votre culture d’entreprise. Pour cela, vous devrez investir dans des méthodes de recherche, de collecte, d’interprétation et de partage d’informations ne provenant pas des réseaux habituels et des processus existants. Vous devrez sortir de votre fonctionnement et vos raisonnements habituels pour acquérir des connaissances auprès de nouvelles ressources et développer une nouvelle vision du monde qui vous entoure.
Nous devons nous méfier de nos connaissances et de notre expérience.
Il s’agit d’aller plus loin que le désapprentissage dont j’ai parlé dans le chapitre sur la volatilité. Il s’agit d’être conscient du biais de confirmation. C’est le biais cognitif qui fait que nous privilégions que les informations qui corroborent et confortent nos croyances. En plus, nous ne sommes pas à l’abri d’être victime d’arrogance épistémique qui nous pousse à surestimer ce que nous savons et sous-estimer l’incertitude. Demandez à Areva au sujet de l’EPR de OLKILUOTO qui devait ouvrir en 2014)
les approches traditionnelles de la planification stratégique peuvent être dangereuses.
L’un des dangers est que cette approche conduit les dirigeants à considérer l’incertitude de manière binaire, c’est-à-dire à supposer que le monde est soit certain et donc ouvert à des prédictions précises sur l’avenir, soit incertain et donc totalement imprévisible. Les processus de planification ou de budgétisation qui nécessitent des prévisions ponctuelles obligent les dirigeants à enterrer les incertitudes sous-jacentes dans leurs flux de trésorerie. De tels systèmes poussent clairement les dirigeants à sous-estimer l’incertitude afin de justifier leur stratégie de manière convaincante.
LES AUTEURS DE L’INCERTITUDE
Parmi les centaines d’auteurs, chercheurs et écrivains qui travaillés sur le thème de l’incertitude j’aurais pu commencer par vous parler de Blaise Pascal pour lequel « l’homme n’est qu’un cloaque d’incertitudes et d’erreurs » mais je vous le réserve pour la complexité. J’aurai pu aussi vous trouver une citation adaptée de Socrate ou de Einstein. Ce qui n’est pas difficile à trouver quel que soit le sujet. En fait je me suis concentré sur deux auteurs (dont un qui ne l’a pas fait exprès)qui nous rapproche de l’entreprise et du management de l’incertitude.

Frank Knight et les probabilités
Le premier auteur à nous intéresser pour comprendre le concept d’incertitude dans le cadre du management de VUCA est l’économiste Frank Knight (1885-1972) qui a écrit en 1921 « Risk, Uncertainty and Profit » que vous pouvez lire ici ou acheter là.
Knight distingue plusieurs types d’incertitudes en fonction de son type de probabilité :
La probabilité « statistique », ou risque incertain
Le premier type se situe sur le même plan logique que les propositions des mathématiques. Ce type d’incertitude intervient lorsque nous connaissons à l’avance les résultats potentiels grace aux statistiques et aux mathématiques. Un exemple de risque incertain est de lancer une paire de dés. Avant de lancer le dé, nous connaissons à l’avance les chances de chaque résultat possible.
La probabilité « a priori », ou incertitude réelle
Cette probabilité est marquée par l’absence de toute connaissance quantifiable à priori qui permettrait d’avoir la moindre idée du résultat. Il s’agit de la véritable incertitude, celle qui survient lorsque nous ne connaissons pas à l’avance les résultats possibles de nos actions, ni leurs probabilités. Cette incertitude réelle se produit dans les systèmes complexes (nous arrivons au 3e acronyme de VUCA : complexité), où de nombreux acteurs interagissent au fil du temps – l’économie, par exemple. Ce concept reconnaît un certain degré fondamental d’ignorance, une limite à la connaissance et une imprévisibilité essentielle des événements futurs.
En résumé, un risque est prévisible alors que l’incertitude ne l’est pas. Selon Frank Knight, les véritables possibilités de profit n’existent que face à une véritable incertitude, ce qui signifie que si nous voulons innover avec succès, nous ne devons pas seulement faire face à l’incertitude, nous devons la rechercher.
En poussant l’incertitude à son maximum, mais sans tomber dans le chaos, vous trouverez aussi l’auteur Nassim Taieb (que vous allez retrouver comme auteur dans l’article sur l’ambiguïté) et ses cygnes noirs. Il s’agit selon lui d’événements importants et intrinsèquement imprévisibles qui, une fois survenus, sont rationalisés avec le bénéfice du recul.
Pour Taieb, le risque de Knight n’existe pas dans le monde réel, et un échec imprévisible prend ses racines dans :
- Le fait d’avoir pensé connaître tous les risques et exagéré sa capacité à les comprendre
- La dégradation dans le temps des risques qui étaient calculables à l’origine.
Donald Rumsfeld, on ne sait pas qu’on ne sait pas, ou le contraire
Nous arrivons maintenant à un personnage incontournable sur le sujet et dont la carrière est devenue synonyme d’incertitude (en version clown) à tel point qu’il intitulera ses mémoires : « Known and unknown : A Memoir».
Pour lui, l’incertitude est devenue un sujet d’actualité quand le 12 février 2002, Donald Rumsfeld, alors secrétaire de la défense, a du se justifier devant le département de la défense de l’absence d’armes de destruction massive en Iraq après l’action militaire dans le pays qui aura non seulement divisé les alliés entre eux (y va, y va pas) et, nous l’apprendrons plus tard, permis aux dirigeants de Daech de se rencontrer dans un camp américain.
Lors de son audience, Rumsfeld s’est défendu en disant » Je trouve toujours intéressants les rapports qui disent que quelque chose n’est pas arrivé parce que comme on le sait, il y a les connus-connus (known knowns), les choses que nous savons savoir. Nous avons aussi les (known unknowns) connus-inconnus, les choses que l’on sait ne pas connaître. Mais il y aussi les inconnus-inconnus (unknown unknowns), ces choses que nous ignorons ne pas savoir. Et si nous regardons à travers l’histoire de notre pays et d’autres pays libres, ce sont ces dernières catégories qui sont les plus difficiles. »
Selon cette approche des unknown unknowns :
- Known Known : les informations connues que vous connaissez. Combien font 1+1 ?
- Known Unknowns : les informations que vous savez ne pas savoir. Combien font 1645X37 ?
- Unknown knowns : les choses que vous ignorez savoir. Combien de planète dans le système solaire ?
- UnKnown Unknowns : les choses inconnues que vous ne savez pas ne pas savoir. Selon le principe d’incertitude de Heisenberg, peut-on connaître avec précision la position et la qualité de mouvement d’une particule ?
S’il a popularisé cette approche de « Unknown unknowns » au point de faire l’objet d’un documentaire en 2014 (dans lequel lui-même se mélange les pinceaux entre les knowns et les unknows, c’est la raison pour laquelle il se marre), il se base en fait sur la fenêtre de Johari créée en 1955 par les psychologues Joseph Luft et Harrington Ingham qui l’utilisaient pour aider leurs patients à comprendre leur relation avec les autres.

La fenêtre de Johari en bref :
- La zone publique, ou zone ouverte, désigne ce dont la personne a connaissance sur elle-même et partage avec autrui (identité, poste occupé, apparence, parcours professionnel, etc.). C’est le connu (par la personne) et connu de tous.
- La zone aveugle regroupe ce que la personne ignore, mais que les autres connaissent quant à elle (rancœurs, admiration, perception qu’ont les autres de la personne, vos manies, tics de langage, etc.). C’est l’innonu connu.
- La zone cachée représente l’ensemble des informations connues de l’individu, mais cachées à autrui (ambitions, secrets quelconques, situation familiale, salaire, maladie, etc.). C’est le connu inconnu.
- La zone inconnue, matérialise ce dont l’individu n’a pas connaissance quant à lui-même et que les autres ignorent également (talents cachés, limites inconscientes, projections futures, etc.). C’est l’inconnu inconnu.
L’ENTREPRISE FACE À L’INCERTITUDE
En temps normal, les organisations sont confrontées à de nombreuses incertitudes aux conséquences variables. C’est le mode normal. Les managers et dirigeants font face à ces défis en s’appuyant sur des structures et des processus spécifiquement conçus pour réduire l’incertitude comme des études, des focus-groupes, des analyses de tendances et tutti quanti. Cependant, en cas de crise grave et instantanée comme le COVID-19, l’incertitude peut atteindre des niveaux d’incertitude extrême. À ce moment-là, les modèles de protection contre l’incertitude « normale » sont dépassés comme une digue qui cède et l’entreprise peut se trouver confrontée à une menace existentielle.
Les lignes de faille entre les industries et les modèles d’affaires que nous connaissions avant la crise COVID-19 sont devenues des fissures géantes, séparant la vieille réalité de la nouvelle. Tout comme un tremblement de terre produit une libération soudaine de force refoulée, le choc économique déclenché par la pandémie a accéléré et intensifié les tendances qui étaient déjà en cours. Il en résulte un élargissement spectaculaire de l’écart entre ceux qui se trouvent en haut et en bas de la courbe de puissance du profit économique – les gagnants et les perdants dans la course mondiale aux performances des entreprises. En d’autres mots, les industries qui connaissaient une baisse de leurs bénéfices économiques avant la crise ont subi des baisses encore plus importantes à cause de celle-ci, tandis que celles qui augmentaient leurs bénéfices ont vu leurs gains augmenter de façon considérable.
Il n’est donc pas surprenant que les organisations aient besoin d’un nouveau modèle de management, car elles ne peuvent plus faire sens de l’incertitude avant de la réduire autant que possible avant d’agir. L’ampleur de l’incertitude à laquelle nous sommes confronté actuellement signifie qu’elles doivent apprendre et s’adapter au fil de l’eau pendant que la situation continue d’évoluer. Elles n’ont plus le temps d’organiser un comité stratégique pour comprendre et choisir ! Et nous arrivons ici au cœur de l’approche militaire de VUCA : plus d’états-majors qui planifient, que des petites équipes de terrains qui décident en fonction des événements !
Intéressons-nous maintenant aux effets concrets de l’incertitude sur l’entreprise et le monde.

Concurrence
La concurrence devient de plus en plus incertaine. Pour preuve, de petites structures peuvent menacer des entreprises établies selon la théorie de la disruption (Airbnb / Accord, Uber / G7, etc.) et même des startups en phase de lancement peuvent se retrouver concurrencées, voir même coiffées au poteau. Comme c’est arrivé par exemple à Zappos (et beaucoup d’autres) qui se sont fait copié avant de pouvoir s’établir dans d’autres pays.
Attentes clients
L’incertitude de la demande découle des inconnues associées aux attentes des clients qui eux-mêmes ne savent pas toujours ce qu’ils veulent. Plus il y a d’inconnues sur celles-ci, plus l’incertitude de la demande est grande. Par exemple, lorsque à Sydney, j’ai commencé à proposer de recruter sur les valeurs et plus seulement sur l’expérience, l’incertitude de la demande était colossale puisque personne, mondialement, ne proposait ce type de service. En revanche, lorsque j’ai commencé à proposer aux clients de Technoraid de vendre leur véhicule de compétition vieillissant pour notre véhicule maison l’incertitude était moindre puisqu’ils étaient déjà clients et souhaitaient changer de voiture.
Talents
Quand je vous parlais dans l’article sur la volatilité d’obsolescence et commoditisation des compétences. Celles-ci sont, évidemment, directement liées à l’incertitude. Pour preuve, êtes-vous capable de me dire quelles seront vos compétences actuelles qui seront les premières obsolètes et quand ? Si vous le savez, laissez un message en commentaire, je suis impatiemment curieux de savoir lesquelles.
Technologie
L’incertitude technologique résulte des inconnues concernant les technologies qui pourraient émerger ou être combinées pour créer de nouvelles solutions. Par exemple, une grande variété de technologies propres (notamment l’énergie éolienne, la méthanisation, le solaire ou l’hydrogène) rivalisent pour alimenter les véhicules et les villes, alors qu’une grande variété de technologies médicales (chimiques, biotechnologiques, génomiques et robotiques) sont développées pour traiter les maladies. L’incertitude technologique augmente avec le taux global d’invention dans les différents secteurs.
Parties prenantes
Les dirigeants peu enclins au risque qui se croient dans un environnement très incertain ne font pas confiance à leur instinct et souffrent d’une paralysie décisionnelle. Ils évitent de prendre des décisions stratégiques cruciales sur les produits, les marchés et les technologies qu’ils devraient développer. Ils se concentrent plutôt sur la réingénierie, la gestion de la qualité ou les programmes internes de réduction des coûts. Bien que précieux, ces programmes ne remplacent pas la stratégie.
Prendre systématiquement de bonnes décisions stratégiques dans l’incertitude exige une approche différente, qui évite cette dangereuse vision binaire. Il est rare que les managers ne sachent absolument rien de l’importance stratégique, même dans les environnements les plus incertains. En fait, ils peuvent généralement identifier une série de résultats potentiels ou même un ensemble discret de scénarios. Cette simple intuition est extrêmement puissante, car la détermination de la meilleure stratégie et du processus à utiliser pour l’élaborer dépend de façon vitale du niveau d’incertitude auquel une entreprise est confrontée.
Ce qui suit est donc un cadre permettant de déterminer le niveau d’incertitude entourant les décisions stratégiques et d’adapter la stratégie à cette incertitude. Aucune approche ne peut faire disparaître les défis de l’incertitude, mais celle-ci offre des conseils pratiques qui conduiront à des décisions stratégiques plus éclairées et plus confiantes. Plus concrètement, pour naviguer en temps incertains, la première étape est de maîtriser la notion de Volatilité dont nous avons parlé dans l’article précédent consacré au management dans VUCA. Si c’est déjà le cas, et que vous utilisez déjà votre curiosité personnelle et organisationnelle pour explorer proactivement votre environnement, vous allez pouvoir éliminer l’incertitude due à un manque de connaissances. Ce qui vous permettra de vous intéresser à « l’incertitude réelle » dans laquelle réside des opportunités.
Économie
L’incertitude de l’environnement, qui comme je l’ai précisé dans l’introduction, peut favoriser ou détruire un business model. Savoir que les attentes de ses collaborateurs peuvent changer aussi rapidement que celles de ses clients est une chose, savoir y répondre en est une autre. Une annulation de Dakar à cause de la situation internationale, une campagne des verts sur la pollution des 4×4 et quelques départs à la retraite plus tard, mon affaire incertaine de recrutement est devenue exponentielle, mon affaire certaine de 4X4 a fait faillite. $àç »§’ d’incertitude.
Toutes ces sources d’incertitudes expliquent que la définition de l’incertitude de VUCA s’achève en rappelant qu’il est « nécessaire d’avoir une gestion intelligente des risques et des stratégies de couverture (Hedging strategy) ». Il s’agit d’une pratique de la finance qui consiste donc à couvrir une position ouverte par une autre position opposée. Pour ce faire, les deux positions concernées doivent bien entendu avoir le même montant. Il suffit alors d’attendre le début d’une tendance fiable pour revendre la position qui est devenue obsolète et ainsi pouvoir conserver ouverte la position qui évolue dans le bon sens.
LE MANAGEMENT DE l’INCERTITUDE
Avant de proposer quelques pistes pour manager l’incertitude, commençons par identifier les risques auxquels s’exposent les managers de l’ignorer.
Les dangers d’ignorer l’incertitude pendant la crise sanitaire du COVID-19
L’environnement opérationnel de COVID-19 exige que les managers réexaminent leurs processus de pensée collective et remettent en question leurs propres hypothèses. S’ils ne le font pas, ils risquent de commettre de graves erreurs. Voici quelques-uns des pièges que les gestionnaires rencontreront probablement :
Le Biais d’optimisme
Étant donné que les managers et leur entreprise n’ont jamais rien vécu de similaire à la crise du Coronavirus, les automatismes existants ne s’appliquent plus. Un problème commun est que les managers font l’expérience du biais d’optimisme, à la fois individuellement et collectivement. Ils seront enclins à avancer la date du retour aux affaires ou à minimiser la durée de la fermeture de l’entreprise. Nous sommes d’accord, ce n’est pas comme si le gouvernement les y aidait. Simplement, les managers ne peuvent pas ou ne veulent pas croire à quel point la situation pourrait être mauvaise, et l’organisation finit par planifier un scénario beaucoup plus doux que ce qui se passe en réalité.
L’instabilité informationnelle
L’information est instable dans le cadre de la pandémie COVID-19. Les données épidémiologiques sont en constante évolution : taux d’infection et de mortalité, proportion de cas asymptomatiques, intensité et efficacité des tests, durée de la période infectieuse, étendue et durée de l’immunité après l’infection. Le problème s’étend aux données économiques médiocres ou manquantes dont la fiabilité a été affectée par la rapidité et la gravité des changements. La stratégie commerciale conventionnelle est le plus souvent basée sur des hypothèses concernant un déroulement probable des événements. Dans la crise actuelle, un seul scénario de planification « le plus probable » est irréalisable. La sensibilité des modèles statistiques à des changements relativement faibles dans les hypothèses sur les variables clés crée un risque encore plus grand. Par exemple, les projections du taux de transmission de la COVID-19 sont essentielles pour se faire une idée de l’impact probable de la maladie : même une augmentation minime du taux de reproduction peut entraîner une hausse spectaculaire des taux d’infection et de mortalité prévus et modifier radicalement les attentes concernant les mesures gouvernementales probables et le comportement des consommateurs.
Donner une mauvaise réponse
Outre l’instabilité de l’information, les dirigeants doivent également être sensibles à la possibilité que des informations qu’ils pensaient claires et certaines se révèlent fausses. Les dirigeants ne peuvent pas considérer leurs propres hypothèses comme des faits, car de nouvelles informations pourraient apparaître et les invalider. Les hypothèses et la compréhension doivent être régulièrement réexaminées et révisées si nécessaire, dans le cadre de la pratique d’apprentissage continu de l’organisation. Le modèle de fonctionnement doit être capable d’absorber les mauvaises réponses initiales et d’y remédier rapidement ; les organisations peuvent même encourager les gestionnaires à chercher des occasions d’actualiser les hypothèses.
Se retrouver paralyser par l’analyse
Des données confuses et en constante évolution peuvent amener les gestionnaires à retarder les décisions alors qu’ils recherchent une plus grande rigueur analytique. Ils risquent de ne jamais la trouver, étant donné l’ampleur de la crise dans laquelle nous sommes. Il n’est pas conseillé de retarder la prise de décision dans une crise aussi rapide et grave que la pandémie COVID-19. Le retard est en soi une décision, car l’absence d’action a des conséquences – par exemple, une propagation continue et incontrôlée du virus. Les responsables doivent plutôt agir en fonction de ce qu’ils savent et adapter leur stratégie à mesure que de nouvelles informations sont disponibles.
Oublier que l’entreprise peut être épuisée de tant d’incertitude
En cas d’incertitude extrême, les organisations sont généralement incapables de reprendre leurs activités habituelles pendant longtemps, parfois des années. Cela expose les gestionnaires et leurs équipes au risque d’épuisement face à des changements constants et apparemment sans fin. Une crise peut galvaniser les cadres supérieurs et les employés d’une entreprise dans sa phase initiale. Mais une fois que l’adrénaline s’estompe, l’incertitude permanente devient exaltante. Au pire, elle peut nuire à la santé mentale et physique des cadres, et causer un préjudice majeur à l’efficacité de l’organisation, allant d’une baisse de la réactivité à une détérioration de la qualité générale du travail.
Manager l’incertitude avec créativité, expérimentation et résilience
Cette incertitude réelle, comme l’appelle Knight, et composée des » unknown-unkowns » de Rumsfeld, vous demanderont de développer une capacité organisationnelle d’expérimentation et de résilience.

Ce qui est remis en cause
En quelques mots, toute prévision ferme et définitive sur moyen terme et les plans stratégiques qui les accompagnent. Vous pouvez prévoir plusieurs scénarios sur lesquels rebondir en fonction des événements, nous y reviendront, mais vous ne pouvez plus vous fiez à un plan unique, à une prévision chiffrée précise ou à environnement prévisible. Même Apple qui est devenu extrêmement prévisible réussis à nous surprendre alors n’attendez pas que votre plan se déroule sans accroc ! Au-delà de la prévision, oubliez aussi, dans une certain mesure, votre volonté de contrôle. Je l’ai appris à mes dépens, ce n’est pas un hasard s’il y a de plus en plus de formations au lâcher prise sur le marché.
Réponse émotionnelle
L’incertitude touche tout le monde ! Même les fonctionnaires qui eux aussi doivent passer par des entretiens dévaluation et prouver leur utilité à la cause. Si vous ne l’avez pas compris et que personne n’est pas pour vous épauler, vous ne pouvez pas vous en vouloir de vous sentir stressé, anxieux ou angoissé à cause de l’inconnu face auquel vous êtes impuissant. L’incertitude n’est pas un problème qui n’a pas de solution, c’est un contexte !
Pour cela, vous devez comprendre les 3 niveaux, leur cause et en parler :
- Le stress qui est le premier degré et se caractérise par le sentiment d’être sous tension permanente. Ce qui est considéré comme une maladie sociétale vous demandera de comprendre le contexte de ce stress pour chercher à l’éliminer.
- Ensuite l’anxiété qui est un sentiment inexplicable d’insécurité permanent. Ce qui arrive quand vous faites face dans la durée à une situation que vous n’avez jamais rencontré avant et pour laquelle vous n’avez pas reçu de formation pour la surmonter
- Et enfin, le troisième niveau, l’angoisse qui se caractérise par un vécu douloureux et peut déclencher des crises touchant à la respiration ou une peur irraisonnée qu’il n’y ai plus d’avenir. Espérons que nous n’en arrivions pas là.
Ce qui ne fonctionne plus
Résultat direct de ce qui est remis en cause : plus de prévision sure donc plus de planification certaine. Ce n’est pas un hasard si le mot « agilité » est le plus souvent associé à VUCA ! Nous allons y revenir plus en détail dans la conclusion sur l’utilisation de VUCA en entreprise.
Ce qu’il faut arrêter
Déjà, pensez que ce que vous prévoyez va arriver et que ce que vous n’avez pas prévu n’arrivera pas. Ensuite, il faut arrêter de se mettre des œillères en ne regardant que l’objectif en ligne de mire tout en rejetant les déviations sur le manque de motivation ou l’incompétence de ses collaborateurs ! Le monde bouge, le contexte évolue et les objectifs n’ont de valeurs que pour ceux qui y croient encore. Je ne vous donne pas de nom ici, mais en conférence je cite cette entreprise (que vous pouvez deviner de laquelle il s’agit via cet article sur le travail à distance) qui face aux pertes essuyées pendant le premier confinement a simplement reporté ce montant sur le résultat à faire sur l’été. Cette entreprise commercialisant des produits de maquillage qui a connu une chute de -53,4 % pendant le confinement et qui est resté à -47 % durant l’été ! Imaginez le niveau de stress imposé sur les collaborateurs par leur direction !
Ce qu’il faut faire à la place
Rester à l’écoute et rester ouvert à tout changement imprévu qui ne correspond pas à vos attentes en se méfiant à tout prix du biais de confirmation ! Vous savez, ce biais cognitif qui fait que l’on ne relève que les informations qui confortent ce que l’on croit déjà. Vous devez avoir une culture de la curiosité pour rester le plus au contact possible avec les tendances avant d’utiliser la créativité de votre équipe pour y faire face.
C’est ce que propose Jeff Bezos dans sa lettre aux actionnaires de 2016 :
« […] Si vous résistez à la nouveauté, vous résistez au futur. Choisissez l’innovation et vous aurez le vent dans le dos.
Les grandes innovations ne sont pas si difficiles que ça à identifier (on en parle et on écrit généralement beaucoup à leur sujet.), mais étrangement, les grandes entreprises ont beaucoup de mal à les adopter. Ainsi, il existe aujourd’hui un mouvement d’innovation évident dans le domaine de l’intelligence artificielle et du machine learning. Au cours des décennies précédentes, les ordinateurs ont permis d’automatiser des tâches que les programmeurs étaient en mesure de décrire avec des règles simples et des algorithmes. Les techniques actuelles du machine learning nous permettent de faire la même chose pour des tâches qu’il est beaucoup difficile de réduire à des règles précises.
Chez Amazon, cela fait plusieurs années maintenant que nous avons mis en application les technologies de machine learning. Une partie de ce travail est extrêmement visible : nos drones Prime Air pour des livraisons autonomes ; nos épiceries Amazon Go qui grâce à des technologies d’apprentissage visuel permettent de supprimer les files d’attente en caisse ; et Alexa, notre assistant virtuel intelligent.
Mais la plupart des domaines où nous employons les technologies de machine learning ne sont pas visibles. Ainsi, ce sont des technologies de machine learning qui pilotent nos algorithmes de prévision de la demande, de recherche et de recommandation produits, de détection de la fraude, de traduction, et bien d’autres encore. Bien que moins visibles, la majorité des applications de machine learning seront de ce type. Discrètement, mais de façon puissante, elles participent à l’amélioration de nos opérations fondamentales.[…] » |
Écoutez les signaux faibles et agissez dès que l’un d’eux se confirme en tendance !
Compétences managériales à développer
La créativité
Grand sujet de ce blog qui demande déjà de comprendre les différences entre créativité et innovation avant de faciliter la transition d’un management (de moins en moins) descendant pour un management favorisant l’émergence des idées et leur prise au sérieux.
Je vais faire simple, car cet article commence à traîner en longueur : la créativité est la qualité de leadership la plus importante à acquérir dans le cadre de l’incertitude. Point final.
Les dirigeants créatifs ont la capacité de regarder les choses d’une manière nouvelle et de résoudre les problèmes en voyant des choses que les autres ne voient pas. Les synonymes de créativité comprennent des mots comme inventivité, imagination, innovation, vision, progressivité, originalité et ingéniosité, pour n’en citer que quelques-uns. Le rôle de la créativité dans le leadership est vital pour la survie de toute organisation dans le climat commercial et culturel en constante évolution qui existe aujourd’hui.
En 2010, IBM a interrogé 1 500 chefs d’entreprise et dirigeants du secteur public sur ce qui les pousse à gérer leur entreprise dans le monde d’aujourd’hui. Ils ont constaté que la créativité était classée comme la qualité de leadership la plus importante pour le succès en affaires, l’emportant sur l’intégrité et la pensée globale. En 2010 !!! Imaginez ce qu’il en est aujourd’hui !
Face à l’incertitude, le leadership créatif au sein des entreprises présente de nombreux avantages, notamment :
Nouveaux types de résolution de problèmes
Le leadership créatif aide les entreprises en leur ouvrant de nouvelles possibilités de résolution des problèmes et de croissance que les méthodes plus conventionnelles ne permettraient pas. De nouvelles perspectives sur les problèmes grâce à une approche créative peuvent conduire à des solutions nouvelles et peut-être inédites.
Atteindre les objectifs et la croissance
Lorsque les dirigeants abordent les objectifs d’un point de vue créatif, ils acquièrent la capacité d’atteindre plus facilement les objectifs. Un dirigeant créatif voit des voies uniques pour atteindre ces objectifs. Qu’il s’agisse d’augmenter les bénéfices ou d’élargir l’offre de produits, le leader créatif a la capacité de tracer un chemin pour atteindre de nouveaux niveaux de réussite que les autres leaders de l’entreprise ne peuvent pas voir.
Favoriser une mentalité positive sur le lieu de travail
Au fur et à mesure que les entreprises se développent et que les processus évoluent, le personnel de niveau inférieur peut souvent se sentir ostracisé ou oublié. Le leadership créatif offre un certain nombre d’opportunités pour remédier à cet état d’esprit en mettant en œuvre des techniques et des idées non-traditionnelles afin d’inclure les personnes et les équipes dans le succès de l’entreprise.
Un manager créatif peut suggérer aux employés de faire un brainstorming sur les idées de leur point de vue, au lieu de prendre les idées au sommet. Les employés n’ont pas toujours les mêmes informations que la direction, de sorte que le fait de voir les problèmes ou d’innover de l’intérieur pourrait déboucher sur des idées et des informations nouvelles ou profondes pour aider à trouver des solutions aux problèmes.
Trouver des perspectives improbables
Pour prospérer, une entreprise doit se développer, s’adapter et créer son propre chemin vers le succès. Les leaders créatifs adoptent des points de vue improbables et impopulaires. Les perspectives improbables permettent de révéler des avenues nouvelles et passionnantes, qui peuvent être utilisées pour concevoir des changements nouveaux et passionnants afin d’aider l’entreprise à prospérer et à se développer.
Par exemple, Fidji Simo (née à Sète, youhou) est à la tête du développement de l’application Facebook et responsable du développement de « Facebook Live ». Elle a trouvé une perspective improbable en demandant à ses équipes « Quels sont les sentiments que les gens veulent avoir ? » et en concevant le produit autour de ce qui fait que les gens se sentent bien. Selon ce magazine de la haute finance : Fidji Simo veut que vous ayez de nouveau confiance en Facebook.
L’expérimentation
On pense que pour agir il faut savoir et que savoir c’est prévoir, mais ce n’est plus possible de penser aussi simplement. Contrairement aux environnements stables dans lesquels les organisations s’appuient pour renforcer leur expérience et maintenir une routine, l’incertitude ne vous laisse pas de temps pour développer un produit parfait avant de le vendre à des clients impatients ! L’incertitude de l’environnement VUCA oblige les organisations à se rapprocher de leurs parties prenantes (collaborateurs, clients, chercheurs, etc.) pour les engager dans un processus d’innovation impliquant l’extérieur comme par l’open innovation (l’innovation ouverte) ou la co-création qui permet d’avancer sans faire d’hypothèses vaines.
Nous ne pouvons pas prédire l’avenir, mais nous pouvons au moins l’influencer en mettant en question les modèles actuels par le biais d’expériences. Pour ce faire, je vous invite à vous pencher sur les pratiques du Lean, notamment sur la notion de « Produit Minimum Viable ». Il s’agit de « prototyper » de nouvelles offres, pratiques ou processus en les proposant rapidement à vos clients (internes et externes) de façon itérative, plutôt que de les développer en interne et de les présenter à vos clients quand vous pensez que c’est prêt. Cette approche de « PMV », ou « MVP » en anglais, popularisée dans le monde des startups par l’ouvrage « Lean startup » de Eric Reyes, repose sur plusieurs postulats liés à l’incertitude :
- Une startup n’a pas de business Model stable et récurent. Elle doit expérimenter pour tester ses hypothèses qui permettront de trouver et valider son modèle d’affaire.
- Un client ne sait pas toujours ce qu’il veut sans l’avoir vu et doit être consulté fréquemment pour rester au centre de la création de l’offre qui le concerne.
- Il est désormais possible de vendre avant de fabriquer grâce par exemple aux sites de crowdfunding – financement participatif. Un proto, une vidéo et voilààà vous payez avant la fabrication du produit.
Voici quelques idées pour vous aider créer une culture de l’expérimentation :
Faire plus de paris
Comme le disent les ingénieurs de General Electric, « nous ne rêvons pas seulement en couleur, nous rêvons aussi en échelle. » Cela signifie que lorsqu’ils planifient l’avenir, ils mettent temps et argent sur beaucoup de petits paris, et pas seulement sur quelques-uns. Ce que Google a arrêté de faire en 2011 lorsque que Larry Page a reprit les choses en mais, mais passons. Nous revenons à la stratégie de couverture citée dans la définition « officielle » de l’incertitude de VUCA. Ce qui revient à évaluer constamment chaque pari en étant prêts à augmenter la mise sur ceux qui fonctionnent. Comme les paris sont petits, ils sont plus libres de tuer les projets qui mènent nulle part pour mettre leurs ressources ailleurs. C’est une méthode de travail agile et efficace à condition de ne pas tomber dans le biais cognitif des coûts irrécupérables. Si au cinéma vous restez jusqu’à la fin d’un film nul parce que le billet était cher, cherchez plus, vous y êtes.
Les paris de GE sur la fabrication d’additifs, les énergies renouvelables et les nouvelles thérapies cellulaires ont tous commencé à petite échelle. Dans un monde incertain, le chemin du succès ressemble à de petites équipes composées des bonnes personnes travaillant par étapes. Il n’est plus nécessaire de lancer une nouvelle entreprise pour faire de plus petits paris. Il suffit de commencer par supprimer la pression de trouver LA grande idée, la remplacer par une recherche continue de plus petites idées, de la plus sage à la plus radicale. Testez et apprenez. C’est la même chose pour les projets et les initiatives. Soyez clair sur le résultat escompté, lancez un groupe de petits projets pilotes, puis voyez lesquels ont le plus de chances de fonctionner.
Avoir des fenêtres de tir plus courtes
Dans un monde incertain, si vous prenez trop de temps pour planifier la manière dont votre offre sera proposée, elle pourrait devenir obsolète au cours de son développement.
Cela signifie que vous devez planifier la fourniture de services dans des délais plus courts, avec davantage de boucles de retour d’information. Il faut aussi prévoir une flexibilité qui vous permette d’augmenter, de diminuer, d’activer, de simplifier, de transformer ou de désactiver, voire de déployer les services dans des directions totalement nouvelles en fonction des réactions que vous recevrez. Pour cela, la première étape consiste à se demander « Que faut-il faire pour passer à l’étape suivante ? » puis « Comment devons nous ajuster nos dépenses. »
Les conditions commerciales et les contrats sont d’autres domaines où les fenêtres d’exploitation doivent être plus courtes. Les contrats peuvent prendre trop de temps à finaliser lorsque les deux parties tentent de résoudre toutes les éventualités. Une approche plus réaliste consistera à établir un ensemble de règles de fonctionnement pour une relation de travail et à convenir des conditions d’une réévaluation régulière, déclenchée par les changements futurs. (qui arriveront, soyez en sur).

Faire moins de suppositions, proposer plus d’hypothèses
Le mot « hypothèse » semble faire autorité, mais il signifie en fait le contraire. En science, une hypothèse est une conclusion formée à partir de preuves limitées, à utiliser jusqu’à ce que vous trouviez quelque chose de mieux. C’est un point de départ, pas un point d’arrivée.
Dans notre monde accéléré, nous sommes mieux servis en faisant l’inventaire de nos hypothèses et en en transformant autant que possible en hypothèses.
Dans mes équipes, les deux questions que j’essaie de poser le plus souvent sont « Quelle est l’hypothèse » et « Comment saurons-nous si elle est vraie ? Penser de cette façon permet de se libérer de la pression, car nous n’avons pas l’impression de devoir savoir quelque chose qui n’est pas encore connu. Nous sommes libres de laisser l’avenir être l’avenir.
Ce qui est improbable ou même impossible aujourd’hui pourrait bien être la nouvelle norme dans six mois. Lorsque nous considérons la majeure partie de notre vision du monde comme un point de départ, la nouvelle normalité est forcément moins choquante. Les surprises et les perturbations qui se produisent à chaque coin de rue nous rappellent que la meilleure façon d’avancer est de rester en mouvement.
La résilience
La Résilience est la capacité à absorber le stress, se remettre d’un coup dur ou d’un échec et à se développer dans des circonstances inhabituelles. La gestion de la résilience nécessite plus que la simple greffe de nouvelles idées ou de nouveaux outils sur les approches actuelles. Elle exige un état d’esprit d’entreprise fondamentalement différent, qui englobe la complexité, l’incertitude, l’interdépendance, la pensée systémique et une perspective à plusieurs échelles de temps. Oui, complexité, on retrouve de nouveau la prochaine lettre de VUCA et la raison que VUCA est VUCA et pas CAVU ou VAUC.
Et cette résilience demande…devinez… de l’adaptabilité qui demande… de l’expérimentation. L’adaptabilité est la capacité à évoluer par tâtonnements. Elle requiert un certain niveau de diversité et d’inclusion, obtenu par une expérimentation naturelle ou planifiée, en combinaison avec un mécanisme de sélection itératif pour déployer les idées qui fonctionnent le mieux. Les processus et les structures des organisations adaptatives sont conçus pour la flexibilité et l’apprentissage plutôt que pour la stabilité et les changements minimaux.
Ces deux actions reposent toutes les deux sur votre capacité de curiosité pour écouter votre environnement, votre industrie et vos clients pour détecter l’événement dès qu’il se passe même s’ils ne confortent pas vos croyances et d’empathie pour vos clients, car si vous êtes en pleine incertitude n’oubliez pas que vos clients aussi. Ce qui signifie que dans l’incertitude, la Relation client et l’empathie deviennent plus important que la marge.
Pour instaurer et maintenir une culture de l’expérimentation et de la résilience vous avez de nombreuses options managériales que vous pouvez implémentez l’une après l’autre.
Investissez dans la collecte et le partage en interne d’informations
J’enfonce le clou de la curiosité dont nous avons parlé lors de l’épisode précédent. Encouragez vos collaborateurs à partager toute information client/marché/secteur/tendance et punissez impitoyablement ceux qui ne jouent pas le jeu et pensent encore que l’information, c’est le pouvoir. Vous devez être sur le qui-vive pour identifier les tendances et les dangers qui peuvent être autant d’opportunités pour les digérer rapidement.
Faites entrez des compétences qui vous semblent inutiles aujourd’hui
Vous pouvez aussi inverser la logique de la formation en acceptant toute demande de formation de vos collaborateurs avant de leur demander à leur retour de partager ce qu’ils ont appris en atelier. Si le monde est imprévisible, les compétences dont vous aurez besoin le sont aussi donc ne cherchez plus à limiter le type de connaissance ou le genre de compétence qui entre dans votre entreprise ! Il ne suffit plus d’acquérir de nouvelles compétences, mais des compétences différentes et apprendre le plus vite possible sur un maximum de sujet !
Créez des formations à la volatilité, imprévisibilité, incertitude et à l’ambiguïté !
Comme le propose par exemple l’école de la prévision de Twitch, une filiale d’Amazon qui est un youtube uniquement consacré aux jeux videos, https://hbr.org/2017/05/how-our-company-learned-to-make-better-predictions-about-everything qui a créé une formation à la prévision basé sur l’idée popularisée par Philip Tetlock dans superforcasting. Selon lui, les meilleurs prévisionnistes sont ceux qui sont le plus capable de se remettre en question, d’apprendre rapidement de leurs erreurs et de continuellement mettre à jour leur vision du monde. Il arrive donc que chez Twitch, pour rassembler les troupes autour d’un projet d’amélioration ou d’innovation le porteur du projet motive son idée et créé un groupe autour de celui-ci en disant : «Si nous lançons ce produit, je suis confiant à 70 % que sous 8 semaines 15 % de nos clients l’utiliseront !». Vous pouvez aussi commencer par une conférence sur VUCA par Benjamin Chaminade bien sur !
Valorisez les échecs et les erreurs.
Pour soutenir une culture de l’expérimentation, il est logique de ne pas tomber à bras raccourci sur le premier collaborateur qui fait une erreur. Si l’erreur ne doit pas être encouragée évidemment elle doit cependant être valorisée et partagée. Toute erreur qui n’a pas encore été faite par un concurrent est un avantage concurrentiel !
C’est cette approche que nous avons utilisé pour développer notre véhicule de compétition. Ce qui a changé ma façon de penser à propos des plans complexes à long terme. Nous en en reparlerons dans la partie sur l’ambiguïté mais il faut bel et bien une vision à long terme pour continuer à avancer ensemble dans la même direction, tout en étant aussi être prêt à faire évoluer cette vision ou à faire marche arrière si le contexte l’exige !
L’INCERTITUDE AU NIVEAU PERSONNEL
Au niveau personnel, il va falloir déjà dépasser la grande incertitude du moment ( la grande inquiétude du moment plutôt ) : « Aurais-je encore un emploi demain ? »
La crise économique mondiale liée au corona-covid a remplacé la peur de voir son emploi automatisé. Peur qui avait déjà remplacé celle de voir son emploi envoyé à l’étranger.
Mais alors que tous les regards sont tournés sur la crise, est ce que l’on peut classer l’automatisation de masse des emplois dans la boite des prédictions non réalisées comme le papy-boom et le bug de l’an 2000 ? À voir avec l’épisode de la pandémie qui a soit remis les pendules à zéro, soit stoppé momentanément le compte à rebours.
Surveillez votre culture d’entreprise.
Même si vous n’êtes pas manager. En fait, surtout si vous n’êtes pas manager, soyez attentif aux signes montrant que votre culture d’entreprise devient léthargique et complaisante. Ce qui peut facilement se produire en période de prospérité. Faites de votre mieux pour tirer le signal d’alarme si vous vous apercevez que l’apathie et la sécurité deviennent plus récompensées que la prise de risque et la recherche d’innovation.
Utilisez votre empathie.
La faiblesse de l’incertitude est qu’elle touche tout le monde, vous, votre manager, vos collègues, vos clients et vos fournisseurs. Prenez des nouvelles de vos fournisseurs, même si ce n’est pas pour leur passer commande. Parlez à vos clients pour savoir comment ils traversent cette période difficile sans en avoir à leur portefeuille. Si vous êtes manager, rencontrez, ou appelez, vos collaborateurs pour les aider à exprimer leurs doutes et leurs appréhensions sans être sur la défensive. Dans l’incertitude, l’empathie est plus importante que le résultat financier de cours terme.
Rendez vous utile et apprenez
Si l’entreprise n’est pas en mesure d’allouer des fonds à votre formation, augmentez votre valeur en investissant personnellement dans votre propre formation. Trouvez un domaine de votre service ou de votre organisation où il existe un manque de compétences, de talents ou de connaissances et efforcez-vous d’acquérir ce dont vous avez besoin pour combler ce manque. Augmentez sa valeur pour son entreprise est une stratégie saine, même si vous ne craignez pas de changements imminents. C’est simplement une chose intelligente à faire. Nous devons nous attendre à l’inattendu et être prêts non seulement à y survivre, mais aussi à saisir des opportunités inattendues. Pour cela, l’apprentissage est le moyen de contourner ce problème. Si nous courtisons activement l’incertitude, alors nous nous mettons en position d’apprendre.
Soyez visible
« Personal branding » nous voilà. Augmentez votre visibilité en vous portant volontaire pour travailler dans des groupes de travail, coalitions ou autre comité. Si aucun groupe ne peut vous recevoir, lancer un projet lié à l’incertitude qui attirera d’autres collègues souhaitant participer. Cette visibilité productive est primordiale en période de changement. Ce sont ceux qui regardent le changement en face et y participent qui sont les moins susceptibles de le subir. l’attention positive de tous.
Faites attention à vos propres réactions
Renforcer sa capacité à résister émotionnellement à l’incertitude demande de renforcer des capacités adaptées à l’incertitude. Soyez conscient de votre comportement en période d’annonces ou de périodes stressantes. Sortez-vous immédiatement de la réunion en partageant vos interprétations de tous les aspects négatifs possibles de la situation ou donnez-vous le bénéfice du doute aux dirigeants de l’entreprise – en adoptant une approche positive d’attentisme ? Préférez-vous être celui qui est considéré comme le saboteur de toute volonté de changement ou êtes vous celui par qui le changement arrive. Selon moi, la question est vite répondue.
Restez engagé.
Aussi troublante et inquiétante que soit l’incertitude, n’abandonnez pas votre engagement dans votre travail et votre entreprise-, ce qui signifie de ne pas démissionner dans sa tête avant de réellement démissionner. Il y a quelque chose de nuisible lorsque nous perdons le sens et le but de ce que nous faisons et que nous nous contentons d’attendre que l’épée de Damoclès tombe. Faites tout ce qu’il faut pour retrouver une source d’engagement. Parlez-en autour de vous et retrouver du sens si vous le pouvez encore.
Devenez un agent du changement.
Soyez conscient que l’une des compétences clé de l’intelligence émotionnelle aujourd’hui est d’être capable de gérer le changement :
- Au premier niveau, cela signifie avoir la capacité de définir le besoin général de changement dans le cadre de votre responsabilité
- Au second niveau, agir pour soutenir le changement
- Au troisième niveau diriger personnellement le changement
- Et au quatrième niveau, défendre le changement et à être un catalyseur de changement ou agent du changement comme j’en parle dans ma formation Udemy
Envisagez de passer un test de compétence émotionnelle pour déterminer votre niveau dans cette compétence. Avec un peu d’effort, de formation, d’accompagnement et un état d’esprit approprié, nous pouvons tous être doués pour le changement qu’implique l’incertitude.
CONCLUSION – VUCA, EXPÉRIMENTATION ET RÉSILIENCE
L’incertitude n’est pas toujours mauvaise et est même parfois souhaitable. Souhaitez-vous que l’on vous donne la fin du film que vous souhaitez aller voir ? Souhaitez-vous connaître l’heure précise de votre mort et savoir de quelle façon elle se produira ?
De nombreux domaines de la technologie créent délibérément des quantités contrôlées d’incertitude, afin d’améliorer le fonctionnement des appareils et des processus. Les techniques mathématiques pour trouver la meilleure solution à un problème industriel utilisent des perturbations aléatoires pour éviter de s’enliser dans des stratégies qui sont les meilleures par rapport aux voisins proches, mais pas aussi bonnes que celles des voisins plus éloignés. Les modifications aléatoires des données enregistrées améliorent la précision des prévisions météorologiques. Les missions spatiales exploitent le chaos pour économiser du carburant coûteux.
La vie est une loterie, et même si l’incertitude engendre le doute, et que le doute nous met mal à l’aise, c’est pourquoi nous voulons réduire, ou mieux encore, éliminer l’incertitude. Nous nous inquiétons de ce qui va se passer.
L’incertitude demande de se préparer mentalement au changement pour pouvoir agir rapidement dès que vous avez identifié qu’une incertitude est en train de devenir une vraie transformation. Vous devez être prêt à remettre en cause en permanence ce que vous savez et ne pas laisser les informations qui vont dans votre sens détruire votre esprit critique !
La théorie du chaos nous dit que même lorsque quelque chose obéit à des règles rigides, il peut toujours être imprévisible. La théorie quantique nous dit qu’au fond, à ses plus petits niveaux, l’univers est intrinsèquement imprévisible. Par expérience et à cause du biais de confirmation, je crois que lorsque quelqu’un dit qu’un événement n’arrivera « jamais » celui-ci se produit dans les 5 ans.
La suite avec l’explication en détail de VUCA et du management de la Complexité : Partie 4/6 : VUCA et le management de la complexité.
VUCA
Management de la Volatilité. VUCA est désormais communément utilisé pour faciliter l’identification des transformations. Que celles-ci soient technologiques, économiques, sociales et sociétales auxquelles entreprises et collaborateurs doivent s’adapter. Ces 4 lettres apportent un peu de sens à ce «nouveau normal*». Ce monde actuel dans lequel tout acquis peut disparaître en quelques jours, parfois pour des raisons que nous n’étions pas en mesure d’imaginer. Dernier exemple en date : la pire crise économique que nous avons connu de notre vivant a été déclenchée par une pandémie mondiale directement causée par un anima et la facilité de déplacement des populations. Les experts se battant encore pour savoir de quel animal il s’agissait. Cette crise a signé le retour de l’état providence sous la forme du fonds de solidarité et le passage en « mode normal » du travail à distance.
Reprenons les 4 mots de l’acronyme VUCA l’un après l’autre. Cela nous aidera à comprendre les concepts et leur portée sur les activités des entreprises. Je n’oublierai pas ses effets sur le management et les compétences que nous devons tous rapidement acquérir pour rester en phase avec ce nouveau contexte.
*Pour résumer ce qu’est ce « nouveau normal » dont on parle de plus en plus souvent ? C’est assez simple. Faites la liste d’événements qui paraissent normaux aujourd’hui mais qui auraient été considérés comme de la science-fiction il y a 10 ans.
Cet article est la suite de la partie 1/6 : Introduction, définition et exemple de VUCA.
DÉFINITION DE LA VOLATILITÉ DE VUCA
« Volatilité se rapporte au taux de changement de l’environnement. La volatilité à l’ère de l’information signifie que même les données les plus récentes peuvent ne pas fournir de contexte adéquat pour la prise de décision. Au-delà de la capacité d’évaluer avec précision l’environnement actuel, les dirigeants doivent anticiper des changements rapides et faire de leur mieux pour prévoir ce qui peut arriver dans le cadre d’un projet, d’un programme ou d’une opération. La volatilité de l’environnement, associée aux délais prolongés des programmes d’acquisition modernes, crée un défi particulier pour les dirigeants ». Source : Strategic Leadership Primer Page 11.
Selon cette définition, la volatilité se rapporte à
- la rapidité, la fréquence et à l’échelle des changements et
- aux informations liées à ces changements qui ne permettent pas de les comprendre.
Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas demain et ce qui est innovant aujourd’hui sera obsolète plus vite que vous ne le pensez.
1 – Concernant la rapidité et l’ampleur du changement
Vous allez trouver ça étrange, mais le changement est lui-même en train de changer, comme je le résume dans la vidéo ci-dessous qui introduit les 3 types de changements.
Les 3 types de changement. Extrait de ma formation à la conduite du changement sur UDEMY
Du changement incrémental au changement exponentiel
Commençons avec les changements d’amélioration qui consistent à faire évoluer une offre de façon incrémentale en faisant mieux, plus rapide, plus simple et moins cher. Pour se faire, vous prenez un processus et améliorez ce qui peut l’être pas à pas. L’avantage de cette approche est de brusquer personne en s’assurant que tout le monde avance à la même vitesse. Le danger est de vous faire dépasser par des changements demandant rapidité et audace et pas consolidation et sécurité.
Vous avez ensuite les changement de transition qui consistent à régler un problème en effectuant une transition d’un ancien système à un nouveau système. La conduite du changement a été conçue pour ce type de situation. Vous identifiez le problème, vous préparez une solution et vous la mettez en place. Le souci avec cette approche est qu’elle considère que vous passez d’un système stable à un autre système stable avec une période de bazar entre les deux. Ce qui n’est pas le cas pour le monde VUCA qui nous promet un monde en mouvement de changement permanent sans stabilité, ni départ ou arrivée clairement identifiés. C’est la raison pour laquelle on parle aujourd’hui d’avantage de changement de transformation que de changement de transition.
Et nous voilà au 3e type de changement : les changements de transformation qui consistent à s’adapter à un changement brutal d’environnement ou à une technologie disruptive. Il ne s’agit plus de changer quelques trucs ou de résoudre un problème, mais de révolutionner ses pratiques, sa culture et son état d’esprit ! Ici tout change en même temps, tout le temps et le tout dans l’incertitude.
L’exponentielle demande un changement de mentalité
Vous avez compris que la volatilité est liée à ce changement de type 3. D’ailleurs, mathématiquement, la volatilité est représentée par la propension d’une variable à s’écarter de sa valeur moyenne au point de tendre vers l’infini. Ce qui peut expliquer que le terme d’exponentiel est désormais lié au concept de volatilité. Une exponentielle pouvant être positive (développement de Uber et Airbnb à l’international) ou négative (faillites de petits commerces et de restaurants depuis le premier confinement de 2020).
Alors que la mentalité incrémentale se concentre sur l’amélioration continue immédiate, la mentalité exponentielle s’intéresse à faire quelque chose de différent dont les résultats s’accumulent dans la durée. En d’autres mots, l’incrémental se satisfait de 10 % et l’exponentiel cherche à faire X 10…minimum. Je sais que l’illustration est facile, mais au siècle dernier, les modèles économiques industriels étaient définis par leur utilisation de machines pour créer des rendements d’échelle croissants. Les modèles commerciaux numériques utilisent désormais les effets de réseau pour créer ce que Ray Kurzweil décrit comme des rendements d’échelle accélérés (cf. partie suivante). La principale différence est que les modèles industriels sont linéaires alors que les modèles numériques sont exponentiels et demande un état d’esprit ou » Mindset » adapté comme l’illustre le graphique ci-dessous inspiré de l’article « Exponential mindset » de Mark Bonchek.

Pensée incrémentale vs. Pensée exponentielle. +10 ou X10 ?
La réduction des périodes de stabilité
Dans les épisodes précédents de changement technologique, les périodes d’innovation et de bouleversement rapides ont été suivies de périodes de calme relatif qui ont permis aux industries de se stabiliser. Je vous laisse voir le schéma de la « courbe en S » qui décrit le cycle de vie d’un produit, d’une innovation ou des étapes d’un projet. Cela a été le cas des révolutions techniques apportées pas l’électricité, le téléphone ou le moteur à combustion interne qui ont connu de fortes poussées d’innovation dans les technologies sous-jacentes qui se sont ensuite stabilisées. Des gagnants évidents sont apparus et sont restés au sommet ou près du sommet pendant des décennies, de Ford à Kodak.
Ce paradigme de calme après la tempête n’existe plus ! L’amélioration du rapport coût-performance des technologies numériques ne montre actuellement aucun signe de ralentissement. Même celles qui semblaient atteindre leurs limites comme la loi de Moore (qui prédisait que la densité des transistors sur les circuits intégrés doublerait tous les 2 ans) sont relancé. À e sujet, j’aime bien aussi parler de la « loi de Shrek« . C’est par cette loi que Dreamworks explique que chaque film Shrek a demandé 2 fois plus temps de temps de rendu que le précédent. La loi de Moore venant d’être relancé par Apple et son Processeur ARM M1 qui nous devait nous faire patienter jusqu’à l’arrivée des ordinateurs quantiques qui promettent d’aller bien au-delà du X2.
2 – Concernant la volatilité des informations
Ensuite, toujours selon la définition officielle, cette volatilité se traduit par un décalage entre l’état actuel d’un environnement et les informations qui se rapportent à celui-ci. Ce qui implique de se détacher de l’approche » philatéliste » du savoir dans lequel on accumule faits, idées et informations une fois pour toutes sans jamais revenir dessus. Ce qui est à la base du “fixed mindset“. Dans un mode volatile, toute information est temporaire. Ce qui signifie que vous devez sans cesse remettre en question les choses que vous pensez savoir et les faits que vous pensez certains. Les faits, les idées et les théories ne sont plus une collection réconfortante, mais un ancrage temporaire.
La volatilité de l’information signifie que :
Plus aucun savoir n’est valide pour toujours
Il s’agit du fameux « Art of unlearning » en anglais dans lequel il ne s’agit plus seulement d’accumuler son savoir, maisd’apprendre à le mettre en cause (et à jour) ce que l’on sait déjà. Nous prenons des décisions basé sur la logique et la réflexion ? FAUX ! Nous rationalisons après avoir pris une décision selon Dan Ariely dans son ouvrage « C’est vraiment moi qui décide ? ». C’est de notre intelligence que dépend notre réussite ? FAUX ! Selon David Brooks dans « l’animal social », c’est de notre capacité à faire confiance. Le Charisme est inné ? FAUX ! Selon les recherches d’Olivia Fox Cabane dans « The Charisma Myth ». Et cette liste pourrait s’allonger encore si j’y ajoutais tous les livres dont les titres commencent par «Re-» : Re-imagine de Tom Peters, Rework de Jason Fried et David Heinemeier, Rethink (7 ouvrages avec ce même titre), Rewired (9 ouvrages) ou Reinvention (14 ouvrages avec ce titre). Bienvenu dans le « Unlearning Movement« .
Ce qui semble vrai ne l’est peut-être plus
Il faut apprendre à se méfier de nos connaissances et être conscient du biais de confirmation selon lequel nous ne privilégions que les informations qui corroborent et confortent nos croyances. Pour preuve, l’effet bulle créé par Facebook qui pour nous faire rester le plus longtemps possible sur son réseau (pour être exposé au plus grand nombre de pubs possible) cherche à ne pas nous heurter en nous proposant du contenu provenant de gens qui pensent comme nous. On peut aussi aller plus loin en proposant que les solutions d’hier peuvent entraîner les problèmes d’aujourd’hui et les problèmes d’aujourd’hui ne peuvent pas être résolues avec les solutions d’hier. Des exemples : favoriser le diesel à l’essence, ça vous parle ?
Ce qui semble dépassé ne l’est peut-être pas
Le corollaire du point précédent est aussi vrai. Prenez les disques vinyles, si nous sommes d’accord que leur part de marché reste confidentielle, il y a pourtant eu 4 millions de disques vinyles neufs vendus en 2019, soit 4,5 fois plus qu’il y a 4 ans, et que les ventes progressent de 12 % par an et représentent 20 % des ventes de support physique en France. On peut continuer le fil et aller dans la volatilité jusqu’au bout : 50 % des Britanniques qui achètent des Vinyles ne les écoutent pas !

Pandémie de 1918, ça vous rappelle quelque chose ?

LES AUTEURS DE LA VOLATILITÉ
Si vous souhaitez approfondir cette notion de VUCA qui est de la loin la plus simple, vous avez deux auteurs incontournables. Deux auteurs qui ont d’ailleurs créé ensemble l’école de l’exponentielle : la Singularity University. Cette « université » prépare les dirigeants et les organisations mondiales à l’avenir grâce à des programmes et des événements transformateurs grâce à des intervenants et un écosystème d’anciens élèves.

Peter Diamandis
À votre gauche, je vous présente le Docteur Peter Diamandis, fondateur de la fondation Xprize qui encourage par des prix conséquents (parfois en millions de dollars) les changements technologiques qui pourraient profiter a l’humanité. Il est aussi connu pour la théorie des 6D qui explique d’une technologie ne devient exponentielle qu’une fois digitalisée. Celui pour qui «Your biggest problems are your biggest opportunities» est aussi à l’origine de Human Longevity Inc. (HLI), une société de diagnostic et de thérapie basée sur la génomique et la thérapie cellulaire, qui se concentre sur l’allongement de la durée de vie humaine en bonne santé. Un sujet à la mode dans la Silicon Valley depuis quelques années. C’est bien d’avoir l’argent, mais autant avoir la santé aussi.
Ray Kurzweil
À votre droite, laissez-moi vous présenter une autre star du sujet de la volatilité : Ray Kurzweil, futurologue et directeur de l’ingénierie de Google depuis 2012. Il est connu dans le monde de l’innovation pour plusieurs raisons. D’abord son livre de 1999 « The age of spiritual machine » dans lequel il propose la loi du retour accéléré qui se base sur la loi de Moore pour lister toutes les exponentielles qui l’accompagnent et enfin pour son ouvrage publié en 2005 « Singularity is near » qui prévoit l’avènement de super-intelligences qui introduira des changements entrainant au choix la fin de l’être humain ou la naissance du transhumanisme. Il est aussi connu comme l’homme aux 250 pilules qu’il prend chaque jour (et qui semble marcher si vous comparez ses photos d’une année à l’autre) ainsi que pour chercher à faire revivre l’esprit de son père.
Pour Kurzweil, selon son article sur la loi des retours accélérés, une analyse de l’histoire de la technologie montre que le changement technologique est exponentiel, contrairement à la vision « linéaire intuitive » du bon sens. Nous ne connaîtrons donc pas 100 ans de progrès au XXIe siècle, mais plutôt 20 000 ans de progrès (au rythme actuel). En se basant sur les « rendements », tels que la vitesse et la rentabilité des processeurs qui augmentent de manière exponentielle.
Voici quelques exemples de cette loi des retours accélérés :
- Le coût du Gigaoctet (a été divisé par 520 millions en 60 ans)
- Le coût de la production solaire en euro du watt produit a été divisé par 2 depuis 2010
- La rentabilité des robots qui était de 5 ans en 2013 est à 10 mois en 2017
- Le coût du séquençage du génome humain (3 $ milliards en 2003), $99 plus frais de transport via 23andme depuis 2015.
VOLATILITÉ DANS L’ENTREPRISE
Intéressons-nous maintenant aux effets concrets de la volatilité sur l’entreprise et le monde.

Concurrence
La concurrence devient de plus en plus rapide. Au point ou même les startups en cours de développement sont elles-mêmes concurrencées. Et étant dans un monde VUCA ce ne sont pas des startups qui concurrencent des startups, mais des individus ou de grands groupes. Dans ce cadre, les 5 forces de Michael Porter (intensité de la concurrence, pouvoir de négociation des fournisseurs, pouvoir de négociation des clients, menace de l’arrivée de nouveaux acteurs jusqu’alors inconnus et menace de produits ou services de substitution) se retrouvent insuffisantes pour comprendre l’environnement d’une entreprise. Il faut désormais y ajouter la versatilité de la demande, la réduction accélérée des ressources et le pouvoir de la marque et de la différentiation (Océan bleu).
Attentes clients
Le nombre de clients prenant en compte les avis d’autres clients via les notations en ligne augmente d’année en année. Nous sommes passés en 5 ans de 34 % des internautes qui faisaient autant confiance aux avis en ligne qu’aux recommandations de leur proche à 64 % selon capterra ou 84 % selon http5000. Les attentes des clients changent mais leur source d’information concernant la communication de l’entreprise aussi.
Talents
Je ne vais pas vous refaire une tartine sur les millennials, mais la génération, les valeurs, le contexte familial, la situation professionnelle, l’environnement économique, le développement des technologies ont aussi un effet sur les attentes des collaborateurs envers leur entreprise et leur management. À ce sujet, une nouvelle discipline des ressources humaines, centrée sur la consumérisation des salariés, est en train de voir le jour dans de nombreuses entreprises à travers le monde : le HR Design. Un exemple parmi d’autres : le nombre de chauffeurs Uber est passé de 0 à 2 millions de chauffeurs en 8 ans alors que selon Apptopia, un conducteur sur deux reste plus d’un mois alors qu’ils étaient 89 % à rester en juin 2013.
Technologie
Evidemment, le taux des innovations technologiques est de plus en plus rapide et leur effet de plus en plus visible. Concernant la digitalisation par exemple, un de mes clients, un réseau d’opticiens français, qui avait annoncé 5 fermetures en 2016, 20 en 2017, 50 en 2018 et 110 en 2019 s’approche des 400 fermetures pour 2020. La pandémie n’étant finalement que responsable de l’accélération de la tendance et pas la seule cause. Oui, comme l’astéroïde qui a décimé les dinosaures. Ces derniers étaient déjà vers la sortie bien avant. La volatilité n’est pas qu’une exponentielle qui va vers le haut ! Les réussites peuvent être tout aussi volatiles que les échecs !
Parties prenantes
Ici, nous touchons à l’interconnexion des échanges. Plus vous travaillez avec un grand nombre de partenaires, plus les changements, mêmes les plus petits, peuvent avoir des effets d’ampleur selon l’image des dominos qui tombent.
Économie
Les changements volatiles de VUCA peuvent expliquer que certains business models comme l’intégration verticale (qu’il est difficile de faire évoluer en cas de retournement de marché ou de disruption technologique) commencent à être abandonnés. ils le sont au profit de modèles plus agiles demandant peu d’investissements (“asset light“) comme le dropshipping (créer un site vitrine pour des produits que vous ne fabriquez pas) ou l’intermédiation (louer des voitures ou des chambres qui ne vous appartiennent pas).
Nous pourrions aussi parler du passage de la propriété à l’utilisation avec les business models de l’abonnement qui permettent d’utiliser un produit sans le posséder. Modèle qui est lui-même victime de la volatilité en raison du fait qu’il est devenu trop répandu. J’en veux pour preuve cette série d’articles intitulés « Mort par des milliers d’abonnements » en référence à l’expression anglaise « death by a thousand cuts. » Ce qui est en train de créer un retour en arrière assez étonnant et la progression étonnante de logiciels à achat unique comme Affinity de Serif qui concurrencent de plus en plus solidement la suite adobe, leader du marché.
MANAGEMENT DE LA VOLATILITÉ
Alors, quelle réponse managériale peut apporter le management pour ne pas se faire dépasser par la volatilité ?
Commençons par identifier les changements qu’entraînent VUCA sur le management.

Ce qui est remis en cause
Faisons simple. La plupart des méthodes managériales enseignées en formation qui demandent de suivre des étapes précises : étape 1 : rappeler les objectifs à son collaborateur. Étape 2 : faire le point avec lui sur sa performance passée. Étape 3 … Bref. Vous voyez l’idée.
VUCA ne signifie pas qu’il faut dénoncer les méthodes managériales, mais qu’il faut en contester leur stabilité, cars elles ne fonctionnent plus dans toutes les situations ni avec tout le monde. Il faut désormais les compléter avec une approche contextuelle, ce que l’on appelle le management situationnel.
Le management situationnel repose sur 4 règles :
- Adopter, à chaque moment, les attitudes managériales adaptées au contexte d’une situation (pléonasme),
- Révéler le potentiel de chaque collaborateur en développant leurs compétences métier et compétences transversales (T-shaped),
- Évaluer en permanence l’autonomie des collaborateurs et des équipes,
- Créer les conditions propices au développement de l’autonomie et de la responsabilisation.
La réponse émotionnelle
La première réponse du manager face à un changement incompris peut être purement émotionnelle, car il ou elle réalise qu’il ou elle est en décalage avec le changement en cours… Et ce n’est pas à coup d’entreprise libérée ou d’holacratie que le manager peut se rassurer. Rassurez-vous, ce qui devient obsolète est votre compréhension du monde, des attentes de votre équipe et des réponses managériales à apporter. À priori, pas vous !
En fait, comprenez que viser la performance sur le long terme vous impose de participer à votre propre obsolescence. Ce qui signifie que vous ne devez pas chercher seulement à être le meilleur dans ce que vous savez déjà faire ! Vous devez aussi explorer des domaines adjacents au votre et créer des connexions ! Vous êtes commercial, intéressez vous aux neurosciences, vous êtes dans le marketing, intéressez-vous à l’UI/UX. Vous êtes RH, allez vendre ! Vous êtes vendeur allez recruter ! Vous êtes un agent de la fonction publique, allez visiter une startup !
Ce qu’il faut faire
Avant de passer au management situationnel, commencez par vous préparer à l’accélération. C’est ce que les Anglais appellent « Preparedness » qui aurait pu se traduire par » Préparitude » en français. Mais en fait non.
Prenez exemple sur l’opérateur d’énergie Belge ORES qui maintient sa curiosité en organisant régulièrement des groupes tendances dans lesquels les membres, sur la base du volontariat, sont chargés de suivre une tendance. Pour cela, ils doivent rencontrer les experts du sujet, lire la presse du domaine et créer des partenariat avec universités et chercheurs. P&G fait la même chose avec un groupe de 70 « Technology entrepreneurs« . Ces responsables tendances se rencontrent ensuite pour réfléchir comment les effets de ces tendances sur l’organisation, la fabrication ou la distribution.
Ensuite, que vous soyez manager ou salarié, ne vous laissez pas happer par un job qui ne vous laisse pas de temps pour réfléchir ! Si c’est le cas, démissionnez, car vous êtes en train de vous déconnecter des changements en cours. De plus, Ne laissez pas votre entreprise décider de votre plan de formation ! Il y a de fortes chances qu’elle s’intéresse davantage à son court-terme qu’à votre long-terme ! Essayez de développer une connaissance ou une compétence “montante“. Un point de départ serait d’explorer la liste des compétences à posséder en 2020 publiée par le World Economic Forum : la créativité, la pensée critique ou l’intelligence émotionnelle.
Les compétences managériales à développer pour faire face à VUCA
Déjà, pour commencer, la réponse à la volatilité n’est pas, comme le dit J-M. Blanquer, en parlant de la mission de l’école, de ralentir. Vous devez abandonner dès à présent l’idée que vous êtes en contrôle de quoi que ce soit. Vous ne pouvez proposer le ralentissement pou répondre à la volatilité ou la simplicité contre la complexité. Vous devez rester en mouvement constant ! Pour cela pas de secret, vous pouvez mener 3 actions :
1. Développez une culture de curiosité personnelle et organisationnelle.
Ne laissez jamais une question sans réponse, même si celle-ci est plus difficile à trouver qu’une recherche sur Google. Pour favoriser le questionnement, vous pouvez demander à vos collaborateurs de répondre à des questions comme :
- « Quel business model pourrait être dangereux pour nous ? »
- « Connaissez-vous des alternatives à notre offre existent actuellement et que l’on ne considère pas comme concurrentes ? »
- « Quelle disruption pourrait vous surprendre ? »
- « Savez-vous quelles sont les nouvelles attentes client ? ».
Axa Bank et Konika organisent des « vis mon job » ou « Job swap » pour aider leurs collaborateurs, et parfois clients, à voir les choses sous un nouvel angle. Leroy Merlin envoie des collaborateurs sur les chantiers de leurs clients pour comprendre les changements d’attentes de ces derniers.
2. Remettez en question ce que vous savez et les pratiques managériales que vous utilisez.
Ces connaissances étaient sans doute à la pointe quand vous les avez reçues. À voir si elles les sont toujours. Relisez l’article dont j’ai déjà mis le lien plus haut concernant le « Mouvement du désapprentissage » ou en anglais « Unlearning Movement« . Ensuite, identifiez les méthodes de management que vous utilisez et recherchez des articles, études ou vidéos sur le sujet. Sont-elles toujours d’actualité ?
Par exemple, si vous menez des entretiens annuels d’évaluation, vous pouvez rechercher des articles s’interrogeant sur leur suppression et trouver des entreprises qui font autrement comme Salti.
3. Devenez plus proactif et encouragez la proactivité.
Être proactif signifie : penser et agir en amont des événements prévus. Non seulement, c’est une excellente méthode pour éviter de faire plus de travail par la suite. Mais en plus, cela peut aussi être extrêmement important pour éviter les problèmes.
Pour être proactif, commencez à agir, à assumer vos responsabilités et à contrôler vos réactions. Anticipez votre avenir proche. En vous concentrant sur les solutions, plutôt que sur les problèmes, vous conserverez une perspective précise des événements. Pour vous aider, vous pouvez faire comme de nombreuses entreprises et organiser des groupes tendances. Ce sont des groupes dans lesquels vos collaborateurs, sur la base du volontariat, deviennent des chercheurs de tendance. L’objectif de devenir le référent sur cette tendance pour votre entreprise. IA, dropshipping, équipes distribuées, agilité, intelligence émotionnelle, psychographie…
COMPÉTENCES DE LA VOLATILITÉ
Les dangers individuels dans un monde VUCA
La volatilité apporte 2 dangers aux collaborateurs : la commoditisation et l’obsolescence des compétences.
Commoditisation des compétences
La commoditisation (ou banalisation) advient lorsqu’un produit ou service, qui était initialement rare et coûteux, devient si commun que son prix élevé n’est plus justifié. Pensez à l’automobile avant la Ford T, au taxi avant Uber ou à la musique avant l’itunes store. Il s’avère que les compétences aussi deviennent des commodités.
Lorsqu’un nouveau type de compétences est requis, comme un nouveau langage de programmation par exemple, ceux qui le maîtrise sont ceux qui sont à l’origine de ce langage. À ce moment-là, si la demande pour cette compétence se développe, cette demande et un rencontrera une faible offre. Ce qui entraînera des prix élevés, car il n’y aura pas d’autre choix que de faire appel à ces pionniers. Au fil du temps, et à mesure que la demande augmente, davantage de personnes se formeront. Ce qui viendra répondre à la demande en concurrençant les pionniers sur le prix. Regardez ce qu’il s’est passé pour le marketing digital. À ce moment là, les entreprises qui utilisaient des consultants vont recruter un salarié disposant de la compétence à plein temps.
Obsolescence des compétences
L’obsolescence fait partie de tout développement technologique, mais aussi de toute carrière professionnelle. Si vos compétences sont toujours utiles, mais qu’une autre compétence prend le relais, vous devrez penser à une reconversion. Être un expert dans son domaine reste d’actualité tant que votre domaine ne devient pas dépassé. Vous devez toujours rester curieux des avancées technologiques et de toutes les transformations que traverse votre secteur. VUCA ou pas VUCA.
L’obsolescence des compétences peut-être physique (baisse des capacités d’apprentissage et d’adaptation aux nouvelles compétences nécessaires) ou économique (compétence devenue inutile suite à une transformation). Selon l’étude du Centre Européen pour le Développement de la Formation Professionnelle (CEDEFOP), 50 % des compétences d’un emploi deviennent obsolètes dans les 5 ans.
Automatisation
Et ces processus de commoditisation ou d’obsolescence s’appliquent à toutes les compétences ! Sauf si elles sont protégées par une guilde ou un ordre, comme les notaires ou les experts-comptables. Et encore, la même chose leur arrive avec la mise en concurrence et le développement de l’automatisation.
En parlant d’automatisation, il y a du nouveau dans ce domaine ! Jusqu’à présent, l’équation était facile : plus une compétence est simple plus elle est automatisable. Ce n’est plus le cas depuis que nous sommes entré dans le 3e âge de l’automatisation.
1er âge : mécanisation des travaux pénibles et dangereux (exploitation minière)
2e âge : rationalisation des tâches routinières et répétitives (fabrication industrielle)
3e âge : automatisation des activités demandant un diagnostic ou une décision rapide (médecine et droit)
La question n’est donc plus seulement de se demander si vous apprenez assez vite pour rester à jour. Elle est de savoir identifier vos compétences qui sont en passe d’être remplacées par une Intelligence Artificielle, une base de données ou un freelance. Oui, cela rejoint l’obsolescence. Merci de suivre.
Les compétences personnelles à développer
Commoditisation et obsolescence doivent vous conduire à vous poser les bonnes questions pour votre « stratégie de compétence » selon 5 domaines :
- Rester sur le qui-vive. Demandez-vous continuellement, quelles sont vos compétences qui risquent d’être commoditisées les premières. Comment en développer de nouvelles qui sont en demande dans l’environnement VUCA ? Vous pouvez aussi vous demander si c’est toujours utile de mettre sur son CV “maitrise de la suite office“.
- Comprendre sa valeur. Comment est-ce que vos compétences créent de la valeur pour votre entreprise ou à vos clients ? Est-elle unique, ou du moins, différentiée de votre concurrence et de ses alternatives ?
- Augmenter sa différentiation. Quelles capacités sont en train de devenir des commodités ? Quel manque de compétence pourriez-vous combler et quelles compétences sont en train de devenir importantes ?
- Construire un portfolio de compétence. Quel horizon pour le développement de compétences nouvelles ? Quelles sont ces compétences nouvelles dont vous aurez besoin ?
- Apprendre comme on respire. Cherchez à maintenir vos compétences à jour à tout prix, quitte à vous former pendant vos vacances ! En parallèle, restez prêt à abandonner le plus rapidement possible toute compétence qui vous semble devenir obsolète. Ne, vous y accrochez surtout pas ! Évidemment à moins que vous ayez un métier ancien ou artisanal ! Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit.
Et nous y revoilà, ces 5 questions nous ramènent à la curiosité dont j’ai déjà parlé plus haut.
CONCLUSION : VUCA, VOLATILITÉ ET CURIOSITÉ
Vous avez remarqué, je n’ai pas mis dans cette liste l’agilité qui est pourtant ce que préconisent beaucoup de ceux qui suivent VUCA comme une bible des temps modernes. La raison est que l’agilité consiste à réagir rapidement à un changement de contexte pour s’y adapter. Ce que je chercher à vous dire ici, via le concept de curiosité, est de chercher à voir les changements de loin. Avant qu’ils ne vous surprennent ! La curiosité me paraît être LA capacité la plus importante aujourd’hui. Sans curiosité, pas de créativité, pas d’innovation, pas de sérendipité. Je ne m’étale pas, vous trouverez suffisamment d’articles sur le sujet de la curiosité sur mon blog comme la matrice de la curiosité, la curiosité managériale, la curiosité professionnelle. Vous pouvez même m’appeler pour une conférence sur la curiosité.
Je le répète. La volatilité ne vous demande pas d’aller vite, mais simplement d’être curieux de votre environnement. Histoire de ne pas vous faire surprendre et avoir plusieurs portes de sortie si ça tourne mal. Sans curiosité, il risque d’être difficile d’être agile.
Pour approfondir ce sujet, je vous invite à vous inscrire à ma formation sur le changement sur UDEMY après avoir identifié votre profil de curiosité.
La suite avec l’explication en détail de VUCA et du management de la Volatilité : Partie 3/6 : VUCA et le management de l’Incertitude.
VUCA
VUCA. S’il y a bien quelque chose que je n’aime pas dans le monde du management, ce sont les acronymes simplistes pour managers (parfois) fainéants. Prenez au hasard les 3C, les 4P, les 5W, les 6D de la disruption…et encore, je ne vous parle pas des SMART, SCAMPER, SWOT, GTAC ou WIIFM.
Pourtant, il y a un acronyme qui contient des sujets si complexes que je n’en ai toujours pas touché le fond : VUCA. Un acronyme qui fait sens et qui mérite de venir rejoindre votre vocabulaire business au même titre que ceux que vous utilisez dans votre secteur (SEO), votre entreprise (PIP) ou votre métier (CHO)

Présentation du monde VUCA qui sera sera développé dans les prochains articles
DÉFINITION DE VUCA
Bon, comme vous le savez peut-être déjà. VUCA est l’acronyme de Volatilité, Incertitude (Uncertainty), Complexité et Ambiguïté.
Déjà, VUCA n’est pas une « Vacuous Concoction» comme le décrit le journaliste Michael Shapinker dans son article «The empty consolation of VUCA and other buzzwords» publié dans le Financial Times le 23 octobre 2018. Article (payant) dans lequel il commence par dénoncer VUCA avant de finalement conclure que oui, avec Trump, le Brexit, les assassinats commandités par l’Arabie Saoudite, la politique russe et la montée de la Chine, finalement, la géopolitique est bel et bien VUCA. Les changements s’enchaînent de plus en plus vite, les entreprises meurent de plus en plus vite et le monde est plus incertain que la garde-robe de Lady Gaga. Apparu en 1987 et publié en 1991 dans un document de recherche réalisé par Herbert F. Barber et intitulé « Developing Strategic Leadership: The US Army War College Experience, Strategic Leadership Primer » et publié sous la coordination du Dr Rod Magee.
Publication de VUCA – Strategic Leadership Primer, 3e édition
Cette compilation de recherches est présentée comme un livre d’orientation pour aider les cadets à comprendre les changements sur le champ de bataille. De quelques lignes en 1998, la section VUCA devint un chapitre à lui tout seul à partir de la 3e édition publiée en 2012.
Concernant la défintion de VUCA, cet acronyme a pris du galon après le 11 septembre 2001 et après l’engagement en Afghanistan. Engagement qui a montré que le champs de bataille pouvait être aussi virtuel ou « cyber », qu’une armée pouvait ne plus clairement identifiée et que l’ennemi pouvait provenir de sa propre population. VUCA permettait d’illustrer que désormais les forces armées doivent être capable de déployer des techniques d’attaques élaborées au cours de la mission par ceux qui sont sur le terrain. Et pas par un général armé d’un powerpoint.
Plus récemment, VUCA a commencé à être utilisé comme une introduction aux transformations technologiques, économiques, sociales et sociétales auxquelles les entreprises doivent s’adapter. Ces 4 lettres apportent un peu de sens à ce « nouveau normal » dans lequel les frontières de l’entreprise deviennent beaucoup plus floues qu’auparavant, dans lequel le client doit être s’avantage impliqué et dans lequel n’importe quel plan bien huilé ne peut pas résister à une crise imprévue et imprévisible. Oui coronavirus, covid-19 et confinement. Mais pas que
Cette suite d’article vous propose de Prendre conscience des impacts du monde V.U.C.A. sur l’organisation et les individus permet de mieux comprendre les difficultés rencontrées et d’identifier ce qu’il serait opportun de changer pour s’y adapter.
Voici la traduction des définitions de chaque lettre de l’acronyme donné par « Strategic Leadership Primer ». Je ne fais que les lister ici car vous trouverez une définition complète, ainsi que des exemples et une réflexion approfondie sur le management VUCA et comment être un manager dans le monde VUCA dans une série d’articles à venir…
L’acronyme VUCA en 4 lettres et en 4 définitions
Volatilité de Vuca
La volatilité se rapporte au taux de changement de l’environnement. La volatilité à l’ère de l’information signifie que même les données les plus récentes peuvent ne pas fournir de contexte adéquat pour la prise de décision. Au-delà de la capacité d’évaluer avec précision l’environnement actuel, les dirigeants doivent anticiper des changements rapides et faire de leur mieux pour prévoir ce qui peut arriver dans le cadre d’un projet, d’un programme ou d’une opération. La volatilité de l’environnement, associée aux délais prolongés des programmes d’acquisition modernes, crée un défi particulier pour les dirigeants
Incertitude de vUca
L’incertitude est l’incapacité de tout savoir sur une situation et la difficulté de prévoir la nature et l’effet des changements (au croisement entre l’incertitude et la volatilité). L’incertitude retarde souvent les processus décisionnels et augmente la probabilité d’avoir des opinions très divergentes sur l’avenir. Elle rend nécessaire une gestion intelligente des risques et des stratégies de couverture (Hedging strategy).
Complexité de vuCa
La complexité se rapporte à la difficulté à comprendre les interactions de multiples parties ou facteurs et difficulté de prévoir les effets primaires et ultérieurs de la modification d’un ou de plusieurs facteurs dans un système ou des systèmes fortement interdépendants. La complexité diffère de l’incertitude. Bien qu’il soit possible de prévoir les résultats immédiats d’interactions uniques au sein d’un réseau plus large, les branches et les suites non-linéaires se multiplient si rapidement – et font double emploi avec les connexions précédentes – qu’elles submergent la plupart des processus d’évaluation. On pourrait dire que la complexité crée de l’incertitude en raison du volume même des interactions et des résultats possibles.
Ambiguïté de vucA
L’ambiguïté décrit un type spécifique d’incertitude qui résulte de différences d’interprétation d’une information lorsque les indices contextuels sont insuffisants pour en clarifier le sens. Ironiquement, « ambiguïté » est un terme ambigu, dont la définition change subtilement en fonction du contexte de son utilisation. Pour nos besoins, il fait référence ici à la difficulté d’interpréter le sens lorsque le contexte est brouillé par des facteurs tels que la cécité culturelle, les biais cognitifs ou une perspective limitée. Au niveau stratégique, les dirigeants peuvent souvent légitimement interpréter les événements de plusieurs manières et la probabilité d’une mauvaise interprétation est élevée.
On résume la définition de VUCA et on enchaîne.

Définitions de l’acronyme VUCA
A QUOI SERT VUCA ?
Voilà pour la définition. Maintenant, lorsque j’ai commencé à parler de VUCA en France à partir de 2005, il faut bien reconnaître que mon auditoire me regardait avec des yeux ronds d’incompréhension. Et à juste raison : « Encore du jargon de consultant » « un néologisme américain » ou encore, « un concept qui ne me concerne pas ».
Bref, VUCA n’était pas le bienvenu !
Jusqu’à ce que 3 événements me fassent changer d’avis concernant son utilité et sa pertinence ; l’attente des dirigeants et manager d’un cadre de compréhension des changements en cours, la stratégie client d’Amazon et ma propre expérience entrepreneuriale.
VUCA, un cadre pour comprendre « le nouveau normal »
Le nouveau normal ou « new normal » en anglais est un terme devenu maintenant assez courant qui illustre un état dans lequel une économie, une société, ou une entreprise se réinvente après un changement brutal. J’ai découvert ce terme en 2004 dans l’un de mes bouquins business préféré : « Karaoke capitalisme » de Jonas Ridderstråle et Kjell A. Nordstróm. C’est quelques années plus tard, avec la crise financière de 2008, que ce terme est devenu populaire dans le monde anglophone. En France, le nouveau normal est devenu couramment utilisé pour présenter le monde pendant et après la pandémie COVID-19.
Les plus anciens, et les consultants, préféreront peut-être parler de changement de « paradigme ».
Pour vous prouver que ce nouveau normal est un vrai sujet et pas un truc de pop consultant, je vous invite à regarder cette vidéo débattant du nouveau normal de l’éducation par…l’UNESCO.
VUCA, la politique managériale et commerciale d’AMAZON
Jeff Bezos, patron de l’entreprise la plus citée en exemple pour illustrer les business models de la disruption (avec Uber) l’explique dans sa lettre aux actionnaires de 2016 les stratégies qui seront suivies pour que Amazon reste selon les termes maison « comme au premier jour » ou « day one« . Dans cette lettre, Bezos donne 4 stratégies qui répondent point par point à l’acronyme VUCA :
“High velocity decision making“ : mieux vaut prendre une mauvaise décision vite dans une situation volatile qu’une bonne décision trop tard !
« Pour conserver l’énergie et le dynamisme du Premier Jour, vous devez trouver le moyen non seulement de prendre des décisions de grande qualité, mais aussi de les prendre rapidement. C’est facile pour les start-ups ; un vrai défi pour les grandes entreprises.
Les équipes Amazon font tout pour que les décisions continuent à être prises rapidement. Dans le business, la vitesse est importante. En plus, un processus de décision rapide rend l’environnement dans lequel on travaille beaucoup plus amusant !
Nous n’avons pas toutes les réponses, mais voici quelques pistes : n’adoptez pas un processus de décision unique et standardisé. Sachez reconnaître rapidement une mauvaise décision et la corriger. On peut ne pas être d’accord, mais on y va quand même pour accélérer la prise de décision. Mettez rapidement en évidence les divergences profondes qui prouvent un manque d’alignement des objectifs. »
“Embrace external trends“ : ne pas perdre son temps à prévoir un avenir incertain, mais réagir rapidement quand une tendance se confirme.
« Si vous résistez à la nouveauté, vous résistez au futur. Choisissez l’innovation et vous aurez le vent dans le dos. Les grandes innovations ne sont pas si difficiles que ça à identifier (on en parle et on écrit généralement beaucoup à leur sujet.) mais étrangement, les grandes entreprises ont beaucoup de mal à les adopter. Ainsi, il existe aujourd’hui un mouvement d’innovation évident dans le domaine de l’intelligence artificielle et du machine learning.
Mais la plupart des domaines où nous employons les technologies de Machine Learning ne sont pas visibles. Ainsi, ce sont des technologies de Machine Learning qui pilotent nos algorithmes de prévision de la demande, de recherche et de recommandation produits, de détection de la fraude, de traduction, et bien d’autres encore. Bien que moins visibles, la majorité des applications futures seront de ce type. Discrètement, mais de façon puissante, elles participent à l’amélioration de nos opérations fondamentales. »
“Resist proxies“ : le client reste au centre de l’attention et pas les process qui tendent vers la complexité.
« Lorsque les entreprises deviennent plus grandes, il y a une tendance naturelle au management par procuration. Cela peut prendre plusieurs formes et être de plus ou moins grande ampleur, mais c’est toujours dangereux, subtil et très Deuxième Jour.
Prenons un exemple courant : déléguer le pouvoir aux procédures. Bien sûr, de bonnes procédures permettent d’être au service des clients. Mais si vous n’y prenez pas garde, la procédure peut devenir l’objet principal. Ça peut arriver très facilement dans les grandes entreprises. La procédure devient l’opération à qui vous déléguez la responsabilité d’atteindre les résultats souhaités.
En fait, vous ne regardez plus les résultats, vous vous assurez juste que les procédures sont réalisées correctement. » Une illustration amusante ci-dessous qui provient du film « Mon beau-père et moi ».
“Customer obsession“ : aucune ambiguïté, le client d’abord !
» Il y a plusieurs façons de diriger une entreprise. Vous pouvez être focalisé sur vos concurrents, sur vos produits, sur vos technologies, votre business model, et plein d’autres choses encore. Mais selon moi, être focalisé et obsédé par le client est, de loin, le meilleur moyen de préserver l’énergie du Premier Jour.
Pourquoi ? Je pourrais citer plein d’avantages à une approche centrée client, mais il y a une raison principale : les clients sont toujours merveilleusement, délicieusement insatisfaits, même quand ils se disent contents et heureux de la relation avec l’entreprise. Même quand ils ne le savent pas encore, les clients veulent toujours quelque chose de mieux, et votre désir de les charmer vous poussera à inventer quelque chose de mieux en leur nom. Aucun client n’a jamais demandé à Amazon de créer son programme Premium, mais il s’avère qu’ils le voulaient. »
A la fin de cette lettre Bezos précise qu’il va falloir de l’intuition, de la curiosité, du jeu, de l’audace et du goût. Pas sur de comprendre pour le goût, mais pour les autres, intuition, curiosité, jeu et audace,, il s’agit des 4 attitudes managériales adaptées à VUCA. Vous trouverez la lettre complète en langue originale sur le site corporate d’Amazon.
Vuca, expérience personnelle
Et enfin, en entrant dans le détail de VUCA, j’ai réalisé que pour chaque lettre de l’acronyme, je pouvais y raccrocher une incompréhension des dirigeants et de managers qui me recevaient et que je pouvais y trouver un lien avec la gestion de mes entreprises et les stratégies que j’ai suivi.
Ce que j’apprécie dans cet acronyme est qu’il s’agit d’une grille de lecture dans un monde en disruption et pas d’une check-list dont il faudrait cocher chaque case !
Cet acronyme beaucoup plus populaire dans le monde anglophone qu’en France m’aide à illustrer mes réussites…et échecs.
Australie : VUCA m’a porté.

Présentation du monde VUCA qui sera sera développé dans les prochains articles
Commençons avec l’Australie où je dirigeais une entreprise de recrutement et de conseil en engagement salarié et en expérience candidat.
J’ai surfé – jeu de mot – sur ce concept sans le savoir…
Volatilité : sur la période qui me concerne, le gouvernement australien a investi dans ses infrastructures ferroviaires et routières en même temps que la 4G se déployait dans le pays, créant ainsi une accélération du nombre d’offres d’emplois jamais vue.
Incertitude : en tant qu’employeur, je me suis retrouvé dans une situation étrange : J’étais plus inquiet de trouver les bras dont nous avions besoin pour répondre à nos clients que de trouver des clients.
Complexité : tout le monde utilisait les mêmes sites de
recrutement en postant les mêmes annonces. Comment se distinguer ? Ma réponse à été de m’inspirer d’un secteur qui avait 5 ans d’avance sur ce sujet : les sites de rencontre. Pourquoi ne pas recruter comme une rencontre et se pencher d’avantage sur les valeurs partagées que sur les compétences ? C’est sans doute banal aujourd’hui, mais révolutionnaire en 2005.
Ambiguïté : premier paradoxe : Chercher à résoudre le problème de recrutement de mes clients alors que je vivais le même problème. Autre ambiguïté : Avoir un taux de chômage élevé tout en ayant de nombreuses pénuries de candidats. Enfin, dernier paradoxe parmi plein d’autres : l’incompréhension du « déjà fait avant ». D’un coté des candidats qui veulent changer d’emploi et de carrière, de l’autre des entreprises qui cherchent des candidats qui on déjà fait la même chose, pas des gens qui veulent faire autre chose !
France : VUCA m’a tué

Présentation du monde VUCA qui sera sera développé dans les prochains articles
De retour en France, j’ai retrouvé VUCA dans l’activité de compétition automobile dans laquelle je me suis impliqué…mais cette fois-ci à ma défaveur…
Volatilité : je n’ai pas vu venir la dégradation rapide de l’image du 4X4 auprès du grand-public, ni du désintérêt pour le Dakar par les concurrents.
Incertitude : 60 % de nos clients étaient proches de la retraite. Allaient ils continuer les courses ? Et avec l’arrivée de la crise de 2008, les marques allaient-elles encore sponsoriser des écuries ? Avec le recul c’est facile: NON !
Complexité : que faire quand la situation économique se dégrade et q’exactement en même temps, vos clients s’en vont ou perdent leur intérêt pour les courses automobiles ? #disruption
Ambiguité : un 4X4 par sa durée de vie pollue moins qu’une voiture que l’on remplace tous les 100 000 km. Oui, même une voiture électrique qui ne fait que déplacer la pollution.
Nous avons essayé de répondre à cette situation en créant notre propre véhicule. Malheureusement, c’était sans doute trop tard et notre proto a été détruit au bout de 2 jours de course par un pilote imprudent. #dépôtdebilanàtrèscourteéchéance…
Le management de VUCA ou le management VUCA ?
La définition de VUCA demande
Les concepts managériaux à manipuler étant complexes et les pratiques managériales à mettre en place étant nombreuses, je vous propose de vous présenter les pratiques du management dans un monde VUCA dans une série d’article qui va suivre. Chaque article traitera d’un angle de VUCA et du management adapté que pourra suivre pas pas tout manager concerné.
Dès à présent, pour vous présenter ce qui vous attend dans les articles suivant consacrés au management de la volatilité, de l’incertitude, de la complexité et de l’ambiguïté, je vous propose ce tableau résumant les effects de VUCA sur le monde de l’entreprise.

Le management VUCA – résumé
Attachez votre ceinture et commencez par regarder la vidéo d’introduction ci-dessous avant de vous rendre à la partie 2 » Le management de la volatilité de VUCA «